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faites les Français, aussi tous sont-ils surpris de savoir ce qu'ils apprennent, ils sont très avides de nouvelles ; ils viennent en quantité à Ancône pour y charger des marchandises et un de leurs grands plaisirs est de prendre de ses proclamations pour les lire et en porter dans leur pays.

Les lettres écrites par ces pachas sont en style oriental très plaisant, ils l'appellent l'homme grand, l'homme fort de la grande

nation.

Anecdotes à ne pas oublier. - Pyramides élevées au 14 juillet, noms des hommes tués à la guerre écrits dessus; prisonniers de guerre crus morts, rentrés et riant beaucoup d'y voir leur nom, mais satisfaits de penser que leur nom serait connu en cas de mort.

Grande punition: n'être pas de l'armée d'Italie. Fuite de....., marié avec la Saint-Hubert; il avait donné sa parole d'honneur de ne pas se sauver, de ne sortir de sa chambre que pour aller dans les principales bibliothèques. Anecdote du cardinal Pignatelli dans les États du pays. Le cardinal commandant une garnison dans le fort d'Urbin, elle fut faite prisonnière de guerre, le cardinal aussi; le général le renvoya, ayant donné sa parole de ne plus servir et de se représenter quand on le demanderait ; il fut à Rome et n'obtenant pas beaucoup ce que voulait le général, le général irrité lui fit dire de se rendre; il se mit en route, mais à moitié chemin, par réflexion, s'en retourna, obtint une dispense du pape pour ne pas obéir et l'envoya au général.

Anecdote bien plaisante sur la guerre.

Le général Lannes avec une petite escorte trouva une troupe de cavaliers papalins, nez à nez. Très surpris, il s'avance vers le commandant et lui dit : « De la part de la République française, je vous ordonne de mettre pied à terre. Vous allez être obéi », lui dit le commandant... « Posez vos armes ». · Ainsi de suite. Il fut fait prisonnier.

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A Ancône, la garnison se place trois lieues en avant sur une tranchée au lieu d'être dans la place et les environs de la place.

(A suivre.)

COMPIÈGNE EN 1814

D'APRÈS UN MANUSCRIT DU TEMPS

(Fin1.)

Les jours suivants, des patrouilles de Cosaques ne cessèrent de se montrer, tantôt sur la route de Noyon à la hauteur de Clairoix, faisant replier les gendarmes placés en vedette et se retirant ensuite; tantôt à la pointe de la plaine de Choisy, entre les deux rivières, voltigeant sur le bord de l'Aisne et remontant vers Le Francport, où ils cherchaient un passage; mais, dès les premiers jours d'alarmes et aussitôt après la prise de La Fère, on avait fait descendre à Compiègne tous les bacs établis sur les rivières, et fait mettre le feu au pont du Francport, à peine fini, dont deux arches furent consumées, pour intercepter toute communication. Notre ville était ainsi menacée chaque jour et ne pouvait manquer d'être investie, si l'ennemi se présentait en force. Plusieurs habitants, même des fonctionnaires publics', effrayés des suites que pouvait avoir la défense d'une ville qui ne pouvait résister longtemps, et que le passage d'une rivière et l'importance d'un palais impérial rendaient néanmoins nécessaire, abandonnèrent Compiègne et se retirèrent vers Paris. Le receveur de l'enregistrement et le conservateur des hypothèques vinrent déclarer par écrit à la mairie qu'ils quittaient la ville, attendu que tout faisait craindre l'arrivée prochaine de l'ennemi; plusieurs autres citoyens et un grand nombre de femmes suivirent leur exemple.

1. Voir la page 639 du présent volume.

2. Notamment le sous-préfet. M. Dalmas. Voir plus loin.

Le bruit se répandit, le 6 mars, que l'Empereur, après avoir battu l'ennemi sur la route de Villers-Cotterets, l'avait poursuivi jusqu'aux portes de Soissons. On envoya le lendemain de ce côté une personne intelligente, par des chemins détournés, et l'on sut bientôt que l'armée française était campée sur la route de Reims, que cette ville était reprise, que le quartier général était à Fismes, eufin que les ennemis occupaient Soissons, pivotant sur cette ville et s'étendant vers Laon1. Ce même jour, un parti de 15 Cosaques passa l'Aisne au Francport à l'aide d'une petite nacelle et en mettant leurs chevaux à la nage; ils venaient de Noyon et avaient passé le pont à Ourscamp. Ce parti manqua de prendre le commandant des tirailleurs avec deux bourgeois, qui avaient été à la découverte jusqu'au Francport: ils ne durent leur liberté qu'à la bonté de leurs chevaux. Une patrouille de Polonais, qu'on avait fait sortir de la ville à la nouvelle de l'apparition des Cosaques, les fit replier vers Soissons".

Cependant les habitants de la ville se plaignaient généralement et depuis longtemps de la distribution vicieuse et arbitraire des billets de logements militaires. Des familles à l'étroit et mal à l'aise étaient surchargées de soldats, tandis que d'autres, qui avaient plus de moyens, paraissaient jouir d'une exception odieuse. Ces plaintes devinrent si vives et si multipliées à l'hôtel de ville, qu'on y eut enfin la conviction que plusieurs agents immoraux, que le besoin avait fait employer, abusaient cruellement de la conflance. de la mairie et trafiquaient, pour ainsi dire, de ces billets pour quelques verres de vin. On ordonna enfin qu'il serait fait un recensement général de tous les logements militaires, afin d'en faire une nouvelle répartition juste et raisonnable. Des commissaires furent nommés par quartiers, et l'on s'occupa de cette opération toute la journée du 8 mars. On sut beaucoup de gré à la mairie de cette

1. L'évacuation de Soissons par le général Moreau cut lieu le 3 mars, à 4 heures du soir. Les troupes de Blücher y passèrent l'Aisne durant la nuit, la journée et la nuit suivante. Le 4 mars l'Empereur arrivait à Fismes. Les 5 et 6 mars, Blücher se porta vers Craonne et Laon, en laissant à Soissons Rudzewitsch, avec toute l'infanterie de Langeron (H. Houssaye, 1814, p. 170 et passim).

2. L'auteur de ces mémoires se trouvait sur la route. A la vue des Polonais, il se crut entre les mains des Cosaques, dont l'armement et le costume sont à peu près les mêmes. Il fut entouré par la patrouille; mais elle ne voulait qu'avoir des renseignements. (Note de l'auteur.)

justice, quoique un peu tardive. Cette mesure n'eut cependant aucune suite pour le moment; car on apprit, le lendemain, qu'après un avantage remporté par l'Empereur à Craonne, l'ennemi avait évacué la ville de Soissons, que les postes de Noyon et de Vic-surAisne s'étaient repliés en même temps, et que la garnison de Compiègne n'y resterait pas longtemps.

En effet, l'ordre de départ arriva le jour même, et le 10, au matin, tout le corps polonais, infanterie, cavalerie et huit pièces de canon, partit à 8 heures de Compiègne pour retourner à Soissons'. Plusieurs jeunes gens de la ville, montant à cheval, les devancérent, pour avoir des nouvelles sûres de l'état de Soissons. Ils en trouvèrent les habitauts consternés et, à peine arrivés, ils entendirent battre la générale à l'approche des Polonais, qu'on prenait pour des ennemis ; ils les détrompèrent à cet égard, mais ils trouvèrent leur situation bien déplorable. Cette malheureuse ville, traversée déjà plusieurs fois par les deux armées, avait été dévastée par l'une et par l'autre et ruinée pour longtemps, l'hôtel de ville incendié, plusieurs autres édifices brûlés; la plupart des maisons endommagées et n'ayant plus ni portes, ni fenêtres, ni planchers, ni lambris; tout un faubourg saccagé et détruit par le canon des deux partis; telle fut l'image qu'il offrit à nos voyageurs qui, ne trouvant rien à manger nulle part, ni lits pour se reposer, se hâtèrent de quitter Soissons, pénétrés d'horreur pour les ravages affreux de la guerre. Ils avaient vu, au reste, les feux allumés des postes ennemis sur les hauteurs de Crouy, qu'on avait crues évacuées, ce qui leur fit craindre que notre armée n'eût essuyé quelque échec aux environs de Laon.

Il restait encore à Compiègne un détachement du 136 régiment d'environ 130 hommes. Il partit aussi pour Soissons le 11 mars; mais le major de ce corps, nommé Ottenin, resta dans notre ville en qualité de commandant de la place, sur les retranchements de la

1. Dans la journée du 9, écrit M. Montagnon, p. 14. Le major Oteniu aurait ramené à Soissons l'ancienne garnison, avec le 2e bataillon et la partie active du dépôt du 136, destinés à encadrer deux bataillons de levée en masse, et le bataillon d'éclaireurs de la Garde impériale.

2. Les ennemis enlevaient les boiseries pour les emporter au camp et faire bouillir leurs marmites.

(Note de l'auteur.)

quelle il était destiné à périr'. Cependant l'appréhension des jeunes Compiègnois qui avaient visité Soissons, n'avait point été sans fondement. L'armée française, après une bataille très sanglante près de Laon, s'était repliée sur Soissons, où l'Empereur avait placé son quartier général et toute son artillerie. Beaucoup de nouvelles troupes y arrivaient par la route de Paris et l'on se préparait à une nouvelle affaire; mais la tentative infructueuse sur le poste redoutable de Laon et la retraite de l'armée, livrèrent de nouveau la ville de Compiègne à toutes ses craintes, car un corps de 1,500 hommes, dont moitié cavalerie, rentra aussitôt à Noyon, et en même temps l'ordre arriva, au milieu de la nuit, au bataillon des tirailleurs de la jeune Garde, destiné jusqu'alors à la défense du palais et du pont, de partir au point du jour pour Soissons3. Ce départ précipité, qui indiquait assez et les pertes qu'on avait faites et le besoin de les réparer, mit le comble à la terreur des habitants, qui passèrent une nuit bien cruelle dans la persuasion qu'abandonnés à eux-mêmes, sans armes et sans défense, ils seraient envahis aussitôt après le départ de la garnison. On désigna à la mairie 50 hommes de la ville, pour garder les postes les plus exposés, plutôt dans l'espoir de maintenir le bon ordre que dans l'intention de faire aucune résistance.

III.

Première attaque de Compiègne par les ennemis.

Le dimanche 13 mars on entendit le canon du côté de Soissons une grande partie du jour, et le soir, des voyageurs et des gendar

1. D'après M. Montagnon, p. 14, il ne restait à Compiègne, à dater du 10, que le dépôt du 14o (partie active), au plus 30 hommes disponibles, sans les cadres.

2. La bataille de Craonne est du 7 mars; celle de Laon des 9 et 10 mars. L'armée française se concentra à Soissons l'après-midi et la soirée du 11 mars. (H. Houssaye, 1814, p. 229 et passim.)

3. D'après M. Montagnon, p. 14 et 15, le bataillon d'éclaireurs de la Garde serait parti le 9 pour Soissons, et un bataillon de voltigeurs de la jeune Garde ne serait arrivé pour le remplacer que dans la nuit du 14 au 15.

Le 12, l'armement de Compiègne comprenait 14 canons et un obusier; on expédia 10 canons à Soissons (ibid.).

Le même jour, la diligence de Compiègne à Noyon était arrêtée par los Cosaques. L'un des voyageurs, interrogé, avoua la diminution de la garnison (ibid.)."

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