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1778.

Louis XVI avait succédé à son grand-père le 10 mai 1775, à l'âge de 20 ans; la première planche ci-jointe représente Sa Majesté portant l'uniforme du Régiment du Roi, telle qu'elle apparut à ses soldats, le 23 avril 1778, lors de sa première revue à Marly. C'est la reproduction d'une gravure assez rare de Robin de Montigny, que je destine au Musée de l'Armée. Dans sa très curieuse collection, M. G. Cottreau, l'un des membres fondateurs de la Sabretache, possède deux petits livres fort rares concernant le régiment du Roi; le premier contient l'état détaillé du personnel du corps lors de la revue dont il s'agit; le second, daté de 1784 et presque introuvable, porte le titre suivant:

Tableau des frères et des sœurs composant la Loge de Saint-Louis, à l'Orient du régiment d'infànterie du Roi.

Notre aimable confrère nous autorise à les analyser, mais nous ne nous Occuperons aujourd'hui que du premier.

Un ancien usage militaire, dont le principe subsiste toujours, consistait à remettre aux grands chefs de l'armée une situation des troupes qu'ils allaient inspecter; par extension, le chef du régiment qui avait l'honneur d'être passé en revue par le Roi lui-même, présentait à Sa Majesté un livret imprimé ou calligraphié offrant l'ordre de bataille du régiment, avec les noms de tous les officiers à leur place de parade. Dans les peintures ou gravures du temps, le Roi est parfois représenté tenant ce livret à la main, pendant que le défilé s'opère devant lui à la majestueuse cadence du pas ordinaire, les officiers à pied exécutant l'ancien salut, véritable figure

de menuel.

Le livret possédé par M. Cottreau est un joli in-8° de 35 pages, imprimé sur papier fort, relié en maroquin rouge et doré sur tranches. Un titre gravé porte en tête l'écu du régiment dans sa noble simplicité: une fleur de lys sur fond bleu.

Tout le régiment figure au livret par compagnie, dans sa formation pour la revue : les officiers et le petit état-major nominativement, les gradés et les soldats numériquement.

Les douze compagnies de fusiliers partagées en quatre bataillons sont encadrées entre les deux compagnies de grenadiers; les deux compagnies de chasseurs sont au centre. L'ordre des bataillons est le suivant: 1o, 3o, 4o et 2°, conformément au principe qui fixait alors la place d'honneur aux

deux ailes.

Il y a un porte-drapeau par bataillon, la compagnie colonelle comprend de plus un enseigne, en outre des dix officiers figurant à chaque compagnie. Les compagnies sont fortes de 116 à 117 hommes, sauf celles des grenadiers, qui ne comptent que 96 et 98 hommes. Leur cadre subalterne

est de 1 sergent-major, 1 fourrier-écrivain, 4 sergents, 10 caporaux et

2 tambours.

Voici la composition du petit état-major :

Les sieurs :

Maréchal, adjudant;

Saint-Antoine', tambour-major;

Dézoteux, chirurgien consultant des armées, chirurgien-major;

Valentin, aide-chirurgien-major;

L'abbé Chalon, aumônier;

Fossé, professeur de mathématiques et de dessin;

Rouget, écuyer;

Decaën, maître d'armes;

Bouvier, armurier.

Le nombre des musiciens n'est pas indiqué. Il y a un sous-tambourmajor, nommé Cordat, qui figure au 2o bataillon.

Le contrôle se termine par le Rang de pique de MM. les officiers, établi par grade. C'était, comme on sait, le rang d'ancienneté.

Nous rendons maintenant la parole à l'auteur du Manuscrit de Nancy, qui raconte ainsi cette revue:

Le régiment du Roy étant en marche pour se rendre à Caën est arrivé le 18 avril à Saint-Denis, et a reçu l'ordre d'y séjourner, afin de se préparer à passer la revue de Sa Majesté le 23 à la plaine au-dessus du parc de Marly, lieu qui avoit été choisi pour cette revüe.

Le même jour à une heure, le Roy en uniforme de son régiment y arriva et la reine, qui l'avait précédé de quelques instants, passa en carosse devant le front du régiment rangé en bataille. Leurs Majestés se rendirent ensuite à la tente qui leur avoit été préparée et où Mme la Duchesse du Chatelet eut l'honneur de les recevoir.

Le Roy étoit accompagné de Monsieur, M. le Comte d'Artois, du Duc de Chartres, du Prince de Condé, du Duc de Bourbon, de ses grands officiers et des seigneurs auxquels il avoit permis de le suivre dans ses carosses.

Ceux de la Reine, de Madame, de Mme la Comtesse d'Artois, de

1. Ce n'était plus le tambour-major Jacquot, qui eut l'honneur d'avoir son portrait gravé par la marquise de Pompadour, dans un médaillon daté de 1753, l'année où Louis XV fit venir son régiment à Compiègne et le vit marcher sur une cadence nouvelle, au son de la caisse et de la musique.

Mme Élisabeth de France, étoient remplis par la Duchesse de Chartres, la Duchesse de Bourbon, la Princesse de Conty et par les dames qui avoient été nommées pour les accompagner.

Leurs Majestés firent ensuite l'honneur à Monsieur le Duc du Chatelet, colonel-lieutenant du régiment du Roy, de dîner chez lui, M. Le Gouz-Duplessis, colonel en second, M. Destrée, lieutenantcolonel, furent admis par ordre du Roy à manger avec lui, les autres chefs du Régiment firent les honneurs de plusieurs autres tables qui furent occupées par les seigneurs à la suite du Roy.

M. de Charitte, capitaine de la colonelle et M. Roger de Damas, enseigne de la colonelle, eurent l'honneur de servir le Roy et la Reine à table pendant leur diner. Le Roy a été gardé à l'extérieur par le premier bataillon de son régiment, qui vint prendre poste aux tentes et fournir les sentinelles nécessaires.

Pendant le dîner du Roy on a distribué une halte aux sergents et soldats, les officiers ont eu permission de quitter leur compagnie et de venir faire leur cour au Roy.

Aussitôt que le Roy fut sorti de table, le premier bataillon fut reprendre son poste à la droite du régiment qui se remit en bataille à rangs ouverts et, pendant que la Reine alloit se placer en carosse pour voir défiler le régiment, le Roy passa dans les rangs et vit exécuter les temps des feux, par demi-bataillon et par bataillon.

Le terrein se trouvant trop gaté pour pouvoir exécuter aucune manœuvre par la pluie continuelle de la veille et des jours précédents, ainsi que par le nombre de cavaliers et de carosses que la présence de leurs Majestés y avoit attirés, le Roy ordonna que son régiment se romproit par peloton, pour défiler devant lui, ce qui s'exécuta, après quoi le régiment se remit en bataille sur le même terrein qu'il avoit occupé avant la revüe.

Le Roy a paru satisfait de la beauté des hommes, de la tenue et de la force de son régiment qui, quoiqu'en marche depuis dix-huit jours et dans une époque ou un plus grand nombre de soldats, absents par congés de semestre, n'avoient pas pu recevoir à temps les ordres de rejoindre, a paru sous ses yeux composé de dix-huit cents hommes sous les armes, sans y comprendre un détachement de deux cents soldats du régiment qu'on avoit été obligé de disposer pour différentes gardes. Les chaînes étoient formées presque dans la totalité

par les compagnies des bas-officiers invalides de l'hotel, et par des détachements de maréchaussée des chasses du Roy et de la généralité de Paris et de l'isle de France.

Le Roy a bien voulu accorder les grâces suivantes à quelques officiers de son régiment:

A M. Le Gouz-Duplessis, colonel en second, l'expectative de la grand'croix et la permission d'en porter les marques.

A M. Destrée, lieutenant-colonel, le grade de brigadier et l'expectative du Cordon rouge, dans le nombre des officiers du régiment du Roy qui se sont retirés avec cette décoration.

A M. De la Salle, major, 1,000# de pension sur l'ordre de Saint

Louis.

Au chevalier Du Nédo, colonel d'infanterie, chef de bataillon, 2,000# de pension sur l'extraordinaire des guerres outre ses pensions personnelles et la promesse d'être fait brigadier pour sa retraite.

A. M. de Charitte, capitaine de la compagnie colonelle avec rang de colonel, une gratification annuelle de 500".

A M. le Comte du Trochet, aide-major du corps avec rang de colonel, une gratification annuelle de 600# en attendant la jouissance d'une pension sur l'ordre de Saint-Louis que Sa Majesté lui avoit précédemment accordée.

A M. de Balivière, premier capitaine des Chasseurs, le brevet de colonel.

A M. de la Laurencie de Charras, premier aide-major du corps, le brevet de major.

A M. le chevalier de Flechin, deuxième aide-major, une gratification de 500#.

Aux sieurs Carttande et de Sérignac, l'exécution d'un brevet qu'ils avoient obtenu lors de leur retraite pour la croix de SaintLouis.

Aux sieurs de Tramain et de Flechin, capitaines, l'assurance d'une place de colonel en second, lorsque Sa Majesté jugera à propos de faire une promotion, conformément à l'usage établi en faveur du régiment du Roy pour les anciens capitaines de son régi

ment.

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