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comme ville; les habitants l'abandonnaient, et les voisins avaient de la répugnance à venir s'y établir. Ils donnaient comme raison la gêne que leur causait l'obligation de dépendre uniquement de l'autorité militaire. Ils réclamaient la même forme d'administration que les autres communautés de la province, et diverses améliorations. Aujourd'hui, les habitants de Montdauphin sont soumis aux mêmes lois que les autres, mais n'en sont pas plus nombreux; la ville constitue toujours une bonne place, mais presque exclusivement militaire, car le nombre des habitants ne dépasse pas 500.

Le 21 juillet, le marquis de Paulmy remonte la Durance jusqu'à Saint-Martin, la franchit, puis traverse la Guisane et arrive à Briançon.

Le Briançonnais a été fort maltraité par le traité d'Utrecht, qui lui a enlevé trente-deux communautés pour les donner au roi de Sardaigne. En 1752, le pays était très pauvre et incapable d'armer des milices et de subvenir aux besoins des armées. La vallée de Barcelonnette, cédée par le roi de Sardaigne, était bien loin de compenser les communautés perdues; autrefois ouverte aux armées françaises, elle ne l'était pas moins alors à celles de l'ennemi; en outre, Exilles, Fénestrelle et Châteaudauphin, qui nous ouvraient jadis les portes du Piémont, nous les fermaient main

tenant.

Briançon devint une place de première ligne; par son éloignement et par sa situation, elle peut être considérée comme une place réduite à ses seules ressources et à celles des forts qui l'entourent. Les fortifications, bien qu'ayant subi un développement considérable depuis le traité d'Utrecht, n'étaient encore proportionnées ni aux dangers à courir, ni à l'importance de la place.

Malgré sa forte situation, la ville, considérée isolément, n'était pas bonne, et, même bien fortifiée, ne pouvait être qu'une place médiocre, si l'on n'avait eu soin de faire entrer dans son système de défense plusieurs hauteurs voisines, que, de tout temps, il a été reconnu nécessaire d'occuper et de munir de retranchements.

En 1752, les défenses de la place étaient les suivantes: sur la rive droite de la Durance on avait construit la redoute des Salettes, considérée comme une annexe de la place. Le plateau des Trois

Têtes qui domine la ville à l'est, avait été fortifié, et, à l'est, dans le prolongement de ce même plateau, on avait bâti le fort de Randouillet. Le plateau de Biffeuil, très rapproché du fort des TroisTêtes, était occupé par le fort Dauphin. Enfin, on avait construit le fort d'Anjou sur la montagne de Sarrelatte, et une redoute à mâchicoulis, établie en avant de Randouillet; la défense avait été reculée au nord jusqu'au plateau de l'Infernet, sur lequel on avait installé des retranchements en pierre sèche.

Cet ensemble ne satisfait point le marquis de Paulmy qui propose de nombreuses améliorations: refaire l'ancien château pour le transformer en une citadelle, séparée de la ville et constituant le réduit de la défense; agrandir l'enceinte dans sa partie sud et la couvrir par un ouvrage à cornes. Construire un hôpital, des casernes, des magasins, un arsenal: « On pourrait affecter à ces constructions le terrain qu'occupent dans les meilleures conditions deux communautés religieuses, fort inutiles au service de la place. »> Remplacer par une bonne redoute les retranchements, un peu trop sommaires, élevés à l'Infernet en 1747, relier l'Infernet au fort d'Anjou par un petit ouvrage.

Ces propositions furent adoptées un peu plus tard, et le système de défense actuel n'a presque rien modifié : les ouvrages existants ont été presque tous maintenus; la redoute projetée pour l'Infernet a été remplacée par un fort, et les portées de l'artillerie moderne. ont permis de ne pas construire d'ouvrage entre les forts d'Anjou et de l'Infernet.

<< Cet amas de fortifications est loin de former un tout parfait et ce n'est d'ailleurs pas nécessaire. Elles n'ont pour but que de donner aux secours le temps d'arriver et d'attendre la saison des neiges, qui chasseront l'assaillant, ce dernier ne pouvant disposer que de quatre mois environ; cette multiplicité de chicanes a pour objet d'épuiser les forces de l'ennemi, de rebuter sa patience et de gagner du temps. Mais la sécurité relative dont on jouit offre l'inconvénient grave de coûter très cher comme construction et comme entretien, d'exiger une nombreuse garnison, une artillerie puissante et des approvisionnements infinis de toute espèce. »

Les 23 et 24 juillet sont consacrés à l'examen des positions exté

rieures, à l'étude de la situation générale et à des revues. Le 25, le marquis de Paulmy part de Briançon, repasse sous le canon de Montdauphin, et va coucher à Guillestre, gros bourg fortifié qui, pendant la guerre de succession d'Espagne, servit d'emplacement à l'un des principaux camps du maréchal de Berwick.

Le 26, il franchit le col de Vars et pénètre dans le district de Barcelonnette n'ayant pas le temps d'aller visiter lui-même le château de Queyras, il délègue à cet effet un des officiers de sa suite et va coucher à l'Arche.

«Le Queyras forme une pointe en pays ennemi; c'est une région entourée des plus hautes montagnes des Alpes, aux débouchés desquelles elle se trouve subordonnée et les populations environnantes (Vaudois ou Barbets) sont fort disposées au brigandage. Le Queyras est si exposé à leurs courses qu'aux premiers mouvements de ces dangereux voisins, les habitants ont toujours demandé comme une grâce la permission de prévenir le pillage en se soumettant aux contributions, dont on ne peut les dédommager que par des contributions et des représailles qu'on tâche de tirer des vallées limitrophes. On peut aussi parfois exempter le Queyras de contributions par la seule menace d'user de représailles sur les vallées piémontaises, comme l'on fit en 1747.

< Comme il n'est pas indispensable aux Piémontais de s'emparer du château de Queyras, il est plus que probable qu'ils ne perdraient pas leur temps à cette opération laborieuse. Il est donc inutile d'en faire une place importante et il suffit de la mettre en état de résister à un coup de main et d'en imposer aux Barbets. Contre de l'artillerie, la place ne pourrait pas tenir plus de quatre ou cinq jours, mais, avec une garnison de 200 ou 300 hommes, elle peut gêner considérablement les incursions des Barbets et maintenir le pays dans l'obéissance. »

Le 27, le marquis de Paulmy arrive à Barcelonnette, d'où il repart le 28 pour Colmars.

La frontière, depuis le col de Lauzet jusqu'à celui d'Alloz, n'était exposée qu'à des incursions ou des diversions peu redouta. bles. Cette région formait le premier point d'appui de la deuxième partie de la frontière de Provence. Les trois places de Guillaume,

vais temps, il va le rejoindre à la plage de Callas, située sur le territoire de Nice, non sans envoyer M. de Rybinen, un de ses officiers, faire des politesses» au commandant de la place, et l'excuser d'être entré sur les terres du roi de Sardaigne.

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La journée du 2 août est consacrée à la visite des fortifications de la ville de Monaco, qui, bien qu'indépendante, était cependant placée sous la protection du roi de France. Cette place, très importante au point de vue maritime, pouvait être appelée à jouer un rôle considérable dans la défense du Var, dans le cas où l'ennemi, gêné par les neiges, voudrait déboucher par la côte. Les fortifications laissaient beaucoup à désirer; la ville pourtant méritait d'être mise dans un meilleur état de défense. « Le nouveau port que le roi de Sardaigne fait creuser à Nice serait une raison de plus de songer à la sûreté de Monaco, si la jalousie que lui donnera toujours cette place incommode n'était pas un motif suffisant.

Monaco deviendrait une place unique en coupant l'isthme qui la rattache à la terre; mais ce projet serait difficile à réaliser, et nécessiterait une dépense excessive à cause de la hauteur du terrain qu'il faudrait couper. » La place, heureusement, pouvait être rendue respectable au moyen de quelques travaux moins onéreux.

(A suivre.)

Capitaine MAGNAN DE BORNIER.

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La loi créant le futur 7 bis de hussards date d'une journée terrible, celle du dimanche 2 septembre 1792, qu'ensanglantèrent les premiers massacres dans les prisons de Paris. La capitale était sous le coup de la violente émotion provoquée par les débuts de l'invasion étrangère. A partir de midi, le tocsin sonna et l'on battit la générale dans les rues. L'Assemblée nationale rendit, ce jour-là, une série de décrets prescrivant des mesures d'urgence pour l'augmentation de l'armée et l'armement des troupes. Une loi déclara « infâmes, dignes de la peine de mort et traîtres à patrie tous ceux qui refusaient de servir personnellement, ou de remettre leurs armes aux citoyens qui voudraient marcher à l'ennemi ». L'Assemblée, ne voulant, dit une seconde loi, « négliger aucun moyen d'augmenter le nombre et la bonne espèce des troupes légères, si utiles pour protéger le développement et l'action régulière des forces nationales », décréta d'urgence la création de deux corps de troupes légères à cheval, sous la dénomination de Hussards de la Liberté. C'est dans le premier de ces deux corps, devenu en 1793 le 7 bis de hussards, que Desvernois s'enrôla, à la date même du 2 septembre, s'il faut en croire ses états de services. Le corps se formait à Paris; dans un pareil moment, son cadre fut vite rempli. Les conditions particulières de cette improvisation d'un régiment de hussards semblent assez curieuses pour mériter d'être exposées aussi complètement que possible.

La loi du 2 septembre avait autorisé le ministre de la guerre Servan à confier aux sieurs Ruttau, citoyen de Paris, et Louis Dumon, citoyen de

1. Voir le 5 volume, page 738.

2. Un registre matricule du régiment, timbré du 17 octobre 1792, existe encore aux archives. Desvernois y figure avec le n° 3, son inscription est datée du 6 septembre comme celle des deux premiers hussards et d'un certain nombre d'autres enrôlés. Le signalement est malheureusement incomplet, on y lit : « fils d'Augustin et de Anne Courmier, — ågé de 22 ans, taille de cinq pieds deux pouces. »

3. Le nom véritable est Louis-François Rutteau.

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