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penhague en partirent par détachements d'une compagnie, quelquefois de deux, et furent conduits sous escorte jusqu'à Korsoer, où ils furent embarqués et enfermés pour traverser la Baltique; ils débarquèrent à Nyborg, d'où était parti La Romana, traverserent l'île de Fionie, passèrent le petit Belt à Middelfart et furent, immédiatement après, remis aux troupes françaises qui les traitèrent avec autant d'humanité que les Danois leur avaient témoigné d'animosité par toutes sortes de mauvais procédés.

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Quant aux Allemands, ils furent pour nous de véritables frères; ils venaient à la rencontre de ceux d'entre nous qu'ils avaient connus et nous prodiguaient toutes les consolations de l'amitié.

A notre passage à Altona, où nous fûmes soigneusement enfermés, nous trouvâmes quelques-uns des mutins arrêtés en Seeland avant le dénouement; j'ignore ce qu'ils devinrent.

<< De retour en France, les restes du corps de La Romana furent disséminés en plusieurs dépôts, savoir: Thionville, Mézières, Charleville et Besançon ; je fus interprète de 550 hommes dans

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C'est de ces éléments que l'Empereur forma, en 1809, le régiment Joseph-Napoléon, dont nous nous proposons de reconstituer l'historique.

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Comme conclusion de ce récit du commandant Lopez, nous croyons devoir reproduire la lettre suivante que l'Empereur adressa de Saint-Cloud le 10 septembre 1808 à Frédéric VI, roi de Danemark, à Copenhague :

«J'ai reçu la lettre de Votre Majesté du 11 août. J'ai été extrêmement fâché de l'imprudence qui a été commise de laisser la garde des postes les plus importants à des troupes que les circonstances devaient rendre suspectes. Je l'ai été davantage encore des

1. Correspondance de Napoléon. L. 14312, t. XVII.

2. Le général Fririon fait suivre sa Relation de l'insurrection en Seeland de considérations sur le danger de placer sous les ordres d'un général détaché de l'armée des troupes étrangères, sans leur donner le contropoids d'une force fiançaise suffisante pour les maintenir dans l'ordre, le cas échéant. I insiste également sur un autre danger, celui d'exiger des troupes ce qui répugne à leur conscience : « Les généraux, les officiers supérieurs et tous les chefs quelconques n'ont qu'une force morale, et s'il arrive que les masses, soulevées par quelques mesures inconsidérées, s'avisent de faire l'essai de leur force physique, dès lors les lois restent muettes. . . . »

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désagréments que Votre Majesté en a éprouvés. J'ai fort applaudi à la conduite qu'elle a tenue, et je la prie d'en recevoir mes remerciements. Quelques bataillons de plus ou de moins sont de peu de considération; les sollicitudes que cela devait donner à un allié qui, comme Votre Majesté, avait besoin de consolation, est ce qui m'a le plus frappé. Que Votre Majesté compte sur mon désir de tous les temps de lui être agréable et de contribuer à la satisfaction et au bien de son pays. »

LA LOGE DE SAINT-LOUIS

A L'ORIENT DU RÉGIMENT D'INFANTERIE DU ROI

EN L'AN MAÇONNIQUE 5784 (1784).

Avant d'analyser le contenu du livret maçonnique cité dans le dernier article sur le Régiment du Roi et dont le Carnet doit la curieuse communication à M. G. Cottreau, qui le trouva simplement sur les quais, il convient de signaler d'abord l'affiliation à la Franc-maçonnerie d'une partie des officiers d'autres régiments de toutes armes, assez nombreux à la fin du règne de Louis XVI.

Le Carnet n'aborde ce terrain que sous toutes réserves et, bien entendu, sans intention d'y revenir. Son principe constant est de ne puiser ses renseignements militaires qu'à des sources authentiques, chaque fois indiquées par lui; or les Archives de la guerre ne contiennent rien, du moins rien qui nous soit connu, sur l'infiltration dans l'armée de la société secrète dont il s'agit. En montrant ici son extension singulière parmi la noblesse militaire à la veille de la Révolution et de l'émigration, nous nous bornerons à rappeler que les Loges maçonniques changèrent plus d'une fois d'orientation politique, selon les événements; le choix bien connu de leurs derniers grands maîtres sous le second Empire suffirait à le

prouver.

Quoi qu'il en soit, devant ce petit livre, joliment imprimé mais sans nom d'imprimeur, en le voyant relié en maroquin rouge et doré sur tranches tout comme le livret préparé par le même régiment pour la revue du Roi, plus encore en lisant les noms sonores inscrits en ses 55 pages, on est naturellement entraîné à chercher un peu plus de lumière sur ce côté peu connu de nos mœurs militaires aux derniers temps de l'armée royale.

La note suivante présente le résumé de renseignements précis demandés dans ce but, en lieu compétent, et fort obligeamment fournis à l'intention de notre Revue rétrospective.

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Gal V.

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Note succincte sur la Franc-maçonnerie militaire

de 1785 à 1789.

On sait que l'extension de la franc-maçonnerie fut une des conséquences de cet esprit philosophique qui se développa en France dans la seconde moitié du siècle dernier et qui prépara d'une manière si directe la Révolution. L'armée devait fatalement prendre part à ce mouvement maçonnique, car une partie de l'aristocratie française frayait avec les philosophes et c'étaient parfois les colonels qui se chargeaient de propager les principes maçonniques dans leurs régiments.

L'année 1773, fameuse dans les annales maçonniques, marque aussi l'époque à partir de laquelle la croissance de cette franc-maçonnerie militaire devint active. Jusque-là les loges françaises étaient restées dans la dépendance du Rite Écossais et n'avaient pas conquis leur autonomie; mais en 1772, la mort du comte de Clermont, grand-maître, avait fait passer les affaires maçonniques aux mains du duc de Luxembourg. Les statuts élaborés par lui donnèrent l'année suivante naissance au Grand-Orient de France; ils provoquèrent parmi les loges existantes une multiplication et une fructification qui ne devaient trouver un terme et changer d'aspect qu'en 1792, devant les tragiques excès de la Révolution.

La franc-maçonnerie militaire avait cessé de se développer dès 1789, mais jusque-là ses progrès étaient demeurés rapides et continus. Pour en donner la mesure, rapportons ici quelques chiffres.

On comptait en 1773, 104 loges battant maillet, parmi lesquelles 10 loges militaires. La L.. Sigismond-Luxembourg, fondée à l'Orient du régiment de Hainaut par le duc de Luxembourg alors qu'il était colonel de ce régiment, comptait parmi ces dix doyennes de notre franc-maçonnerie militaire.

En 1789, il existait, outre les six grandes loges provinciales, 629 loges ordinaires, parmi lesquelles 69 attachées à des corps militaires. Encore ce nombre ne comprenait-il pas les loges dont les vénérables se trouvaient être des militaires, ni les loges d'adoption dont le principe avait été reconnu en 1775 par le Grand-Orient.

Ces loges, composées uniquement de femmes, formaient un groupe à part sous la maîtrise de la duchesse de Bourbon.

Cette large extension militaire de la confrérie maçonnique expliquerait en partie comment, après le trouble mis dans l'institution par la Révolution, un grand nombre des généraux du premier Empire étaient, dit-on, francs-maçons'. Mais pour en rester aux données qui concernent l'armée royale, citons simplement quelquesuns des régiments qui formaient loge en 1785 et rapportons les désignations maçonniques que chacun d'eux avait choisies.

Régiments d'infanterie.

Angoumois, à Perpignan: L.. la Parfaite-Union.

Vén... le

T. C.. F.. de Forestier, capitaine. Adresse de la L.. à M. Guyon, chirurgien-major.

Beaujolais, à Paray-le-Monial: L.. la Triple-Alliance. - Vén... le T.. C.. F.. de la Brémaudière, lieutenant. Adresse de la L.. à M. le Chevalier d'Arragonnès d'Orcet, lieutenant. Député de la L.. le T.. C... F... abbé Lefebvre, procureur général de l'abbaye royale de Sainte-Geneviève, à l'abbaye.

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Colonel-Général de l'infanterie française et étrangère à Schlestadt: L.. la Modeste. Vén.. le T.·. C.·. F... marquis de la Curto, capitaine. Adresse de la L. ́. à M. Coillot, secrétaire du régiment. Député de la L.. le T.. C.·. F.`. marquis de Marnésia, rue Saint-Dominique, faubourg Saint-Germain.

Condé, à Vannes: L.. la Famille-Unie. - Vén.. le T... C... F.. Lafond Rouis, capitaine au régiment. Adresse de la L.·. à M. de Gueroust de Bois-Clairault, lieutenant.

1. Une sorte de fraternité maçonnique internationale apparait même dans cerlains mémoires particuliers entre officiers blessés et leurs adversaires de l'armée en

nemie.

Dans ses Mémoires, le comte de Rochechouart, alors au service de Russie, rapporte qu'en passant à Oschmiana, au commencement de décembre 1812, il vit des officiers français enfermés derrière des fenêtres grillées qui appelaient à l'aide; ces officiers avaient été dépouillés par les Cosaques et se mouraient de froid et de faim..... Je fus fort surpris de voir mes camarades s'approcher, leur faire distribuer le reste de nos provisions et quelques vêtements, puis se rendre chez le staroste... Je demandai à Wlodeck le motif de cet intérêt extraordinaire; il me répondit: Ce sont des francs-maçons, ils nous ont fait le signe de détresse; étant francs-maçons nousmêmes, nous avons dù secourir nos frères, puisque nous le pouvions.»>

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