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corps, qui leur fait crédit et fournit de très bonnes marchandises, à qui ils doivent considérablement des habillements passés; qu'il n'est pas possible qu'ils le quittent, attendu que s'ils acceptaient les offres de l'entrepreneur de la manufacture de Seignelay, il leur mettrait le pied sur la gorge et que l'espérance qu'il a d'être payé de l'ancien dù, leur facilitera la fourniture dont ils auront besoin l'année prochaine, et ainsi qu'ils en sont convenus avec lui. Que si le Roy leur fait la grâce de leur payer les ustensiles qui leur sont dus pour deux cents hommes prisonniers de guerre, des écus de campagne des six compagnies entières sortant de mon régiment, orporées dans le sien, qu'alors il se fait fort de me montrer 600 homm, bien montés, armés et équipés, lors de mon inspection, avec cette observation que s'ils emploient à cet effet les bénéfices que son régiment aura pendant cet hiver aux réparations des compagnies, ils ne peuvent payer un seul sol de leurs dettes, dont il ne fait nul doute que vous en aurez Monseigneur des plaintes considérables.

La 3 de M. le comte de Raugrave, du 17, par laquelle il dit qu'ils ne sont point dans le cas de pouvoir faire usage de ce marché pour le régiment, qu'il n'est que pour les régiments qui doivent habiller, qu'il a eu la précaution de faire laisser, en entrant en campagne, leurs pelisses à Maubeuge, ce qui fera durer leur habillement un an de plus.

Qu'à l'égard des vestes et manteaux qui manquent, chaque capitaine les achète dans sa garnison, que les bonnets leur viendront à l'ordinaire de Strasbourg et que les réparations de l'armement de même que les schabraques neuves seront faites à Thionville ou à Metz.

La 4o de M. le comte de Lynden, du 15; il dit aussi que les marchés sont déjà faits à Givet et à Strasbourg, pour les réparations de son régiment et que l'offre de l'entrepreneur de la dite manufacture lui est inutile pour cette année.

A l'égard de mon régiment, il est aussi dans le cas de Polleretzky, il redoit aux marchands qui lui ont fourni le précédent habillement et il n'ose le changer de crainte d'impatienter ses créanciers.

Nous n'avons nulle part trouvé jusqu'ici l'explication du changement radical qui, bien avant la mort de Berchiny, fit en 1762 abandonner l'uniforme bleu céleste, généralisé, grâce aux efforts du maréchal, parmi les hussards de France; il fut remplacé alors jusqu'en 1776 par l'uniforme vert. On sait qu'aux temps de la tenue bleu céleste des hussards français, ceux du régiment Royal-Nassau issu du petit corps des volontaires royaux de Nassau-Saarbruck, avaient conservé, en raison de leur origine étrangère, leur uniforme bleu foncé et écarlate avec le galon blanc et orange et le lion

de Nassau sur la sabretache. En 1762, ce régiment dut lui-même prendre la tenue générale en vert avec la distinction du parement orange.

Le règlement contresigné en 1776 par le comte de Saint-Germain marqua le commencement d'une nouvelle période dans l'habillement de l'arme, en donnant au fond de l'uniforme de chaque régiment, une couleur spéciale qu'on s'habitua peu à peu à ne pas séparer de la pensée du corps lui-même. De là vint la longue popularité des nuances bleu céleste, brun marron ou gris argentin illustrées dans nos grandes guerres et portées sans interruption par les trois premiers régiments, jusqu'à ce que le maréchal Niel englobât impitoyablement ceux-ci dans l'application des nouvelles tendances administratives au nivellement. L'idéal aujourd'hui ne semble-t-il pas être de rendre tous les uniformes interchangeables!

Après la réforme du maréchal Niel disparut en particulier l'uniforme brun si cher aux vieux Chamborant et que le régiment concut un instant l'espoir de reprendre, lors des velléités manifestées par le général de Cissey pendant son premier ministère'. Mais arrêtons-nous sagement à 1776: il faudrait tout un long traité, accompagné de plus d'une centaine de planches coloriées, pour faire connaître, dans ses mille détails, l'aspect autrefois si varié de la nombreuse famille des hussards. Espérons que le Musée de l'armée réunira peu à peu d'assez sérieux éléments de la question, pour tenter un artiste jaloux de reprendre l'œuvre historique considérable à laquelle avait rêvé Meissonier: retrouver et conserver l'aspect scrupuleusement vrai de nos vieux régiments.

* **

Les deux planches jointes au présent article sont des fragments photographiés et renforcés du grand dessin teinté de Lenfant

1. Il me souvient d'avoir vu devant l'École militaire, vers 1871, de jeunes officiers du 2 hussards, prématurément coiffós du joli képi bleu clair à bandeau brun, aux couleurs rendues au régiment en 1840 par le dernier des colonels généraux des hussards, le roi Louis-Philippe. Je découvris aussi, dans une salle reculée du ministère de la guerre, la série des modèles d'uniforme différents préparés pour les régiments d'alors et portant les couleurs qu'ils n'auraient pas dù perdro», suivant le mot bientôt attaqué du ministro.

possédé par le Musée, dont nous avons parlé dans l'article précédent. Le dessin original manque, comme on peut le voir, de précision dans les détails; il indique mal la forme des vêtements, mais les couleurs, bien que pâlies, sont suffisamment visibles et telles que nous les avons indiquées. Ces vieux soldats de haute taille peuvent être d'ailleurs tout aussi bien (si ce n'est mieux) des Alsaciens ou de vigoureux gars de la Lorraine allemande que des Hongrois. En tout cas, sans s'exagérer la valeur qu'offre sous ce rapport le croquis de l'artiste, le type diffère sensiblement de celui que nous ont conservé les gouaches du recueil d'Hermand ou les estampes d'Augsbourg.

(A suivre.)

G V.

LE COLONEL LÉONARD BORD

DE LA 17o (EX-RÉGIMENT D'AUVERGNE)

Depuis sa création, le Carnet suit de son mieux la ligne générale, devenue maintenant celle du Musée historique de l'armée, premier but de la Sabretache. Essentiellement militaire, jalouse de rechercher et de constater les traditions de notre armée, notre Revue s'est donné la tâche principale de contribuer à faire connaître les trois derniers siècles de notre histoire militaire et de nos chroniques régimentaires, par des recherches nouvelles et des documents authentiques, écrits ou dessinés; elle s'est proposé aussi d'honorer la mémoire de tant de bons serviteurs, dont les services de guerre sont oubliés ou peu connus.

A ce dernier point de vue, son directeur avait naturellement le désir de s'occuper particulièrement de tous les militaires dont le portrait, les armes ou d'autres souvenirs sont donnés au Musée pour y être plus sûrement conservés, mais indépendamment de l'inégalité des renseignements fournis par les familles, il devint vite évident que la place manquerait souvent dans le Carnet pour accomplir complètement cette bonne intention. Telle est spécialement la raison qui retarda longtemps l'insertion de la notice suivante, consacrée au colonel Léonard Bord, bien que la communication première en fût due à notre très regretté camarade, le lieutenantcolonel de Juzancourt.

Aujourd'hui, au moment d'abandonner à regret ma charge, deux fois confirmée par la majorité du comité, je voudrais au moins entreprendre d'acquitter les plus vieilles dettes de ce genre en publiant d'abord, comme je le promis jadis, la notice dont il s'agit. Elle est à l'honneur d'un enfant de la Creuse, enrôlé dans le régiment d'Auvergne, puis devenu longtemps après chef de la 17° demi-brigade de bataille issue de ce corps glorieux. Le colonel L. Bord fut, dans tous ses grades, un soldat modèle.

Par exception, l'auteur des pages qu'on va lire, où il a su mettre à profit d'une manière fort intéressante les documents possédés par la famille, est un très honorable citoyen anglais habitant la France; fils et époux de deux Françaises, notre collaborateur imprévu professe, nous

a-t-on dit, un noble culte pour notre histoire militaire. Nous le remercions ici.

Le portrait joint au texte, simple reproduction de celui donné au Musée par M. François Bord, n'est visiblement pas contemporain des services militaires du colonel; le peintre semble s'être attaché surtout à rendre le caractère de simplicité bienveillante de ce vétéran sorti, longtemps auparavant, de l'agreste province de la Marche limousine.

« Auvergne sans tache et sans moustache » était l'un des sobriquets familiers à l'ancienne infanterie; il provenait sans doute d'une joviale transformation du cri de guerre du régiment. Si ce dicton revient involontairement à l'esprit lorsqu'on cherche à retrouver le vigoureux officier d'autan dans son portrait, il fait songer aussi que ce grand vieillard, au regard paternel, montrait au feu un tout autre visage lorsque, l'épée haute, il criait à ses soldats : « En avant! Auvergne sans tache! »>

Gal V.

Le colonel Bord appartient à cette catégorie de vieux serviteurs que l'on nommait officiers de fortune, et que l'ancien régime légua aux armées de la République et de l'Empire.

-

Avant la Révolution de 1789, il ne faut pas l'oublier, chaque régiment d'infanterie comptait sept places exclusivement réservées à des officiers sortant du rang; les régiments de cavalerie en avaient de sept à neuf, et les régiments d'artillerie de dix-sept à vingt, et en dehors de ces emplois de quartiers-maîtres-trésoriers, lieutenants et sous-lieutenants de grenadiers, sous-lieutenants porte-drapeaux, lieutenants surnuméraires de cavalerie, souslieutenants porte-étendards et porte-guidons, et lieutenants en troisième d'artillerie, un certain nombre de brevets d'officiers dans les troupes légères à pied et à cheval étaient réservés aux sous-officiers de cette arme cela fait donc de 1,500 à 2,000 officiers expérimentés qui, au moment de l'émigration, restèrent presque tous sous leurs drapeaux et participèrent alors à un avancement d'une rapidité sans exemple.

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De 1791 à 1792, presque tous passèrent immédiatement capitaidans la suite, un grand nombre devinrent chefs de bataillon ou d'escadron et chefs de brigade enfin les plus favorisés, et ils

CARNET DE LA SABRET. - N° 70.

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