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forte, & de telle maniere, que tout compté,
& rabatu, les retous en Europe ne coutent
rien, ou peu de chofe à la compagnie. Le
feul débit des Epiceries lui eft d'un raport in-
fini, on peut avoir du Poivre, fans paffer par
fes mains; mais il n'y a ni Roi, ni Empereur
dans tout le Monde habitable, qui puiffe avoir
fans elle une Livre de Girofle ou de Muf-
cade. Ce font des Fruits qui ne croiffent
qu'en fes Jardins, quoiqu'il n'en foit pas tout
à fait de même de la Canelle, puifqu'elle
vient de l'Ile de Seylon, où elle n'eft pas ab-
folument Maitreffe, elle a fi bien fait jufqu'à
préfent, qu'elle en difpofe feule. On laiffe à
juger, à quelles Sommes immenfes cela doit
aller. Le feul Chocolat, qui fe fait en Ame-
rique, & en Europe, en doit consommer pour
des Millions. Les lles Moluques, & de Ban-
da, font bien petites, mais il faut avouer,
quelles font bien précieuses. Je fouris en li-
fant en quelques Ecrits, venus de Hollande,
que ces Illes-là coutent beaucoup à la Com-
pagnie, par les Garnifons, qu'elle eft obligée
d'y tenir, & que cependant il ne s'y fait au-
cun Commerce. Seroit-elle difpofée à s'en
défaire pour quelque bonne fomme en Argent
comptant? Et en faveur de quelque bon Ami
de l'Etat ? Si on le fçavoit, on pouroit lui
trouver marchand. Mais parlons férieufe
ment. La Compagnie Orientale de Hollan-
de ne doit pas regrêter la dépense qu'elle fait
pour la garde des Ifles Moluques. Elle en
peut être quitte pour quelques Tonnes d'Or
par an, & le profit qu'elle en retire, fe mon-
te à quelques Millions. Les autres Branches
de fon Commerce ne font pas moins fruc-

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tueufes, ni moins fures, fur cout celles du Poivre, & de la Canelle. Jugeons en par les differentes Répartitions, qui, à compter du tems de fon prémier Octroi, jufques à préfent, ont remboursé dix fois le Capital, par fes Retours, qui fe font montez à plus de mille Millions, & enfin par le Prix conftant de fes Actions, qui au plus fort de la dernière Guerre s'eft maintenu entre 550, & 600. pour cent, & qui, au jugement de ceux qui connoiffent le mieux les affaires de la Compagnie, Pourroit être porté bien au delà, fans exceder leur valeur intrinseque, & réelle.

IV. Cependant tout cela n'empêche pas, que les Espagnols, les Portugais, les Anglois, les François, & les Danois, ne faffent auf le Commerce des Indes-Orientales, avec plus ou moins de Profit felon les cas, & les Circonftances. Les Espagnols n'y poffedent plus qu' qu'une partie des Ifles Philippines, les autres s'étant rebellées, qu eux mêmes ne s'étant pas fouciez de les garder; mais ils ne laiffent pas d'y faire, par la Mer du Sud, un Commerce très-avantageux avec la Chine, & d'où leurs Habitans du Peroų, du Chili, & du Mexique tirent abondamment toutes les Epiceries, & toutes les Etofes legeres, dont ils ont befoin. Les Portugais en tirent les mêmes avantages pour le Brefil, fans prejudice de leurs Navigations ordinaires d'Europe en Afrique, & en Afie, & des Retours, qui leur en viennent Le Commerce des Anglois, d'abord heureux & profperé, autant qu'on le pouvoit défirer, fouffrit, dans la fuite, une grande diminution par des raifons, que nous fommes bien aise de paffer fous filence, & il tomba enfin dans un

Hi grand affoibliffement, qu'il falut de néceffité fonger à de nouveaux moyens pour le foutenir. Le protecteur Cromwell, & après lui le Roi Charles II., y travaillerent fans beaucoup de fuccès. Une nouvelle Compagnie des Indes fut créée par Acte du Parlement en 1698. La prémiere fubfiftant toûjours. Après bien des differens entr'elles, qui n'avançoient pas fort leurs Interêts réciproques, on les accommoda, & elles s'unirent les 4. Octobre & 28. Decembre 1701., d'où fuivit encore un ulterieur accommodement au Mois d'Octobre 1708., & au Mois de Mai 1709. Depuis ce tems là, le Commerce des Anglois a pris une toutes autre face, & il eft à cette heure fi confiderable, que la Compagnie peut aifement fournir la Grande-Bretagne entiére de toutes les productions des Indes, dont elle peut avoir besoin pour fon ufage domestique, pour fes manufactures, & pour les affortiments de fon Commerce étranger. On n'en doit pas moins attendre de celle de France établie en 1717. fous le nom de Compagnie d'Occident, & depuis confiderablement amplifiée, dotée, & privilegiée fous celui de Compagnie des Indes Orientales & Occidentales; l'étrange défordre arrivé dans fes affaires, & qui a duré quelques années, est maintenant fini. Le dernier Edit publié en fa faveur au mois de Juin, lui eft fort avantageux. Elle ne poura pas rétablir la fortune de ceux, qui font ruinez, mais elle va fe trouver en état de regler fes operations, & principalement celles de fon Commerce en Orient, & en Occident. Rien ne peut l'en empêcher, elle a dix fois plus de fonds qu'il ne lui en faut,. fon devoir

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envers

envers les Intereffez l'y oblige, le profit qui lui en reviendra eft certain, & enfin c'eft pour cela principalement qu'elle eft établie. Pour' ce qui eft de la Compagnie Danoife, nous n'en dirons rien autre chofe, finon, qu'elle femble plongée préfentement dans le fommeil, mais qu'il ne tiendra qu'au Roi de la reveiller, quand il lui plaira.

V. Tel eft l'état préfent du Commerce des Indes Orientales en Europe. Voilà l'Angleterre pourvuë, la France de même, la Hollande auffi, le Danemarck, le Portugal, & toute l'Amerique. Voila de plus trois celebres Compagnies, dont le Commerce Oriental, lié par d'autres branches avec celui de l'Europe, leur eft un moyen facile d'y répandre abondamment tout ce qui poura y être de quelque ufage. Ce n'eft qu'à leur exemple, que celle du Pais-Bas Autrichien s'avance auffi fur le grand Théatre du Commerce, non pour les y troubler, mais pour y prendre une lé gitime part, & dans la jufte efperance de proCurer quelque foulagement aux befoins de fa Patrie, en lui fourniffant de fon propre fonds, quelques unes des Marchandifes, qu'elle eft obligée de chercher ailleurs; en la déchargeant d'une partie de celles, que la Nature lui fournit, où qui ont été mifes en œuvres par l'induftrie de fes Habitans, & enfin en donnant moyen à fes Concitoyens de faire fructifier le peu d'Argent comptant, qu'ils peuvent avoir dans leurs Coffres. On laille au Jugement du Public fi cette petite Compagnie, formée après toutes les autres, dont le Capital entier n'égale pas la valeur d'un de leurs Retours annuels, a pu raifonnablement caufer tant d'in

quietude à la puiffante Compagnie de Hollande. Prémierement, elle n'a rien à craindre de personnes aux Indes. C'eft elle qui s'y fait craindre de tout le monde. Secondement, la . principale partie du Commerce, qu'elle y fait, fçavoir celui des Epiceries, & du Caffé, qu'elle a eu le fecret de cultiver dans fes Terres, ne peut pas lui être ôté, fi on ne lui ôte en même teins les Illes, & Poffeffions, d'où elle les tire; & pour ce qui eft de la géneralité du Commerce qui lui eft commun avec toutes les Nations du Monde, elle en a fi bien établi le courf, par les Chambres, Loges, & Comptoirs, & qu'il ne feroit pas aifé de l'en détourner fur tout aux Indes, & dans toute l'Afie. Mais fuppofé qu'à cet égard, elle ait fujet d'aprehender quelque grande diminution de gain; d'où vient que toutes les craintes femblent fe tourner du côté de la Compagnie d'Oftende, & qui ferment les yeux fur la Richeffe, & la Puiffance de France, & d'Angleterre, qui d'un premier coup lui ont fermé l'entrée de ces deux grands Royaumes, elle s'attache uniquement à procurer la ruine de celle-ci. La raison en eft facile à trouver. Toutes trois font fes Rivales, mais les deux Compagnies d'Angleterre, & de France font des Rivales puiffantes, qu'il ne lui convient pas de heurter, du moins quant à préfent. Celle-ci au contraire est foible, & naiffante, & elle juge qu'il lui fera aifé de l'étouffer, pour ainlì dire, dans fon berceau. Voilà tout le fecret de fa Politique.

VI. Il faut efperer, que celle de Meffieurs les Etats ira plus loin. Affis fur le premier

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