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Au crépuscule on entendit un coup de canon tiré sur le Nil. A 5 heures, Desvernois frappait à la porte de la ville de Minieh, que depuis trois grands jours les mamelouks, les Arabes et les fellahs insurgés tenaient étroitement bloquée.

« Qui vive! qui vive! France!» répond Desvernois. Les gardes sont aussitôt sur pied, les officiers accourent: « Ce sont des hussards, dit-on, d'où viennent-ils? Je le dirai au colonel Détrez, mais menez-moi sans plus de retard. »

La porte est ouverte à peine que les soldats y sont déjà en foule : « Nous sommes donc débloqués cette fois, se disent-ils les uns aux autres. Des hussards arrivent. Eh! c'est notre brave capitaine ! Bonjour, notre capitaine! Bonjour, mes amis; j'arrive de Siout, d'où je suis parti avant-hier au soir avec 4 de vos camarades. Conduisez-moi chez mon colonel, qu'il me tarde tant de revoir. ›

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L'entrevue du colonel Détrez avec Desvernois fut des plus touchantes. Il l'informa que le rassemblement des insurgés était à 3 lieues de distance de Minieh, non loin de la rive du Nil, et que leurs feux s'étendaient au loin et étaient considérables.

On concerta des colonnes mobiles pour traquer en tous sens les insurgés sur l'une et l'autre rive du Nil. On en extermina un grand nombre pendant près d'un mois qu'on employa à cette opération. Enfin, les populations, après avoir appris à leurs dépens ce qu'il en coûte pour se soulever contre les troupes françaises, furent sourdes dans la suite à la funeste influence des mamelouks et des Arabes.

Enfin l'occupation de Suez et de Qoséir fermèrent absolument l'entrée de l'Égypte du côté de la mer Rouge, et l'occupation d'El Arych ferma aussi l'Égypte du côté de la Syrie, en même temps que les fortifications de Damiette, Rosette et Alexandrie rendaient impossible une attaque par mer.

(A suivre.)

LE

LOGEMENT DES GENS DE GUERRE EN LANGUEDOC

SOUS LE

REGNE DE LOUIS XIV'

Le logement des gens de guerre a toujours été une lourde charge pour les communes; elle l'était surtout au XVIIe siècle; pendant la majeure partie du règne de Louis XIV, les casernes n'existaient pas en Languedoc et les troupes étaient constamment logées chez l'habitant, soit qu'elles fussent en route, soit qu'elles fussent établies en quartiers d'hiver. C'était bien un des privilèges de la province d'être déchargée du logement des troupes et de n'avoir à supporter les quartiers d'hiver qu'autant que les États le demanderaient ou que la sécurité du pays l'exigerait; mais, malgré ces avantages, le Languedoc eut beaucoup à souffrir des logements, tant à cause des campagnes du Roussillon que de l'insurrection des religionnaires après la révocation de l'édit de Nantes.

Dans leurs cantonnem nts, les troupes, déjà peu disciplinées, échappaient à toute surveillance et commettaient mille désordres ; leurs officiers, on doit l'avouer, non seulement ne faisaient rien pour les contenir, mais leur donnaient souvent le mauvais exemple; propriétaires de leurs troupes, ils essayaient d'en tirer tout le bénéfice possible, et les menaient cantonner dans les communautés

1. Les documents qui ont servi à faire cette étude proviennent, soit des archives municipales de Toulouse (Livre des Consuls, Procès-verbaux des États du Languedoc), soit des archives du Parlement de Toulouse (Edits et Lettres patentes).

où ils espéraient trouver le plus d'avantages. Les lieutenants généraux eux-mêmes n'intervenaient que mollement, quand ils ne pouvaient guère faire autrement, et arguaient volontiers de leur impuissance.

L'exemple venait même de plus haut; au mois de novembre 1674, Louis XIV fit demander aux États de consentir à ce que, malgré le privilège de la province, on établît en quartiers d'hiver dans les diocèses de Béziers, Narbonne et Carcassonne les soldats de l'armée du Roussillon; cette mesure était rendue nécessaire par la sécurité du Languedoc et devait permettre aux troupes de se porter rapidement, en cas de besoin, sur les points menacés; les soldats ne pourraient exiger que le logement; ils achèteraient. leurs vivres et les paieraient de gré à gré. Les États acceptèrent, en imposant toutefois leurs conditions. Les troupes étaient à peine installées dans leurs quartiers que des plaintes s'élevèrent de partout; non seulement elles commettaient des désordres, mais l'intendant imposait les communautés pour subvenir aux besoins de ces mêmes troupes. Les États eurent beau réclamer, invoquer le traité qu'ils avaient passé avec Sa Majesté, ils ne purent obtenir satisfaction. Il leur fut répondu que ce traité existait bien, il est vrai; mais que, la nécessité exigeant que les troupes restassent en Languedoc, la province devait naturellement supporter la dépense qu'entraînait la présence des gens de guerre.

Pendant les premières années du règne de Louis XIV, les États étaient constamment saisis des doléances et des plaintes des communautés contre la conduite des troupes, qui vivaient absolument comme en pays conquis. Il suffit de parcourir les procès-verbaux des séances des États pour se rendre compte de la licence qui régnait alors.

Le régiment de Saligny, non seulement se fait nourrir, mais encore se fait donner 800 livres en argent, en exhibant un ordre fictif du maréchal de Schomberg (26 février 1646).

Le baron d'Anduze, mestre de camp d'infanterie, refuse de reconnaître l'exemption de logement accordée à un village où il veut s'installer, fait emprisonner le notaire et les notables et les garde onze jours en prison. « Ils étaient gardés par quatre soldats, qui leur ont extorqué de grosses sommes, les menaçant tous les jours

de leur donner les étrivières, ce qui les mit dans de si grandes transes qu'il y en a un qui va mourir.» (Déclaration de l'évêque d'Uzès, 26 avril 1647.)

Le régiment de Navailles s'arrête sans ordres au village d'Argiliers, y prend son logement et exige 500 livres d'argent, 100 moutons et quantité d'agneaux (31 mai 1647).

Les cavaliers de Villarde, logés chez les Cordeliers d'Azillan, << commettent des actes d'impiété, prenant pour cible une image de la Vierge, sur laquelle ils tirent avec leurs pistolets » (3 juin 1647).

Le sieur de Marcillas, capitaine d'infanterie, propose aux consuls de Castaing de composer en argent avec lui pour ne pas faire venir sa compagnie; sur leur refus, « il leur envoie une soixantaine d'individus qui commettent toutes sortes d'hostilités et, quand on lui porte plainte, répond que ce n'est pas encore assez et qu'il faut mettre le feu au village» (7 mai 1648).

Le 1er juillet 1649, ce sont des plaintes contre le régiment de Languedoc, conduit par le sieur de Vallon, « plus coupable et criminel qu'aucun de ses capitaines et soldats ».

Les États accueillaient toutes ces plaintes, envoyaient des commissaires porter leurs doléances au Roi et décrétaient l'arrestation des coupables, pour leur faire et parfaire leur procès suivant l'énormité de leurs crimes ». Mais leur intervention ne pouvait être le plus souvent que platonique; la Cour était loin et leurs plaintes, alors même qu'elles étaient écoutées, demeuraient généralement sans effet; quant à s'emparer des coupables, c'était souvent chose difficile et qui n'allait pas sans entraîner de sanglantes représailles.

(A suivre.)

Capitaine MAGNAN DE BORNIER.

BULLETIN DE LA « SABRETACHE »

Dans ses réunions de ce mois, le Comité de la Sabretache a nommé membres de la Société :

MM. le colonel Becquey-Beaupré; Berthelin (Georges), secrétaire d'ambassade; Berthier (comte), ancien officier des guides, 38, rue Miromesnil; Delageneste, capitaine au 5° régiment de hussards; Depret (Philippe), capitaine de réserve de cavalerie; comte Jacques de Fitz-James, ancien officier de cavalerie; comte Fleury; Gers (Paul); Hue (Edmond), ancien vétérinaire militaire; comte de Persay, ancien officier de cavalerie; Rousset, lieutenant-colonel, professeur à l'École supérieure de guerre; comte de Sachs, ancien capitaine d'état-major; Vavasseur (Jacques), adjoint de réserve à l'intendance.

M. le commandant Guitry a été nommé membre à vie du Comité et secrétaire-trésorier.

30 juin 1898.

Le Secrétaire-Trésorier par intérim.

ERRATUM

(N® 65. Mai 1898.)

Page 320, ligne 6. Au lieu de : Doyen, lire: Doyen-Parigot.

Le Gérant: A. MILLOT.

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