Page images
PDF
EPUB
[ocr errors][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][ocr errors]

république, libre et indépendante, et proclama que la France lui reconnaissait tout le territoire laissé à l'État pontifical par le traité de Tolentino.

Le pape, prisonnier dans son château de Monte-Cavallo, ignorait tous les événements, et pas un de ses serviteurs n'osait lui apprendre que, suivant la parole du Christ, son royaume n'était plus de ce monde. Le général Cervoni fut chargé d'inviter Sa Sainteté à se retirer en Toscane. Le pape quitta Rome, le 20 février, pour aller se réfugier à la Chartreuse de Pise.

On fit derrière lui une cérémonie expiatoire en mémoire du général Duphot. Un catafalque fut élevé sur la place Saint-Pierre, auprès de l'obélisque, et gardé par des soldats français; la population romaine était répandue sous les colonnades ou se tenait aux fenêtres du Vatican. Des discours furent prononcés en français; Faustino Gagliaffi, sujet romain, fit l'oraison funèbre du général. Puis, le cortège se forma derrière l'urne funéraire que portaient un grenadier, un carabinier, un hussard et un dragon; cette urne fut déposée sur la place du Capitole, au sommet d'une colonne antique. Enfin, le cortège s'arrêta sur le théâtre de l'assassinat pour y faire des décharges de peloton, et pour établir une colonne commémorative du crime et de la réparation.

Le soin de veiller sur les débuts de la nouvelle république fut confié au général Masséna, aidé dans sa tâche par trois commissaires du Directoire, le législateur Daunou, le savant Monge et M. Florent. Par malheur, ce général, environné d'une foule d'individus sans mœurs, mais revêtus du caractère d'administrateurs, qui s'enrichissaient dans Rome par le pillage et les plus odieuses concussions, fut mal, très mal accueilli par l'armée. Le premier soin des administrateurs fut de confisquer les propriétés des Anglais et des émigrés; puis ils établirent dans chaque quartier un bureau où l'on amoncelait impudemment, au nom de la République française, l'or, l'argenterie, les bijoux, les tableaux, les statues volés dans les palais et les hôtels.

Les propriétaires portèrent leurs justes plaintes au général qui n'y eut aucun égard. Le mécontentement s'accrut dans Rome et retentit dans les campagnes. L'armée française, toute à l'honneur,

s'indigna elle-même et résolut de protester au nom de la patrie contre ces odieuses exactions.

A l'issue d'une grande revue passée sur la place Colonna, les officiers subalternes se réunirent au Panthéon d'Agrippa, et rédigèrent une adresse respectueuse au général Masséna, le suppliant pour l'honneur français de faire cesser ces intolérables brigandages. Masséna accueillit fort mal la députation qui était composée de deux officiers par régiment. Desvernois et Reynier représentaient le 7 hussards. Pour toute réponse, le général disposa, par son ordre du 28 février, que la plus grande partie des troupes françaises s'éloigneraient incontinent de Rome et prendraient des cantonnements à Albano, Velletri, etc...; il enjoignit en même temps aux officiers réunis à la Rotonde de se disperser sur-le-champ. Ceux-ci, après une courte délibération, résolurent de ne pas obtempérer à l'injonction et s'établirent en permanence. Exaspéré, Masséna dépêcha à ces officiers l'adjudant général Le Turc pour leur signifier que s'ils ne se séparaient pas sur-le-champ, il les ferait mitrailler par quatre pièces d'artillerie. Les officiers rirent de la menace et gardèrent l'envoyé en otage.

Les officiers supérieurs évitèrent de paraître à la Rotonde, bien qu'ils approuvâssent la résolution de leurs subalternes. Le lieutenant Desvernois s'était d'abord abstenu de se rendre à la réunion, ainsi que quelques autres de ses camarades. « Tu es donc, lui dit un des récalcitrants, du parti de ces f... chapeaux brodés? - Je suis du parti de la discipline, répondit Desvernois, mais tout disposé à te demander raison de ton algarade. » Des amis s'interposèrent et firent si bien qu'ils convainquirent Desvernois. C'est à cause du retard qu'avait mis cet officier à se rendre au Panthéon d'Agrippa qu'il fut envoyé comme délégué avec Reynier, les autres ayant fait aux retardataires la niche de voter à l'unanimité pour eux. Ces officiers étaient à la vérité exposés de la sorte aux colères du général Masséna; mais les colonels prirent leur défense et dirent au général pour quelle cause ils avaient été choisis.

(A suivre.)

[ocr errors]

MELANGES

Mémoire pour le régiment Royal-Corse (1774 ').

Le marquis du Luc sachant qu'il est question d'abolir les régiments composés d'un seul bataillon, et celui de Royal-Corse qu'il a l'honneur de commander étant dans ce cas-là, croit pouvoir mettre sous les yeux de MM. les Inspecteurs chargés de cette opération quelques réflexions qu'il a faites concernant la composition. actuelle de ce régiment et celle qu'on pourrait lui donner pour avoir une formation solide et telle qu'il est question pour les régiments d'infanterie; quoique son intérêt personnel paraisse être son unique but, il les supplie de croire pourtant qu'il n'a d'autre objet que le bien du service.

Le régiment Royal-Corse a été levé en 1739 sur le pied étranger. La Corse pour lors ne faisait pas partie des provinces de France; elle l'est devenue à présent et le régiment national est par ce moyen à l'instar de celui d'Alsace. C'est une vérité incontestable, puisque l'Alsace est une province de France et que le régiment d'Alsace est étranger.

A l'époque où la Corse a passé sous la puissance du roi, l'on a cru qu'il était nécessaire de tirer le plus d'hommes qu'on pourrait de ce pays-là. En conséquence de ce principe, on a créé une légion composée en partie de Corses et de Français; les premiers pour l'infanterie, les seconds pour la cavalerie.

Ce corps amphibie levé, on ne s'en est pas tenu là, on a encore créé un autre régiment d'infanterie d'un bataillon qui a porté le nom de Buttafoco, son colonel, et, malheureusement, on a oublié qu'on avait plus anciennement que tout cela, le régiment de Royal-Corse qui n'était composé que d'un bataillon et qu'il aurait été plus simple, plus utile pour l'objet militaire, plus économique pour les finances du roi de porter à deux bataillons.

1. Communiqué par M. G. Cottreau.

Cela n'a pas été fait. Les raisons seraient trop longues à détailler, d'ailleurs l'objet de ce mémoire n'est pas de parler du passé.

Les choses sont restées ainsi jusqu'au moment où l'on a enrégimenté les milices sous le nom de régiments provinciaux. Alors on détruisit le régiment de Buttafoco, on le forma de deux bataillons et on l'envoya en Corse où il est actuellement régiment provincial, cela fait donc quatre bataillons que la Corse doit entretenir de son propre fond.

[merged small][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small]

Je demande à tous les officiers qui ont été en Corse, surtout à MM. les Inspecteurs qui y ont été faire leurs revues, si cette province est en état par sa population de fournir à l'entretien de ces trois corps! J'ose mettre en fait que non, et j'en ai la preuve depuis dix ans bientôt que je suis à la tête du régiment Royal-Corse.

Cette vérité reconnue, je crois qu'il est nécessaire et indispensable même de procéder à un autre arrangement et voici celui que j'ose proposer: c'est de réunir en un seul régiment de deux bataillons les Corses actuellement sur pied. L'on peut faire passer les Corses de la légion dans le régiment Royal-Corse, cela ferait le fond de son second bataillon et en réduisant le régiment provin cial, si absolument on veut en avoir un, à un bataillon pour rester toujours dans le pair, on parviendrait aisément à rendre le régiment Royal-Corse entièrement national.

Quant à la légion corse, elle perdrait son nom de corse et voilà tout. Elle peut devenir ou française qu'elle est déjà en grande partie, ou allemande, ou de telle autre nation qu'on voudrait la composer.

Mon intention n'est pas de la détruire assurément et je ne prétends pas vouloir m'élever sur les ruines de personne, mais aussi il ne serait pas juste qu'on s'élevât sur les miennes. Il est, je crois, prouvé que la Corse ne peut nourrir de son sein qu'un régiment de deux bataillons, du moins quant à la population actuelle. Il est aussi reconnu que la formation des régiments d'un bataillon ne vaut rien. Or, d'après ces verités, je représente que le régiment Royal-Corse est d'un bataillon, qu'il est l'ancien des autres et qu'il

est en même temps le seul qui puisse être regardé comme national, n'étant composé que d'officiers corses.

On pourra m'objecter et me dire: Il n'y a qu'à incorporer le régiment Royal-Corse dans celui de Royal-Italien. Je réponds à cela: Ils l'ont déjà été, et on a été obligé de les séparer à cause des querelles et des divisions que cette jonction avait occasionnées, divisions qui subsisteront encore bien davantage à présent si l'on recommençait la même opération.

D'ailleurs, si on incorporait Royal-Corse dans Royal-Italien, empêcherait-on d'y prendre des Corses ou non? Si l'on n'en empèchait pas, le même inconvénient par rapport à la population de la Corse subsisterait. Si l'on en empêchait, où se recruterait ce régiment? Parmi les déserteurs de toutes les nations, même des Français. Quelle composition!

La Corse n'ayant qu'un régiment de deux bataillons à entretenir est très en état de soutenir cette dépense d'hommes, cela n'empêcherait même pas qu'elle n'entretînt chez elle un régiment provincial d'un bataillon, parce que tel homme qui par son âge et sa tournure ne conviendrait pas au régiment de troupes réglées, peut être un très bon soldat provincial, ainsi ce 3° bataillon ne serait pas à charge absolument parlant.

Telles sont les idées que j'ai cru pouvoir, devoir même mettre sous les yeux de MM. les Inspecteurs assemblés. Je n'entrerai pas dans de plus longs détails qui seraient inutiles vis-à-vis des militaires éclairés et qui veulent le bien. Plusieurs d'entre eux connaissent le régiment Royal-Corse et d'après les lettres flatteuses du ministre qu'il a reçues, j'ai tout lieu de croire qu'ils en ont été contents. Je partage avec eux le zèle pour le service du roi, et c'est ce qui m'a déterminé à leur soumettre mes réflexions.

J'avouerai en même temps que la perte de mon régiment serait le plus grand malheur pour moi, d'autant que rien ne pourrait me le remplacer. Si le bien du service du roi peut s'accommoder avec mon interêt particulier, j'aurai rempli mon objet, et j'ose croire ne m'en être pas éloigné dans ce mémoire.

Paris, ce 19 décembre 1774.

Le Marquis DU LUC.

« PreviousContinue »