Page images
PDF
EPUB

De la Ferté-sous-Jouarre, le 30 janvier 1747.

A M. LE COMTE D'ARGENSON AU SUJET DU RÉGIMENT DE BEAUSOBRE EN

BLEU CÉLESTE.

Monseigneur, J'ai derechef écrit à tous les M. Colonels d'hussards pour savoir si l'ordonnance au sujet de l'habillement en bleu céleste était exécutée et vos intentions remplies. Tous, à l'exception de M. de Beausobre y ont satisfait, vous verrez ses raisons par la lettre ci-incluse et la copie de ma réponse que je lui ai faite. J'ai cru devoir vous en instruire pour en recevoir vos ordres.

Je suis..., etc.

De la Ferté-sous-Jouarre, le 30 janvier 1747.

A M. DE BEAUSOBRE AU SUJEt de l'habillEMENT EN BLEU CÉLESTE.

Je vois avec étonnement, Monsieur, dans l'honneur de votre réponse du 12 courant que vous ne vous êtes point conformé à l'ordonnance du Roy au sujet de l'habillement de votre régiment, il parait même que vous voudriez vous en soustraire; vous dites pour raison que vous avez cru qu'il n'était plus question d'habiller de bleu céleste. Si le Roi avait voulu déroger à son ordonnance, M. le comte d'Argenson vous aurait sans doute fait savoir ses intentions. Il est vrai qu'en vous envoyant copie de la lettre de ce Ministre, à laquelle était joint l'état des draps de la manufacture de Seignelay, je ne vous ai point parlé du bleu céleste: c'était à vous, Monsieur, à prendre des arrangements convenables avec l'entrepreneur pour les draps et la couleur ; j'ai même cru devoir ne vous en rien dire, parce que l'ordonnance que je vous ai notifiée y était formelle et si dans ma lettre du 2 novembre que vous me rappelez, je vous ai demandé simplement vos intentions pour l'habillement, ce n'était que pour savoir si vous vouliez faire comme tous nos régiments d'hussards ont fait, c'est-à-dire qu'au fur et à mesure qu'ils avaient besoin d'habiller, ils habillaient de bleu céleste pour épargner la dépense d'un habillement général.

Souvenez-vous, s'il vous plait, Monsieur, que je vous en ai parlé dans toutes mes revues et que vous m'avez répondu que vous n'aimiez pas la bigarure, en m'assurant cependant qu'au premier habillement vous vous

conformeriez à l'ordonnance de Sa Majesté. C'est ainsi que j'en ai rendu compte à la Cour et je ne vois pas, à vous parler franchement, que vous puissiez vous en dispenser sans être authorisé par le Roi.

J'ai l'honneur..., etc.

Dandermunde, 27 avril 1747.

A M. DE SAINT-LAURENT, 1er COMMIS AU BUREAU DE LA GUERRE,
POUR LA MASSE, DETTES ET HABILLEMENT DES RÉGIMENTS.

J'envoie, Monsieur, par cette ordonnance mes revues à M. le comte d’Argenson; j'ai mis sur une feuille à part ce qui regarde la masse, l'habillement et les dettes de chaque régiment, je vous prie de faire retirer ces mêmes feuilles du bureau où mes recrues seront envoyées, de m'en accuser la réception et de me marquer si cet arrangement est comme vous le souhaitez pour que je m'y conforme.

J'ai communiqué la lettre que M. le comte d'Argenson a écrite le 23 mars dernier à M. de Beausobre au sujet de la couleur de l'uniforme de tous les hussards. Il paraît que malgré tout ce que j'ai pu lui dire vouloir s'obstiner à ne vouloir pas se conformer à l'ordonnance qui enjoint d'habiller de bleu céleste, il m'a allégué qu'il avait aussi reçu une lettre du Ministre à laquelle il n'avait pas encore répondu, mais il lui ferait ses représentations. Je ne sais ce qu'elles pourront être, si elles n'ont pas d'autre mérite que ce qu'il m'a allégué, elles ne feront pas grande impression. Voici sur quoi il s'est beaucoup récrié, que plusieurs des régiments de hussards ennemis sont habillés de bleu céleste, et que cela pourrait causer de la confusion; c'est ce qui m'a déterminé de vous envoyer ci-joint l'état des régiments de hussards de la Reine de Hongrie et vous mettre au fait de la couleur dont ils sont habillés, pour que vous jugiez que ce n'est qu'entêtement de sa part. Pourquoi cette distinction? comme je lui ai dit, il faut obéir sans raisonnement. C'est à vous, Monsieur, à recevoir là-dessus les ordres de M. le comte d'Argenson, et de lui écrire de bonne encre; entre vous et moi, il le mérite.

Je vous prie d'observer qu'il n'y aucun de nos régiments d'hussards qui ne doive exhorbitament, leurs dépenses excèdent tous les ans de beaucoup leur recette, même si les capitaines ne complètent pas leurs compagnies, cela fait qu'ils contractent indispensablement des dettes, et au lieu de les diminuer, ils les augmentent au point qu'il est à craindre que l'hiver prochain ils ne soient point en état de les compléter, parce qu'à force de faire des dettes et ne les jamais payer, on perd le crédit; nous n'avons pour les refaire que nos ustensiles et nos remontes qui, compte

fait et rabattu, ne nous produisent comptant que 4,433 fr. 8 c. Jugez vous-même, Monsieur, si avec une pareille somme on peut remettre 35 à 36 chevaux, armes et équipements, tandis qu'un hussard à cheval coûte 474 fr. 10 c., ce que j'ai démontré plusieurs fois article par article dans mes différentes lettres.

Ceci, me semble, est digne de l'attention de M. le comte d'Argenson. A mon avis je n'y vois d'autre remède que de donner après chaque campagne des quartiers d'hiver à nos régiments avec la disposition des fourrages, sauf aux capitaines d'économiser, aux colonels d'y tenir la main, et à moi inspecteur de me faire rendre compte du gain et de l'emploi.

J'ai l'honneur...

Dandermunde, 28 avril 1747.

A M. LE COMTE D'ARGENSON AU SUJET DES REVUES DE CINQ RÉGIMENTS DE HUSSARDs.

Monseigneur, j'ai l'honneur de vous envoyer ci-jointes les revues des régiments de Lynden, Berchény, Turpin, Beausobre, et Polleretzky, celle de Raugrave vous a été envoyée le 11 de ce mois et celle de la compagnie Nassau-Saarbruck le 9. Je les ai trouvés tous complets et en état de bien servir; et à l'égard du mien, il en serait de même au moyen de nos remontes et recrues qui sont belles, mais cette malheureuse morve nous a fait déjà tuer soixante chevaux, ce qui est justifié par les procès-verbaux, dont une partie vous a déjà été envoyée, Monseigneur; l'autre est entre les mains du Major. Il y en a en outre 17 de soupçonnés.

M. de Saint Laurent doit vous rendre compte des dettes des régiments d'hussards qui en sont accablés, je vous demande, en grace, Monseigneur, d'y vouloir bien faire attention parceque je crois qu'ils ne pourront jamais se compléter pour l'année prochaine si vous n'avez des bontés pour

eux.

Tous nos régiments de hussards ont suivi pour leur habillement l'ordonnance, hors celui de Beausobre qui doit, à ce qu'il n'a dit, vous faire ses représentations.

Celuy de Lynden n'y est pas non plus conforme. Ils ont des vestes et des culottes rouges, mais M. le comte de Lynden m'a promis qu'il eu changerait au premier habillement. Reste à savoir s'il le fera.

Je suis avec respect...

(A suivre.)

Gal V

[blocks in formation]

L'expédition de l'Anacreon se place chronologiquement entre celle du général Humbert (6 août-8 septembre 1798) et celle du général Hardy (16 septembre-16 octobre), mais elle n'a que peu de rapports avec ces deux entreprises, dont le Carnet s'est occupé précédemment.

Le chef de brigade Ameil', en envoyant, le 22 septembre 1798, au ministre Schérer le journal que nous publions aujourd'hui, définit ainsi le rôle dévolu à l'Anacréon :

Notre opération n'était pas positivement militaire et n'avait pour but que de jeter à la côte d'Irlande des hommes qui invoquaient à grands cris leur retour dans leur patrie, de les aider de l'expérience de quelques officiers de bonne volonté, d'artilleurs instruits et de munitions de guerre trop peu conséquentes par elles-mêmes pour que l'on pût en calculer la perte... »

L'Anacreon portait le genéral Rey et le chef de brigade Napper-Tandy, - l'un des principaux parmi les chefs des Irlandais-Unis, plusieurs officiers et un détachement d'artillerie légère; il était chargé d'armes, de

1. Le chef de brigade, ou plus exactement le capitaine Ameil, aide de camp du général Desjardins, avait obtenu d'être mis à la disposition du département de la marine pour faire cette expédition. Son petit-fils, M. le commandant Ameil, officier de cavalerie en retraite, avait bien voulu, au printemps dernier, communiquer au Carnet de la Sabretache la lettre originale de son grand-père envoyant au général Desjardins le rapport que nous publions aujourd'hui et que les Archives de la guerre possèdent également, parce que le citoyen Ameil l'adressa simultanément au ministre de la guerre.

La lettre de l'aide de camp du général Desjardins à son chef contient, sur la situation spéciale du port de Bergen à cette époque, quelques renseignements intéressants qu'on trouvera à la fin du rapport, grâce à la courtoise communication de M. le commandant Ameil.

Pour élucider la question du grade du général Ameil en l'an 7. nous terminerons par un résumé de sa carrière militaire. Sa situation de chef de brigade ne s'appliquait sans doute qu'à des fonctions éventuelles en Irlande. V.

munitions et d'habillements pour les Irlandais qui auraient embrassé la cause de l'insurrection.

La nouvelle de la reddition d'Humbert à Ballinamuc, nouvelle que l'Anacreon recueillit dès qu'il eut atteint la côte d'Irlande, n'était pas de nature à lui faire étendre son programme restreint. Aussi voit-on que le général Rey s'en tint à l'accomplissement ponctuel de sa mission et qu'il revint en France sans autre événement que celui que deux navires anglais lui présentèrent par hasard sur sa route de retour. C'est en vue de faire connaitre cet intére: sant épisode, autant que pour n'avoir négligé aucune des tentatives françaises faites vers l'Irlande en 1798, que nous mettons sous les yeux de nos lecteurs la relation du capitaine Ameil.

P. M.

Un vent de sud-ouest a déterminé notre départ le 18 fructidor (4 septembre), à 4 heures du soir. La mer était grosse et houleuse : nous avons perdu notre ancre. C'est un accident que l'on ne pouvait ni prévoir ni empêcher; il ne nous a pas arrêtés; la marche supérieure du navire et une petite brume nous ont fait échapper aux croiseurs anglais et à la division stationnée dans les parages que nous quittions.

Nous nous sommes trouvés, le lendemain matin, au delà du travers de Yarmouth, et avons continué notre route vers le nord avec un temps continuellement favorable, accompagné cependant de plusieurs grains. Un de ces grains a même été si subit et si violent, le 19 au soir, qu'un mât de hune et un mât de perroquet ont été rompus. Il a fallu toute l'intelligence du capitaine Blanckmann et de son second Dénize pour arrêter la malheureuse impression que pouvait occasionner ce désastre sur des hommes peu accoutumés à la mer et déjà fatigués par le mauvais temps. En peu de temps, les manœuvres ont été réparées et des mâts de rechange ont été guindés. La route a été continuée avec un temps calme jusqu'aux Orcades, sans avoir vu d'autres navires qu'une frégate anglaise escortant sept bâtiments marchands à bâbord.

Par delà le travers des Orcades et de l'île de Fair, la route a été continuée vers l'ouest avec un temps moins favorable: du calme, de grands vents, une grosse mer. La rencontre et la chasse de différentes frégates ont souvent forcé à changer la route et à

« PreviousContinue »