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Au moyen du remplacement ci-dessus et d'après les renseignements pris, le Conseil d'administration pourra faire réparer le très petit nombre d'habits qui se trouvent susceptibles de l'être et tirer partie des plus mauvais en les mettant en gilets d'écurie.

Les pantalons étant dans un état pitoyable, et au terme des règlements, chaque hussard devant en avoir deux, sçavoir un appellé : culotte à la hussarde, et l'autre pantalon, pour recouvrir la culotte, le nombre cy dessus est porté à huit cents, c'est-à-dire 400 des uns et 400 des autres.

Ce remplacement est d'une rigoureuse nécessité, ayant reconnu que la majeure partie des culottes à la hussarde a été faite d'une très mauvaise qualité de drap, si mauvaise qu'à peine on peut se convaincre que ce soit du drap, et ces culottes sont usées au point que le hussard, ou du moins un grand nombre, y contient difficilement sa chemise. Cet objet eût pu être conservé un peu plus longtems, si le citoyen Rutteau eût fourni à chaque hussard le pantalon de cheval qu'il n'a jamais reçu; enfin l'habillement, quoique de la plus mauvaise qualité, eût été susceptible de durer plus longtemps si le hussard, réduit à son seul habit, n'eût pas été forcé de s'en servir à l'écurie et pour aller au fourrage.

Suivant le procès-verbal no 2, il est demandé, et d'après la revue il a été reconnu qu'il manquait 97 bonnets à la hussarde, mais le citoyen Westermann' nous ayant prié de faire attention à l'espèce de coëffure et à sa mauvaise qualité comme aussi à l'état de son délabrement, nous avons jugé indispensable de fournir à ce régiment à son effectif des bonnets à la hussarde, etc. »

Empruntés à deux rapports officiels, ces deux extraits qui précèdent permettent d'affirmer que les Hussards de la Liberté ne furent d'abord pourvus que d'un habit tressé, d'un gilet rouge également tressé, d'une culotte à la hongroise et d'un bonnet à la hussarde, le tout confectionné à la hâte et d'une qualité très médiocre; nous dirons ultérieurement l'uniforme de hussards qu'ils reçurent sans doute après avoir été classés dans l'arme, mais pour le moment il ne nous est pas possible d'indiquer la couleur et la forme de leur premier habit tressé; l'existence d'un gilet écarlate peut

1. François-Joseph Westermann, vieil officier de dragons lorrain, avait été nommé commandant du régiment le 15 juin 1793. Il ne faut pas le confondre avec l'officier du même nom qui s'acquit, cette année-là, un terrible renom en poursuivant la grande armée vendéenne.

faire supposer cependant que cet habit était bleu par opposition au gilet, d'autant mieux que le bleu et l'écarlate, avec la passementerie jaune, furent par la suite les couleurs du régiment, mais c'est là une simple conjecture. En juin 1793, les tresses en passementerie furent supprimées, car le rapport du capitaine Graffard se termine comme il suit :

« Le citoyen Westermann, colonel, ayant proposé au Conseil d'administration de supprimer toutes les tresses qui garnissent l'habit et le gilet, tant pour cause d'économie que pour épargner le temps employé à la confection, et enfin pour cause de la très grande inutilité dont elles sont, le Conseil ayant pris toutes les observations du citoyen Westermann en grande considération et examiné qu'il résultait de cette opération une économie de cinq mille livres au moins, a accepté la réforme proposée de laquelle il résulte qu'à l'avenir, l'habit et le gilet seront mis sans galons quelconques. >>

On vient de voir les difficultés contre lesquelles eurent à lutter les Hussards de la Liberté en arrivant sur le Rhin; en dépit de ces défectuosités du début, ils méritèrent par leur conduite au feu d'être maintenus et furent classés en surnombre dans l'arme des hussards sous la dénomination de 7 bis, qu'ils conservèrent jusqu'à leur transformation en dragons au retour d'Égypte. L'historique du 28 dragons contient l'exposé détaillé des opérations et des beaux services du corps. Sans pouvoir entrer dans de semblables développements, le Carnet reproduira simplement, aujourd'hui, le texte assez sommaire du manuscrit de Lons-le-Saunier que M. Bousson de Mairet avait encore réduit. Notre intention n'est poiut de suivre le général Desvernois beaucoup au delà de la campagne d'Égypte, qui lui a fourni les pages les plus intéressantes de ses Souvenirs; désireux de conserver au récit son caractère anecdotique et personnel, nous laisserons d'abord l'ex-sous-officier des Hussards de la Liberté dépeindre à sa façon, sous la Restauration, les sentiments que les tragiques événements de l'intérieur auraient excités en 1793 à l'armée du Rhin. L'auteur a donné à son récit la forme impersonnelle, il écrit toujours à la troisième personne. Gal V.

IV. Les trois premières campagnes de Desvernois.

Sur la fin de janvier 1793, généraux, officiers et soldats de l'armée du Rhin furent consternés et remplis d'une vive douleur en

apprenant la mort de Louis XVI, ce bon roi, régénérateur de la liberté qui, le premier, contribua à l'aide des officiers d'élite qu'il envoya à Washington, à conquérir sur les Anglais les États-Unis d'Amérique et assurer leur indépendance.

Le brigadier-fourrier Desvernois se montrant de jour en jour plus instruit et plus façonné au service de guerre, fut nommé maréchal des logis le 1er mars 1793, et dès le six du même mois, il fit ses premières preuves de courage et d'intelligence, lorsque se rencontrant à la tête de 12 hussards, il chargea résolument à leur tête le double de hussards autrichiens que commandait un officier et les mit en fuite. Cette action lui mérita les éloges des chefs et officiers, et la plus cordiale confiance d'amitié des sous-officiers et hussards.

Le 15 mars, le maréchal des logis Desvernois fut envoyé, avec 15 hommes, en détachement dans un poste de confiance sur le vieux Rhin, entre Worms et Frankenthal, pour observer les mouvements de la légion de Rohan composée de déserteurs, ayant pour les commander des officiers français émigrés.

Après la prise de Koenigstein par l'armée prussienne, le combat et la perte de Bingen, le général en chef Custine ordonna la retraite de son armée; après avoir laissé une nombreuse garnison dans la place de Mayence, elle s'opéra dans la nuit du 25 au 26 mars et continua jusque sur les positions en avant de Landau. Reconnaissant qu'elles étaient trop hasardées, ce général se détermina à en faire prendre une autre entre les lignes de la Queich et de la Lauter.

Le maréchal des logis Desvernois, relégué dans une boucle du vieux Rhin, se serait conformé à ce mouvement rétrograde si on l'en eût fait prévenir, ou seulement s'il se fût trouvé quelque détachement, quelque poste à sa portée dont il aurait suivi la direction. Mais, depuis deux jours, l'armée ennemie, en pleine marche sur Spire et suivant les traces de l'armée française, avait débordé de plusieurs lieues déjà la position qu'occupait ce sous-officier, quand il fut averti par les paysans de cet état de choses; craignant alors à juste titre d'être enlevé avec son détachement, il orienta, d'après sa position, la direction qu'il devait prendre pour rejoindre l'armée française en dérobant sa marche à l'ennemi. Son plan arrêté dans sa tête, et ayant encore pour deux jours de vivres et de fourrages,

il fait lier et ficeler le fourrage, charge les chevaux et s'achemine à cinq heures du soir vers la droite de la forêt de Schifferstadt, après avoir éclairé la route de Worms à Frankenthal qu'il franchit rapidement. Continuant à marcher en profitant de tous les accidents de terrain qui pouvaient dérober sa marche à l'ennemi, il entra à la nuit dans la forêt épaisse de Schifferstadt, où il chemina en grand silence jusqu'à une heure après minuit. Quatre heures de repos et de nourriture remirent en vigueur les chevaux et en gaieté les hussards. A 5 heures du matin on se mit en marche, faisant souvent de longs détours pour trouver un chemin mieux frayé; on s'arrêta à 2 heures de l'après midi pour faire reposer et manger. A 5 heures, on reprit la marche qu'on continua jusqu'à minuit, et après un autre repos où les hommes et les chevaux burent et mangèrent, le détachement reprit sa marche en silence à 5 heures du matin; à 9 heures il était arrivé au débouché de la forêt vis-à-vis la ferme de Closterneubach, où paraissait s'être arrêtée l'arrièregarde de l'armée française. Environ une demi-lieue de plaine rase séparait le point où venait d'arriver Desvernois de cette arrièregarde, qui avait sur son front de petits postes de cavalerie et d'infanterie opposés au cordon des vedettes et des avant-postes de l'ennemi. Le maréchal des logis Desvernois, à la tête de son détachement bien disposé et bien préparé pour combattre, débouche de la forêt et traverse comme la foudre la chaîne des petits postes et des vedettes de l'ennemi, arrive sur les avant-postes français, s'en fait reconnaître, et parvient au camp, où le bruit de son enlèvement par l'ennemi courait depuis deux jours.

Chefs, officiers et hussards de l'escadron dont faisait partie Desvernois, l'entourent et lui adressent avec leurs félicitations mille questions. Le général commandant le camp devant Closternenbach fait aussitôt appeler le maréchal des logis, qui, après avoir été oublié dans le mouvement rétrograde de l'armée française, a su dérober pendant trois jours la marche de son détachement à l'ennemi, et rejoindre heureusement son corps à la barbe des postes et du cordon des vedettes autrichiennes.

Desvernois, d'abord félicité par ce général pour sa belle conduite, fut immédiatement appelé au quartier général du général en chef Custine qui lui donna des éloges et prit son nom.

La retraite de l'armée du Rhin dans les lignes de Germersheim sur le Speyerbach avait décidé la Convention à donner à Custine le commandement de l'armée du Nord après la défection de Dumouriez et à nommer Houchard pour succéder à Custine dans le commandement de l'armée du Rhin.

Les échecs de nos armées, la trahison qui venait de livrer Toulon aux Anglais, le besoin de faire tête à toute l'Europe, et d'étouffer en même temps la guerre civile de la Vendée, les insurrections du Midi et de Lyon décidèrent la Convention à ordonner la levée de 300,000 hommes de l'âge de 18 à 25 ans dont elle créa onze nouvelles armées. Puis, comme elle vit, à tort, dans ces temps de désolation, des traîtres dans ses généraux Custine, Houchard, le vieux Lukner, Beauharnais, etc., et qu'elle voulait régner par la terreur, sans tenir le moindre compte des éminents services rendus à la République pour la gloire de laquelle ils avaient souvent affronté la mort et versé leur sang, ces chefs illustres et dévoués portèrent en peu de temps leur tête sur l'échafaud.

La place de Mayence capitula, faute de tout ravitaillement, après cinq mois de la plus héroïque défense.

Le général Laudremont avait remplacé le général Beauharnais dans le commandement périlleux de l'armée du Rhin, et malgré tous ses efforts pour ravitailler Landau, n'ayant pu y parvenir, il fut destitué. Dans une des nombreuses tentatives faites auparavant, le 17 mai 1793, le maréchal des logis Desvernois, qui commandait la chaîne des tirailleurs en deçà de Landau, eut pour la première fois, son cheval tué roide sous lui d'un coup de fusil.

Le général Pichegru refusa le commandement de l'armée du Rhin, que les représentants du peuple près de cette armée donnèrent au général Carlen naguère encore simple capitaine.

Le 13 octobre 1793, les lignes de Wissembourg, après avoir été longtemps vaillamment défendues, furent emportées par l'ennemi qui aurait pu, avec plus d'activité et de résolution, faire prisonnière l'armée française en retraite sur une seule colonne à travers la forêt d'Haguenau.

Par son impéritie, Carlen se laissa acculer jusqu'à la Wantzenau, sous le canon de Strasbourg, donnant à toute heure de nouvelles

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