Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

de la gloire, et de concourir au grand but de la paix générale; il a été conduit ici par tout autre motif, et dès lors il n'est point digne des soldats que je commande. »

Cette réponse fut mise à l'ordre du jour de l'armée.

Le 27 septembre, Desvernois se rendit avec le 4 escadron de son régiment à Beni-Souif, et là, sous les ordres du général Zayonchek, il travailla à activer l'embarquement des blés qui faisaient défaut au Caire pour la subsistance de l'armée. On enlevait en même temps ces ressources aux Mamelouks de Mourad-Bey, qui se maintenaient dans les provinces de Meniêt et de Tahtah.

Il revint juste à point pour assister à la révolte du Caire. Cette révolte, dont la cause était la déclaration de guerre faite par la Porte à la République française, dura deux jours, les 22 et 23 octobre, et causa à l'armée une perte de deux ou trois cents hommes. Tous les militaires isolés surpris dans les rues furent impitoyable

ment massacrés.

Le 7° régiment de hussards, qui était tranquille dans son quartier à Boulaq, fut à cheval en moins de dix minutes, aux cris horribles et menaçants que la population proférait contre les Français.

En sortant de son quartier, il sabra un grand nombre d'insurgés qui s'opposaient à son départ. Il arriva au Caire par plusieurs points, se rendit au galop et en bataille sur la place d'Esbekieh, où était le grand quartier général, et fut conduit sans perte de temps contre les insurgés, dont il fit un grand carnage près de la mosquée de Djemel-Azar.

Les principales victimes de cette révolte furent le brave général Dupuy et Sulkowski, digne Polonais, aide de camp du général en chef, que les révoltés firent manger par des chiens. On eut encore à déplorer la mort de deux ingénieurs des ponts et chaussées et de deux braves chirurgiens, Roussel et Mangin, qui furent massacrés sur le seuil de la porte du grand hôpital d'Ibrahim-Bey, en en défendant l'entrée aux révoltés.

Reconnaissance de Suez et des sources de Moïse.

Le général en chef partit vers la fin de décembre 1798 pour aller explorer la côte de la mer Rouge à Suez, reconnaître le port et ordonner diverses dispositions pour la défense de la ville.

Le général en chef se hasarda, accompagné de quelques officiers et d'un détachement de cavalerie, à traverser la mer Rouge à gué, non loin de l'emplacement de l'ancienne ville Arsinoë. Guidés par des Arabes montés sur des dromadaires, on arriva sans accident sur l'autre rive, bien que les chevaux eussent de l'eau jusqu'au ventre et fussent forcés de nager pendant un court trajet. Cette route était celle que prirent les Israélites pour échapper à l'armée de Pharaon.

On reconnut les sources de Moïse, situées à peu de distance de la mer, et dont l'eau, légèrement saumâtre, est néanmoins potable. Le général en chef, après avoir laissé prendre à une partie de sa suite les devants pour contourner par terre la pointe du golfe, se hasarda de nouveau à revenir par la route où il avait passé le matin. La nuit et la marée montante le surprirent quand il arriva au gué; le passage était hasardeux. Son guide lui ayant dit qu'il en connaissait un plus facile, il le suivit; mais l'Arabe perdit la tête et s'égara dans un marais. Le général en chef courut quelque danger de périr de la même manière que Pharaon.

En revenant de Suez, le 30 décembre, le général en chef, accompagné des généraux et de Monge, chercha sur la plage, au fond du golfe, les vestiges de l'ancien canal des deux mers, et retrouva le premier la tête des digues qui, étant plus remarquables à leur naissance, sont cachées en quelques parties par les sables. Il en suivit la trace pendant environ cinq lieues.

Origine de la création du corps des cavaliers-dromadaires.

En revenant de Suez, le général en chef rencontra une caravane escortée par des hommes montés sur des dromadaires.

Étonné de l'adresse avec laquelle il vit conduire ces animaux agiles, il les fit essayer par Eugène Beauharnais et Édouard Colbert, officiers de son état-major, qu'il tenta en vain d'atteindre en lançant lui-même son cheval au galop.

Satisfait de cet essai, et pensant qu'à défaut de vaisseaux une armée montée sur de pareils coursiers, qui abondent en Égypte et en Syrie, pourrait se rendre maîtresse de l'Inde après avoir traversé le bras de la mer Rouge, l'Arabie et le Mékran, le général en

[ocr errors]

chef, aussitôt son retour au Caire, prit un arrêté pour la formation d'un régiment de dromadaires, dont le personnel se composa d'hommes de bonne volonté des corps d'infanterie de l'armée d'Égypte.

Qualités du chameau dromadaire.

Le chameau dromadaire, leste à la course, suit au trot un cheval au petit galop, même en portant deux hommes adossés, leurs vivres et leurs munitions; il supporte facilement la faim, la soif, et fait des marches de vingt lieues par jour sans se fatiguer; il exécute toutes les manœuvres avec une rare précision, fléchit les jambes pour se reposer sur le ventre, et reste immobile au signal de halte.

Ce fut plus tard pour les soldats une grande faveur que d'être admis dans le régiment des dromadaires, qui a rendu des services signalés à l'armée d'Orient, en réprimant les brigandages des Bédouins; il allait les surprendre et les combattre à vingt lieues dans le désert et les obligeait à se soumettre à la France.

Démonstration de la possibilité de l'affranchissement de l'Inde par terre, par une armée française.

On vient de voir que Napoléon avait mûri le projet d'une semblable expédition, après la perte de notre escadre à Aboukir; il organisa d'abord sur une petite échelle le corps des cavaliers dromadaires, et l'augmenta successivement, après avoir reconnu les services importants qu'ils rendaient en Égypte et pour la rapide

traversée des déserts.

L'armée expéditionnaire devrait être de cent mille hommes montés sur 50,000 chameaux, dont 25,000 légers et 25,000 de charge, portant le personnel de toutes armes et tout le matériel.

Les chameaux seraient tirés du royaume de Barca, de l'Égypte et de la Syrie, où ils abondent, et amenés sous la responsabilité des vendeurs aux points de départ de l'armée expéditionnaire.

La dépense serait à peu près de cent millions, et la durée de la marche d'environ deux cents jours, à raison de 12 à 15 lieues par jour, et d'un repos tous les cinq jours.

Après dix ans de séjour dans l'Inde employés par l'armée fran

çaise à donner de l'unité aux peuples de ces vastes contrées, à assurer leur indépendance, leur liberté, et se donner une constitution de leur choix, la France rappellerait son armée de l'Inde, heureuse d'en avoir chassé les Anglais '...

1. Nous abrégeons considérablement les développements dans lesquels Desvernois entre sur ce sujet et passons entièrement sous silence les formations qu'il préconise pour la marche des cohortes de chameaux, leur formation de bivouac, etc.

(A suivre.)

LE MANUSCRIT D'ANGEBAULT ET LE 20° CHASSEURS

I.

L'Escadron de Curély en Catalogne.

(1811-1812.)

[Suite'.]

Au bout de quelques jours, la paille nous manquant, nous fûmes en chercher dans les montagnes et le long de la mer avec de l'infanterie qui gardait les villages pendant que nous les fouillions; nous trouvions du pain dit grisoul, composé de millet, de pois, petites fèves, maïs et miel, aussi bien que des poules et du lard. Ce fut là que nos deux fourriers, Hioste et Hans, désertèrent aux Anglais; ils étaient de Sarrebruck dans la contrée du Rhin.

Nous restâmes 8 jours à Arenis del Monte. Il y avait pour tout habitant dans la maison où nous logions un vieillard octogénaire avec son épouse. Nous en eûmes pitié et nous les admîmes à nos repas. Pendant notre séjour à Arenis del Monte, le général faisait pratiquer une route dans la montagne pour remplacer celle que les Anglais avaient détruite le long de la mer et qu'on n'aurait d'ailleurs pu suivre que la nuit sous peine d'être écrasé par leur artillerie. Elle fut continuée depuis Malgrat et même Palamos, puis jusqu'à Mataro et Barcelone.

Un espion étant venu prévenir le général que l'ennemi venait d'entrer à Mataro, nous partîmes la nuit, sans bruit, pour l'y surprendre. Quatre compagnies d'infanterie prirent avec nous le bord. de la mer et le reste de l'infanterie suivit la nouvelle route pour

1. Voir la page 550 du 5e volume du Carnet.

« PreviousContinue »