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l'aviez conçue, travaillée et redigée, que je n'étois dans tout cela qu'un accessoire et que s'il vouloit que la cavalerie de son rassemblement put y paroitre avec quelque avantage, et faire d'ailleur une chose utile au bien du service vous étiez l'homme qu'il falloit choisir pour la diriger; c'est chauffé par ses idées que je l'ay embarqué, il y a huit jours, pour sa terre de Broglie; il m'a dit que ce seroit de là qu'il m'enverrait les réponses aux notes sur touts les objets qui concernoient son rassemblement que je luy avois remises, et principalement sur son état-major; il me les a fait repasser hier, et vous y etes compris comme maréchal général des logis de la cavallerie, il me demande de faire à M. de Vertillac le sacrifice de ma brigade de dragons, afin de luy procurer un moyen d'être employé, et vous croyez bien que j'y souscris sans peine.

Je porle tout cela aujourdhuy a M. de Brienne et j'espère que je n'aurai pas de difficulté a luy faire approuver particulièrement

votre choix.

M. le maréchal de Broglie propose pour vos aides M. le chevalier Alexandre de Lameth comme premier, M. de Chateauneuf comme second, M. le comte de Mulisnes comme troisième, et M. le comte Lerte de Bouillé comme quatrième. Je crois que le baron d'Escars ne souffrira pas que M. de Chateauneuf accepte et ce dernier me l'a laissé entendre dans une lettre qu'il vient de m'écrire, auquel cas je demande qu'il soit remplacé par M. de Romanet, major de Condé ; j'avois pensé à M. de Séhols d'après le bien que je vous en ay entendu dire, mais l'on ne veut absolument que quatre aides et il n'est pas compris dans la liste que le maréchal m'a envoyée.

Voilà, mon cher marquis, la position des choses, je seres heureux si je puis me flatter d'en avoir fait une qui vous soit agréable, au moins croyez que cela a été mon unique objet, personne, j'ose vous l'assurer, ne vous aimant et ne vous étant plus attaché que moi et pour la vie.

(A suivre.)

D'AUTICHAMP.

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BULLETIN DE LA « SABRETACHE »

Dans sa réunion de ce mois, le Comité de la Sabretache a nommé membres de la Société :

MM. Assy (Hubert d'); baron Pierre de Bourgoing, ancien capitaine de cavalerie; Boussod (Étienne); Carette (Georges), capitaine d'infanterie territoriale; Chalandon (Georges de); Dardonville; Doyen, lieutenant au 1er régiment de cuirassiers; Flatters, lieutenant au 2 régiment de hussards; vicomte de Flers, ancien capitaine de cavalerie; Forestier, lieutenant au 35° régiment d'artillerie; Foulc (Denys); comte de Guerne, lieutenant de réserve; comte André Martinet; Masquelier, capitaine au 22 régiment de dragons; Maze-Sencier (Georges); Maze-Sencier (Henri), capitaine au 43° régiment d'infanterie; Normand (Jacques); Régamey (Félix), artiste peintre; Sauzey, capitaine à l'état-major du 17° corps. 31 mai 1898.

Le Secrétaire-Trésorier par intérim.

Le Gérant: A. MILLOT.

QUELQUES LETTRES DE SOUWAROF

(1788')

Des lettres écrites en français par Souwarof nous ont paru plus propres qu'aucun autre document à souligner les traits de cette physionomie militaire si caractéristique; elles montrent un mélange singulier de culture intellectuelle et de brusquerie soldatesque, une fine diplomatie, une rudesse peut-être plus fine encore, des manières et du sans-façon, des prétentions littéraires et de l'ignorance grammaticale, du style et du jargon. Elles jettent par surcroît quelque lumière sur un théâtre et sur une histoire militaire peu connus, sur une des nombreuses campagnes (1767-1828) par lesquelles les Russes refoulèrent pied à pied les Turcs tout autour de la mer Noire. Si ce sujet paraît sortir du cadre tout français qui nous est tracé, la présence de plusieurs officiers français dans l'armée où servaient Souwarof et le prince de Nassau sera notre excuse; la langue française y était couramment parlée, ainsi que ce document même le fait voir; enfin, un vif intérêt de moeurs y prime l'intérêt des faits et laisse voir, parmi des épisodes peut-être un peu lointains, cette âme humaine qui est de tous les temps et de tous les pays.

Par contre, l'extrême originalité des lettres publiées pourrait en affaiblir l'intérêt aux yeux d'un lecteur insuffisamment averti; il convient d'en corriger le laconisme et la bizarrerie en présentant tout d'abord les hommes et les choses dont il sera fait tout à l'heure mention.

Langeron s'offre justement à nous fournir ce commentaire. Nous lui devions déjà un portrait de Souwarof; nous lui devrons aujourd'hui un récit du siège d'Otchak of et quelques notes, glanées dans son manuscrit, qui peignent les personnes avec lesquelles Souwarof se trouva en contact pendant les opérations de ce siège. La principale d'entre elles, le prince de Nassau, fut justement celle qui entraina Langeron vers la Russie en 1790, en passant par Paris au retour d'une mission en Espagne - et qui le mit à même d'écrire les pages auxquelles nous faisons ces différents emprunts.

1. Le précieux autographie de ces lettres appartient à M. le comte Antoine d'Hunolstein, qui a bien voulu en autoriser la publication partielle.

CARNET DE LA SABRET, — N° 66.

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En dehors des mémoires laissés par Langeron, les témoignages français sur Souwarof ne nous manquent pas. Du Bocage a décrit les procédés d'instruction propres au maréchal russe; son court mémoire est le document le plus complet qui existe sur la matière. Thaon de Revel a raconté l'arrivée de Souwarof en Piémont (juillet 1799) et montré ses rapports politiques avec les membres du gouvernement de ce pays. Un auteur inconnu a publié, à Londres d'abord, puis à Paris en 1802, une Histoire des campagnes du maréchal de Suworow, qui n'est qu'une adaptation de l'ouvrage allemand d'Anthing. De Laverne a donné, en 1809, une Histoire du feld-maréchal Souwarof, liée à celle de son temps.

Les Russes de leur côté ont consacré toute une littérature à leur héros national. L'ouvrage populaire de Polevoï a passé longtemps pour classique; il le cède aujourd'hui aux trois importants volumes dus à Pétrouchevski, lesquels fixent définitivement l'histoire de Souwarof. Le général Milioutine, dans son Histoire de la campagne de 1799, a montré, en opposition avec les traditions et les fines manières autrichiennes, la rude personnalité du héros russe. Les Autrichiens de leur côté n'avaient pas attendu les témoignages des étrangers pour exprimer à leur manière l'étonnement dans lequel les avait plongés la campagne de 1799. Les ordres qu'il dictait lui-même en allemand ont été reproduits et commentés bien des fois dans les journaux militaires autrichiens; nous trouvons en particulier dans la OEsterreichische militärische Zeitschrift de 1818, un ordre d'armée relatif à des exercices d'instruction exécutés sous les yeux de Souwarof. Cet ordre est daté de Valeggio, 17 avril 1799 (le jour et le lieu où le maréchal rejoignit l'armée autrichienne). Puis, des remarques autographes sur les opérations à exécuter en Piémont, différents billets, enfin ces vers, ajoutés à l'ordre pour la bataille de Novi (14 août 1799), et qui montreront à nos lecteurs que l'allemand de Souwarof n'était pas beaucoup meilleur que son français :

Es lebe Säbel und Bajonnet

Keine garstige Retraite !

Erste Linie durchgestochen,

Andere umgeworfen.

Reserve nicht hält,

Weil da Bellegarde und Kray der Held.

« Der Letzte hat Suwarow

«Den Weg zu denen Siegen

<< Gebaunet. »

P. M.

Notices sur quelques officiers figurant au siège d'Otchakof. (Extraites des Mémoires de Langeron).

LE PRINCE DE NASSAU.

Prononcer le nom de M. de Nassau, c'est annoncer tout ce que la valeur a de plus brillant et tout ce que la chevalerie a de plus loyal.

Né avec une force de corps prodigieuse, un génie ardent et une àme de feu, il développa de bonne heure son goût pour les aventures et sa passion pour la gloire. Il a vingt actions dont une seule illustrerait un autre homme; son voyage autour du monde, son combat avec un tigre, celui de Gibraltar, ceux du Liman, etc., son mariage romanesque, ses prétentions en Pologne, son intimité avec Catherine II, sa liaison avec tous les 10is de l'Europe, dont il est pour ainsi dire le chevalier, sa générosité folle, ses dépenses excessives, ses ressources arrivées toujours à point nommé, lui ont acquis une célébrité qui (s'il faut l'avouer) tient plus à celle d'un aventurier illustre qu'à celle d'un grand seigneur, mais qui a jeté beaucoup de brillant sur une partie de sa vie.

Le prince de Ligne, dont la plume a autant de tact que de grâce, a dit de M. de Nassau, qu'il a su se faire un grand nom, tandis qu'on lui disputait le sien'. C'est le peindre en un mot d'une manière charmante.

M. de Nassau, en général, n'a pas un esprit bien profond, ni bien brillant, mais cependant il a souvent eu celui qui convenait au moment. Il écrit avec peine, et déteste d'écrire. Quelquefois il ne trouve qu'avec difficulté le mot qui convient à ce qu'il veut exprimer et cependant il écrit et conte à merveille.

1. M. de Nassau est fils légitime d'un prince de Nassau et d'une demoiselle de Mailly, d'une des plus anciennes et des plus illustres maisons de France, mais commo elle n'était pas princesse allemande et qu'en Allemagne on regarde comme une mésalliance tout mariage avec une étrangère, M. de Nassau n'a pas pu être reconnu prince de l'Empire. L'on voit combien on se trompe quand on prétend qu'il est bàard, et en Russie, où il n'est pas aimé, on ne cesse de le répéter.

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