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son exemple, engage aussitôt le combat, et passe sur le ventre de ceux qui essaient de l'arrêter; il atteint de nouveau le gros des fuyards qu'il précipite dans la place forte de Pizzighettone où ils jettent l'alarme. Les canonniers arrivent à toutes jambes à leurs pièces, ainsi que les vit à œil nu Desvernois qui ne s'arrêta que devant le pont-levis de cette forteresse, alors qu'on le leva sous les pieds de son cheval.

En se retirant au pas, un hussard fut tué par un boulet. Le souslieutenant Desyernois, qui avait reçu des balles et plusieurs entailles profondes dans son manteau roulé autour de son corps, en croisant le fer avec les ennemis devant la porte de Maleo, et qui ressentait une assez vive cuisson à l'épaule droite où les coups avaient plus particulièrement porté, rentrait à Maleo, quand le général Beaumont, commandant la cavalerie, arriva de Codogno au milieu de son état-major. Il était escorté d'un escadron du 7° régiment de hussards qui avait recueilli sur la route 34 chevaux, 22 prisonniers et compté 16 cadavres de houlans et hussards hongrois.

Le général Beaumont donna les plus grands éloges au souslieutenant Desvernois et à ses braves hussards, et retint cet officier à son quartier général.

Non,

Notre lieutenant est blessé! crièrent les hussards. mes amis, ce n'est qu'une cuisson, une égratignure que je ressens sur l'épaule droite. Mais le brave maréchal des logis Laudière', qui paya si bien de sa personne pour écarter les coups qui me pleuvaient comme grêle, est bien plus blessé que moi. »

Le brave Laudière avait reçu un coup de sabre sur la figure, mais qui n'avait pas de gravité. Le sous-lieutenant Desvernois livra son épaule au chirurgien du quartier général qui y observa trois coups, fortement empreints de rouge sanguinolent, et qu'expliquaient les nombreuses et profondes entailles faites par l'ennemi sur la partie de son manteau qui portait sur cette épaule droite; le chirurgien le pans avec de l'eau-de-vie camphrée, mélangée d'eau vive et de sel.

1. Laudière est celui qui se battit en duel à Saint-Avold, en novembre 1792, avec Desvernois, alors simple hussard comme lui. Cette leçon rendit plus circonspect Laudière qui fut toujours bon sujet et montra depuis un grand dévouement à D. svernois.

(Note du manuscrit.)

Le maréchal des logis Laudière fut pansé également, puis retenu, ainsi que Desvernois, à dîner avec ce général.

Bonaparte arriva le soir même à Maleo entouré de son quartier général, et voulut reconnaître par lui-même la position de la forteresse de Pizzighettone, mais à peine eut-il dépassé la porte que le feu de l'artillerie le contraignit à rentrer à Maleo.

Il exhalait sans ménagement sa mauvaise humeur contre son entourage que les boulets incessamment tirés de la forteresse de Pizzighettone inquiétaient singulièrement : « Eh quoi, Messieurs! s'écria-t-il, quels sont ces trépignements !... Des officiers français auraient-ils peur de ces vains boulets! Restez calmes! Méprisez le danger, imitez-moi. » Ces paroles étaient dites au milieu d'une grêle de boulets.

Le général Beaumont qu'on savait né comte, excellent Français dévoué de cœur et d'âme à la République, encore peu connu de Bonaparte et presque antipathique à cause de sa naissance aux autres généraux de l'armée d'Italie, crut que le moment était inopportun pour demander une récompense à la belle action de guerre dont le sous-lieutenant Desvernois avait été le héros, et qui avait eu pour résultat la défaite et la fuite de 200 houlans et hussards hongrois, plus la prise de 900 hommes d'infanterie y compris 57 officiers de tout grade. Ce fait éclatant, qui aurait passé pour fabuleux dans un autre temps et qu'on n'a ni cité ni récompensé, n'en demeure pas moins vrai et tout à la gloire du sous-lieutenant Desvernois; il se trouve consigné dans les fastes du 7° régiment de hussards.

2o action d'éclat du sous-lieutenant Desvernois le 21 floréal an IV (10 mai 1796).

L'armée française avait marché sur Lodi le 21 floréal dans la matinée; l'ennemi, après avoir été chassé de la ville, opéra sa retraite par le pont de bois établi sur l'Adda.

La rive opposée de l'Adda, sur laquelle était passée l'armée autrichienne, était hérissée de canons, et la ligne de ses éclaireurs se prolongeait d'environ 1/3 de lieue à la droite de ce pont en faisant face à la rivière.

Tandis que le général en chef hâtait, sous la protection d'un feu d'artillerie bien nourri, la formation des colonnes d'attaque chargées d'enlever le pont à la bayonnette et au pas de course, le général de cavalerie Beaumont, que le général en chef venait de charger de reconnaître un gué dans cette rivière, demanda en ces termes au commandant du 7° régiment de hussards « le jeune officier de son régiment qui avait si bien houspillé les houlans et les hussards hongrois l'avant-veille. Desvernois fut aussitôt appelé, et le général lui dit : « J'ai confiance en votre dévouement pour aller reconnaître un gué dans la rivière de l'Adda où pourra passer la cavalerie, et voici un riverain qui vous renseigner sur l'endroit le moins dangereux pour opérer le passage; vous viendrez diligemment ensuite m'en rendre compte. »

Desvernois, flatté d'une mission glorieuse à la vérité, mais qui présentait des périls, s'incline et part avec ce riverain; à peine arrivé sur la rive découverte, des coups de fusils lui sont tirés par la ligne des tirailleurs espacés sur la rive opposée. Le riverain set jette à plat dans un fossé d'où il ne veut pas sortir de crainte d'être tué; il dit qu'il a une femme, des enfants. Malgré les coups de fusil, Desvernois, décidé à remplir jusqu'au bout sa mission, dit au riverain Indique-moi au moins l'endroit où l'on peut passer la rivière. Monsieur l'officier, portez vos yeux en avant, vous apercevrez une baraque en planches de pêcheurs, sur le bord de l'eau, eh bien, environ à 100 pas en deçà, vous trouverez un fond solide, à une petite profondeur. Tu m'attendras ici, lui dit Oui, Monsieur l'offi

«

encore le sous-lieutenant Desvernois.

cier. »

Desvernois, arrivé à l'endroit présumé, entra dans la rivière qu'il traversa au quart de sa largeur sous une grêle de balles tirées de la rive opposée. Il reconnut un fond solide parsemé de petites pierres plates et blanches, puis revint au grand galop rendre compte de sa mission au général Beaumont, suivi alors par le riverain qui avait retrouvé l'usage de ses jambes.

Après l'avoir entendu, le général Beaumont dit à Desvernois : Allez de toute la vitesse de votre cheval prévenir le général en que vous avez reconnu le gué pour le passage de la cavalerie. » Desvernois trouva Bonaparte abrité par une grosse tour,

chef

entouré de 5 ou 6 officiers d'état-major. Il s'acquitta de sa mission, qui fit grand plaisir au général en chef. Bonaparte le chargea de porter au plus vite l'ordre au général Beaumont de passer sans délai la rivière avec la cavalerie. Lui-même allait enlever le pont à la bayonnette et au pas de course.

<< Eh bien, conduisez-nous, mon brave », répondit le général Beaumont à Desvernois qui se porta aussitôt à la tête de la cavalerie et passa heureusement la rivière dans le moment même où l'intrépide infanterie enlevait le pont.

La cavalerie arriva assez à temps pour couper une colonne de houlans et de hussards qui faisait l'arrière-garde de l'armée autrichienne en retraite sur Bozzolo et Mantoue et à laquelle elle fit éprouver de grandes pertes.

La retraite qu'on sonna à 9 heures du soir fit cesser la poursuite de l'ennemi.

Dans l'ouvrage des Victoires et Conquêtes, il est dit que Desvernois se distingua à la bataille de Lodi; il vient de rappeler ici comment il s'y distingua. Le tableau de cette bataille célèbre où cet officier est représenté passant la rivière à la tête de la cavalerie. française le venge assez de ce laconisme dérisoire pour la part si glorieuse qu'il eut dans le gain de cette bataille.

3o action d'éclat du sous-lieutenant Desvernois le 23 floréal an X (17 mai 1796).

L'armée française étant désormais maîtresse des deux rives de l'Adda, le général Masséna en fut détaché pour aller presser la reddition de la forteresse de Pizzighettone.

Pour qu'aucun ennemi ne pût s'en échapper, le général en chef ordonna au général Beaumont de partir le 23 floréal au matin avec sa cavalerie, au trot allongé, afin de déboucher assez à temps sur la chaussée qui conduit à Crémone et à Mantoue.

Pizzighettone venait de capituler. 400 prisonniers et 40 pièces de canon étaient tombés au pouvoir de l'armée, mais les houlans, que Desvernois avait rejetés dans cette place par sa glorieuse intervention du 19, venaient d'en sortir quand la cavalerie française,

après avoir franchi cinq lieues au trot et au galop par toutes sortes de terrains, déboucha derrière Pizzighettone sur cette chaussée de Crémone que les houlans suivaient.

Le commandant de cette troupe, calculant que la cavalerie française devait avoir ses chevaux et ses hommes harassés de fatigue, fait volte face et arrive avec une grande résolution sur la tête de la colonne, enfonce trois pelotons, tue, blesse et occasionne de graves désordres. Déjà les pelotons faisaient demi-tour et se culbutaient entre eux, quand le sous-lieutenant Desvernois qui commandait le 5 peloton dans la colonne, crie d'une voix de stentor: « Face en tête! Chargeons!» et joignant l'action à son commandement, il se précipite à travers les tués et les blessés, sur l'ennemi qui fuit au plus vite et gagne de vitesse. Desvernois entend crier derrière lui: « Mon lieutenant, nous sommes devant une grande ville. » A ces mots, il tourne la tête et n'aperçoit qu'un hussard de son peloton et un maréchal des logis chef du 10° de chasseurs à cheval. En avant de lui, environ 2,000 personnes devant la porte de cette ville étaient sorties pour être témoins du combat entre les cavaleries autrichienne et française.

- Amis ! de l'audace, en avant et rin tin tin! Cela dit, Desvernois entre au galop dans Crémone, suivi de ces deux braves, parcourt la ville, fait prisonniers deux houlans qui fuyaient à pied et arrive à la porte de Mantoue qui était fermée. Déjà il avait mis pied à terre et s'apprêtait à l'ouvrir, aidé des deux braves qui l'accompagnaient, lorsqu'un homme de bonne mine, fort proprement habillé et qui les regardait de dessus le rempart, à droite de cette porte, lui dit : « Comment, Monsieur l'officier, vous voulez ouvrir cette porte et vous n'êtes que trois ! Mais l'ennemi que vous voulez combattre est arrêté derrière; montez auprès de moi pour vous en convaincre. »

Ces paroles étant dites en très bon français, Desvernois monta sur-le-champ auprès de cet homme et vit la colonne des houlans arrêtée, en effet, à 25 pas; déjà il s'apprêtait à descendre du rempart, quand l'inconnu, tirant avec empressement sa tabatière de sa poche, laissa apercevoir sur le couvercle un très joli portrait en miniature de Louis XVI. « Je n'en use pas, Monsieur, dit Desvernois, mais qu'il me soit permis d'approcher respectueusement

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