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BULLETIN DE LA « SABRETACHE »

Dans sa réunion de ce mois, le comité de la Sabretache a nommé membres de la société :

MM. marquis de Beauchamp; vicomte de Beaufranchet; Calla, capitaine au 1er régiment de cuirassiers; Caplain (Jules), capitaine d'infanterie territoriale; chef de bataillon Carteron, commandant le 29 bataillon de chasseurs; Duceré, sous-bibliothécaire de la ville de Bayonne; duc d'Elchingen; Frachon (Marcel), secrétaire adjoint à la Banque de France; commandant Givre, chef d'étatmajor de l'artillerie du 18° corps; Guérin (Henri), officier de réserve; Jeanson, capitaine au 135 régiment d'infanterie; Merle (Jules); Péan de Saint-Gilles, ancien officier de cavalerie; Wurtz, pharmacien.

Au nom de la commission des finances, M. F. Masson a donné lecture de son rapport sur le projet de budget de 1898, dont la discussion viendra à la prochaine réunion.

31 janvier 1898.

Le Secrétaire-trésorier.

ERRATUM

au no co (décembre 1897).

Page 763, ligne 4: au lieu de « André », lire « Audry ».

Le Gérant: A. MILLOT.

LES

FASTES REGIMENTAIRES DE NOTRE INFANTERIE

AU

MUSÉE HISTORIQUE DE L'ARMÉE

L'une des tâches principales assignées au Musée historique de l'armée consiste à mettre en évidence, afin de les constater publiquement et de les populariser, les services et les traditions de famille de nos régiments; traditions fort anciennes, car, antérieures au règne d'Henri IV, les plus vieilles priment celles des autres armées'. Si l'on veut obtenir pareil résultat, il faut évidemment montrer d'abord les bases authentiques de ces traditions, en les rendant claires et compréhensibles pour tous les visiteurs du musée. Au moment d'organiser dans cet ordre d'idées la salle Louvois, affectée à l'infanterie, on se propose d'indiquer ici la composition des panneaux régimentaires projetés, en essayant de justifier la combinaison adoptée, par un coup d'œil jeté sur les périodes principales de notre histoire régimentaire.

Les transformations politiques subies par la France au cours des trois siècles, dépassés déjà de plus d'un lustre, qui nous séparent de l'époque où furent créés nos premiers régiments permanents d'infanterie, ont eu, comme on sait, pour conséquence d'interrompre, à deux reprises, le cours de leur existence, de sorte que l'histoire des corps les plus anciens présente, en fait et normalement, trois périodes distinctes correspondant aux services de trois familles régimentaires successives, soudées entre elles par l'identité de leurs

d'infanterie se qualifiait orgueilleusement d'immémorial.

1. Sauf peut-être en ce qui concerne l'armée espagnole, dont le premier régiment

CARNET DE LA SABRET.

N° 62.

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numéros d'ordre'. Après tant de bouleversements et de mutilations, cette méthode historique, actuellement officielle, répond le mieux à la réalité des faits, toute autre n'eût reposé que sur des relations purement superficielles avec les régiments disparus, elle aboutirait d'ailleurs à des complications incompréhensibles, au moins pour la masse du public, de telle sorte que, par un scrupule d'érudition mal compris, le but moral serait manqué.

Des trois périodes à distinguer dans l'histoire des vieux corps, la première est de beaucoup la plus longue, car elle s'étend de 1569, époque de la création de nos premiers régiments permanents d'infanterie, jusqu'à l'année 1796, au cours de laquelle la Convention jugea utile d'effacer les dernières traces des antiques traditions de l'armée royale, traditions restées vivaces bien que l'infanterie eût été amalgamée déjà, en 1794, dans la proportion d'un bataillon de ligne pour deux bataillons de volontaires.

Dans cette intention avouée, la célèbre assemblée décréta un second amalgame, où les numéros des demi-brigades réorganisées durent expressément être tirés au sort, afin d'éviter toute correspondance reconnaissable entre ces numéros arbitraires et ceux des régiments deux fois centenaires, noyaux des demi-brigades de 1794, ces dernières ayant, au contraire, été méthodiquement numérotées suivant l'ordre d'ancienneté des bataillons de ligne. Le nouveau décret reçut son exécution en 1796; alors disparurent complètement les traces régimentaires des anciennes troupes de ligne, leurs ultimes débris se trouvant désormais noyés, sous des numéros quelconques, dans la masse des levées républicaines. Cette mesure. révolutionnaire indique nettement le terme de la première période de l'histoire des corps d'infanterie.

La formation des nouvelles demi-brigades, lors du second amalgame, en 1796, marque le point de départ d'une seconde période, beaucoup moins longue à la vérité, car elle fut brusquement close par le licenciement général de 1815. Cette phase, si riche en faits. de guerre, ne vit s'accomplir que la simple transformation des

1. Nous négligeons à dessein les formations éphémères affectées éventuellement du même numéro. Elles ne comportent, à notre avis, que des notices annexées à l'historique. Il faut se garder de compliquer la suite logique des trois périodes principales.

demi-brigades en régiments, portant le même numéro que la plus ancienne des demi-brigades incorporées dans chacun d'eux. Cependant, en 1814, la désignation numérique d'un certain nombre de corps fut momentanément modifiée par le resserrement des numéros prescrits à la rentrée des Bourbons; on motiva cette disposition, désagréable à l'armée, par la convenance de ne laisser subsister aucun vide dans la série; mais le retour de l'Empereur fit bientôt rapporter la mesure et les régiments combattirent une dernière fois sous les aigles impériales avec leurs vieux numéros.

Après Waterloo, le licenciement général de l'armée, opéré sous les yeux mêmes de l'ennemi, trancha radicalement le fil de l'existence des vaillantes cohortes bronzées par tant de batailles. Ce ne fut pas tout; de trop puissants souvenirs semblaient encore relier tacitement les anciens compagnons d'armes; lorsque la monarchie, une seconde fois restaurée, reconstitua l'armée, elle voulut, elle aussi, effacer les traces du gouvernement précédent, en empêchant tout recours aux liens régimentaires de l'armée impériale. Les cadres et les soldats de tous les régiments furent systématiquement dispersés et renvoyés isolément dans leurs foyers, après quoi l'infanterie fut formée à nouveau, en groupes territoriaux, recrutés par des colonels choisis, sous la dénomination inusitée de légions départementales. L'ordre alphabétique des noms des départements régla seul les numéros de ces légions, sans que le maintien provisoire, au point de vue administratif, de quelques comptables des régiments licenciés autorise à les rattacher véritablement à ces régiments, comme on l'a parfois essayé.

Dans ces conditions, une troisième période dans l'histoire régimentaire date incontestablement de la formation des légions de 1815, bientôt converties en régiments qui prirent définitivement l'ancienne série des numéros, par lesquels ils se rattachent à leurs devanciers des siècles précédents. Cette troisième période dure heureusement encore, grâce à la sage pensée qui, sous la pression d'événements terribles, fit reconstituer à la hâte nos anciens régiments au printemps de 1871, en groupant leurs éléments anciens et nouveaux autour de drapeaux renouvelés, mais toujours em

preints de leurs mêmes numéros.

Nous espérons avoir montré, par ce simple exposé, que l'arbre généalogique des régiments d'infanterie actuels se compose en réalité de trois tronçons superposés, baptisés d'un même numéro et très nettement délimités. Si l'identité du numéro ne crée pas aux derniers corps créés des ancêtres à proprement parler, elle leur assigne du moins des parrains et ceux-ci ont donné jadis un tel lustre au numéro du corps, qu'à cet égard ils valent vraiment des aïeux. Aussi, leurs magnifiques traditions de vaillance et de dévouement sont-elles revendiquées avec fierté par nos régiments d'aujourd'hui, ceux-ci s'en proclament noblement les héritiers et c'est à constater publiquement l'héritage de chacun d'eux que seront consacrées les salles régimentaires du Musée historique; celles-ci centraliseront par là même, en les résumant, les salles d'honneur de l'armée entière.

Il importe toutefois de se garder d'appliquer sans discernement et trop à la lettre la méthode du numéro, sans quoi l'on arriverait à des conséquences contraires au but même que l'on poursuit. Tel est le point délicat que nous voudrions maintenant mettre en lumière. Pour y réussir, le moyen le plus clair est de prendre un exemple, afin de raisonner sur des faits précis, en ayant soin d'éviter jusqu'à l'apparance d'une démonstration basée sur un fait particulier. Considérons donc simplement le premier régiment de notre ancienne infanterie, celui de Picardie, et recherchons les familles régimentaires qui depuis sa disparition ont eu successivement, de par leurs numéros, le droit de se dire ses représentants et les héritiers de sa gloire. En d'autres termes, délimitons les trois tronçons de son arbre généalogique.

En 1776, Picardie, qui comptait alors quatre bataillons, fut dédoublé comme les dix autres régiments les plus anciens de l'infanterie et donna naissance à deux régiments numérotés 1 et 2; le premier, nommé d'abord Picardie, puis Colonel-Général, fut formé des 2 et 4 bataillons du vieux corps; les 1er et 3° bataillons constituèrent le second régiment, nommé d'abord régiment de Provence, mais auquel on se hâta de rendre l'illustre nom de Picardie quand le premier régiment reçut le titre de Colonel-Général, par suite du rétablissement de cette charge. La subdivision de l'ancienne

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