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& Traitez. 37 nétra jufqu'aux Philippines, d'où il ne reftoit plus qu'un petit trajet pour arriver aux Moluques; mais une mort précipitéé lui ravit ce Contentement, ayant été tué dans un combat contre le Prince de l'ifle de Zebut, ou, felon d'autres, dans un Feftin de trahifon, où il avoit été invité. De cinq Vaiffeaux qu'il avoit eu à fon départ de Seville, il ne lui en reftoit plus que deux au tems de fa mort, l'un nommé la Trinité. l'autre la Victoire. Ces deux Vaiffeaux joignirent bien-tôt après les Moluques, d'où le premier retourna par le plus court chemin en Amerique, & l'autre chargé d'Epiceries revint à Seville le 6. Septembre 1522. n'ayant plus que dix huit hommes de tout fon Equipage, & ayant employé trois ans & quatorze jours dans fon Voyage. C'eft le premier Vaiffeau qui ait jamais fait le tour du Monde. L'Empereur & le Roi Charles V. honora beaucoup le Capitaine, & lui donna pour Armes le Globe de la Terre avec cette Legende: Primus circumdedifti me.

XVI. Ce Capitaine nommé Jean Sebastien Cano, avoit trouvé moyen, avant de partir des Moluques, de faire Alliance avec le Roi de Tidor, & de l'engager à recevoir quelques Efpagnols dans fon Ifle, pour y com mencer un Etabliffement de Commerce. Celui de Ternate au contraire, s'étoit déclaré pour les Portugais, & leur avoit permis de fe fortifier dans fon Ifle, ce qui bien-tôt après fut caufe d'une Guerre entre Ternate & Tidor.

XVII. Il fut queftion cependant en Europe, de fçavoir, à qui ces Ifles devoient apartenir. L'heureufe découverte de Magellan, & la C 3

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commodité qui fe trouvoit à naviger de toute la Côte Occidentale de l'Amerique aux MoJuques, par une Mer fort paifible, & en Ligne droite, fans doubler aucun Cap, animoit les Espagnols à ne pas le défifter du Droit, qu'ils croyoient y avoir; & les Portugais connoiffant, encore mieux que les Efpagnols, l'importance de ces Ifles, folicitoient fort leur Roi, de ne pas les ceder auffi, & accufoient Magellan, avec fon Aftronome Falier, d'avoir falfifié les Cartes, & les Longitudes du Globe. Après quelques débats fur ce fujet P'Empereur, & le Roi convinrent de faire examiner la chofe à fonds, par des Commiffaires mipartis, qui prendroient avec eux des Gens du Métier, les plus habiles qui fe pourroient trouver, & de s'en raporter amiablement à ce qu'ils auroient reglé enfemble. Les Conferences fe tinrent à Badajos, & à Elvasen 1524& durerent deux mois, au bout defquels les Commiffaires Efpagnols prononcerent pour leur Parti, en confirmant le Méridien établi par le Traité de Tordesillas. Mais les Portugais rejetterent cette Sentence, fi bien que l'on le fépara fans avoir rien fait.

XVIII. Les deux Partis continuerent ainfi de fréquenter les Moluques, les Espagnols à Tidor, à Machian, & à Gilalo, dont les Rois leur étoient amis, & les Portugais à Ternate, à Bachian, & aux Ifles de Banda ou ils avoient des Forts. Il fe paffa entr'eux de fréquentes hoftilitez, pendant les deux premieres années, mais le double Mariage, qui fe fit en 1525. & 1526. entre l'Empereur, & le Roi, les fit celler, les deux Princeffes Soeurs & Femmes, ayant difpofé leurs Epoux

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à un Accommodement provifionel, dont les Conditions furent, que le Roi prêteroit à l'Empereur 359, mille Ducats, & que jufqu'au payement de cette Somme, les Droits & prétentions de la Couronne de Caftille fur les Moluques, demeurereient engagées à la Couronne de Portugal. Ce Traité fe fit en 1529. & la Somme n'ayant point été payée, les Moluques demeurerent au Portugais. On s'en plaignit fort en Espagne, & en 1548. les Etats du Royaume affemblez à Valladolid, ofrirent à Sa Majefté Imperiale, de rembourfer le Roi de Portugal, s'il lui plaifoit de retirer ces Illes de fes mains, & de leur en accorder le Commerce privatif pour trois ans après quoi elle en difpoferoit comme il lui plairoit. Mais l'Empereur refufa cet offre, & défendit qu'on lui en parlât davantage, ce qui fit juger, qu'il y avoit peut-être quelque engagement plus fort entre ces deux Prin

ces.

XIX. On ne fçait pas pourtant ce qui en féroit arrivé dans la fuite, fi la Révolution de l'An. 1580. en faifant paffer la Couronne de Portugal fur la tête du Roi d'Espagne, n'avoit engagé ce Monarque a des ménagemens particuliers pour fes nouveaux Sujets. Le Continuateur d'Oforius dit pourtant, à ce fujet en quelque endroit, qu'à la fin il fe trouva, que les Rois d'Espagne avaient en Argent, 15 &la marchandise; ce qui eft vrai dans un fens, puifqu'étant devenus Rois de Portugal, les Molugues fe trouverent au même tems, & au même Droit, fous leur Domination, mais il ne s'en fuit pas de là, qu'elles fuffent retournées aux Espagnols. Le Partage d'AleC4

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xandre VI., & le Traité de Tordefillas, furent obfervez comme auparavant, entre les deux Nations. Les Portugais garderent toutes leurs Conquêtes, & tout leur Commerce en Afrique, dans la Mer Rouge, dans le Golfe d'Ormus, aux Indes Orientales, & au Brefil, qui avoit été découvert par eux en 1500,, & les Caftillans garderent de même leurs Poffeffions en Amerique, & aux Philipines; qui ne leur étoient pas difputées par les Portugais, quoique fituées en partie, fous la même Longitude que les Moluques. On peut bien croire que les Efpagnols fondez fur leurs anciennes prétentions ne négligerent pas de profiter de l'occafion, pour s'introduire de rechef dans les Moluques, & que les Rois Catholiques ne les en empêcherent pas. Mais il ne laiffe pas d'être vrai, qu'à l'exception de ces Ifles, les Portugais demeurerent feuls Maîtres des poffeffions, du Gouvernement & du Commerce aux Indes Orientales. La Révolution de l'an 1640. en fournit une preuve évidente. Car, bien qu'elle n'eut pas été prévue aux Indes, & que les Etablissemens Portugais y fuffent fort éloignez les uns des autres le nouveau Roi y fut reconnu par tout, fans la moindre difficulté, ce qui ne feroit pas arrivé, fi les Caftillans y euffent été les Maîtres.

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XX. Il eft certain auffi, que pendant un fiecle entier, les Navigations de l'Orient, & de l'Occident, ne furent gueres fréquentées ni même connues, que par les Portugais, & les Efpagnols; & que les deux Couronnes, fe faifant un Droit de leurs premieres Décou& un Titre de leurs Concessions A

vertes,

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poftoliques, fe crurent fuffifamment fondées pour en exclurre toutes les autres Nations. Mais quoiqu'elles n'ayent rien oublié, de ce qui étoit en leur pouvoir, pour maintenir cette prétention, auffi long tems qu'elles ont pû, tout le monde fçait, qu'elle n'a jamais été reconnuë de quelque Roi, Prince, ou Etat que ce foit en Europe, & qu'a la fin elles ont été obligées d'en défifter, & de s'en tenir au Droit Naturel & Commun, qui ne fouffre point ces fortes d'exclufions.

XXI. Ce feroit perdre le tems, & abuser de l'attention du Lecteur, que de lui faire içi l'Hiftoire de tous les Voyages, & de tous les Etabliffements du Commerce, qui fe font faits dans l'une & l'autre Inde, par les autres Peuples de l'Europe, depuis qu'ils ont ouvert les yeux fur les avantages, qui pouvoient leur en revenir. Les vaftes Regions, que les François, les Anglois, & les Hollandois y poffedent actuellement, la Richeffe, & la puiffance de leurs Compagnies, prouvent affez qu'ils n'ont pas reconnu ce Droit exclufif. Il fuffira de remarquer, que dans les commencemens il fallut y employer la force des armes; les Efpagnols & les Portugais ne voulant point abfolument y admettre les nouveaux venus. Cette controverfe dura long-tems, fans pouvoir être accommodée. Et comme les Puiffances Refpectives s'affermiffoient dans la Réfolution de ne pas ceder, & que neanmoins d'autres Interêts, non moins confiderables que ceux-là, les engageoient à garder entr'elles quelques mefures, il arrivoit affez fouvent, qu'on fe faifoit la Guerre en ces Païs-là, quoi

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