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Autheurs Efpagnols n'expliquent pas ces raifons mais on peut aifément les fupléer. Le Siftême. de Ptolomée étoit enseigné dès ce tèms-là dans toutes les Ecoles, on n'ignoroit point que Dieu avoit créé la maffe de la Terre en forme de Globe, dont, à peine la quatrieme partie étoit connuë aux Habitans de l'Europe. On favoit de certitude, que les autres Parties recevoient du Soleil, & de la Lune la même lumiere, la même chaleur, & les mêmès influences, dans une parfaite égalité, felon leurs dégrez de Latitude & de Longitude; d'où il étoit naturel de conclure, qu'elles n'étoient donc pas entierement couvertes d'eaux, & qu'il devoit s'y trouver, comme chez nous, des Terres, des Hommes, des Bêtes, des Arbres, & des Herbes. Les fimples lumieres du bon fens pouvoient en faire juger ainfi, & la Science Aftronomique, & Cofmographique, ne permettoit pas d'en douter. Avec tout cela, Colomb eut de la peine à faire gouter ces propofitions. Ce ne fut qu'après une follicitation de huit années, qu'on lui accorda la permiffion. & les privileges, qu'il demandoit.

X. Il partit le 4. d'Août. 1492., & fa Navigation fut fi heureufe, qu'en moins de cinq mois il découvrit & prit poffeffion, pour la Couronne de Caftille & de Leon, de plusieurs Ifles confiderables auxquelles il donna les noms de S. Sauveur, de la Conception, de Ferdinand, d'Ifabelle, de Jeanne, de Cuba, & de l'Espagnole, avec quelques autres: Il en repartit le 4. Janvier 1493., & ayant paffé par les Acores, & par Lisbonne, où le Roi voulut le voir, il fut de retour en Castille à la fin du mois de Mars.

XI. On peut juger qu'il y fut bien reçu, & qu'on y apprit avec joye l'heureux fuccès de fon voyage. Mais, comme on fut informé en même tems, que le Roi de Portugal prétendoit difputer aux Rois Catholiques le Droit des Découvertes & des Conquêtes en Occident, auffi bien qu'au Midi, & que ce Prince ne l'avoit pas diífimulé à Colomb, lorsqu'il l'avoit vû à Lisbonne, on crut devoir s'adreffer au Pape Alexandre VI., & lui demander des Bulles pour l'Occident, pareilles à celles que fes Prédeceffeurs avoient accordées aux Rois de Portugal pour leurs Conquêtes de l'Afrique & des Mers adjacentes. L'affaire ne fouffrit aucune difficulté à Rome. Rien ne pouvoit être plus agréable au Pape, que de voir qu'on croyoit avoir befoin de fes Bulles Donations & Conceffions en des matieres purement temporelles. Celle qu'on demandoit fut expediée dès le 4. Mai de la même année. 1493. C'est une Donation pure, fimple, faite ex merâ liberalitate, certâ fcientia, ac de Apoftolicæ poteftatis plenitudine, aux Rois Ferdinand & Ifabelle, en recompenfe de leur zèle, & de leur pieté fignalée, pour eux, leurs Héritiers, & Succeffeurs, Rois de Caftille & de Leon, de toutes les Ifles, & Terres fermes déja découvertes, ou qui fe découvriront par après, vers l'Occident, & le Midi,& vers les Indes, an de là d'une ligne, qui fera tirée d'un Pole à l'autre, fur le Globe terreftre, à cent lieues des Ifles Azores, & de celles du Cap Verd, vers l'Occident & le Midi, à l'exception feulement des Ifles &Terres fermes, qui fe trouveront avoir été dé

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couvertes, & réellement poffedées en ceš Regionsz là par quelque autre Roi, & Prince Chrétien avant le jour de la Nativité du Seignéar derniere-ment paffé, avec défenfe à toutes personnes, de quelque état, ordre, condition, on dignite, que se puiffe étre, fut-elle Imperiale on Royale, fous peine d'Excommunication encouraë, latå Sententiâ, de frequenter, ou feulement d'aborder lefdites terres, & Ifles, foit pour y faire Commerou pour quelque autre raison que ce puiffe être, fans la permiffion expreffe & fpéciale desdits Rois Catholiques, & de leurs Héritiers & Succeffeurs.

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XII. Ce partage, qui divifoit le Monde en deux parties égales, ne laiffa pas de paroitre fort inégal aux Portugais, en ce qu'il ne leur laiffoit à découvrir qu'une lifiere de Mer le long du continent déja connu, au lieu qu'il abandonnoit aux Caftillans toute l'autre moitié, laquelle naturellement devoit contenir autant de Terres, Ifles, & Païs, que la premiere. Auffi le Roi de Portugal ne voulut point s'en contenter. Il prétendit que le Pade lui faifoit tort, & qu'après toutes les peines, que lui & fes Prédeceffeurs avoient pri fes pour foumettre les Sarazins d'Afrique aux Loix de l'Eglife; fans y épargner leurs Finances, ni même le fang de leurs Sujets, c'étoit mal les recompenfer, que de les exclúrré en faveur des Caftillans de la meilleure & plus confiderable moitié des Regions propres aux Découvertes. El fe fit là deffus quelques Négociations en 1493. pendant lefquelles on ne laiffoit pas d'équiper des Vaiffeaux à Lisbonne pour les envoyer fur la route des Caftillans. Cela fut caufe, que les Rois Catholi

ques

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ques s'adrefferent une feconde fois au Pape, pour lui demander le maintien de fa Bulle 3 contre les Portugais, qui vouloient entreprendre fur leur Partage. La Réponse du Pape fut, qu'il avoit déja marqué ce qui devoit apar téñir à un chacun, & qu'il le confirmoit, concedant dé nouveau aux Rois Catholiques la Conquête Poffeffion des Ifles, Terres d'Orient ent du Midi, qui fe trouveroient fi & tales dans les bornes de la Ligne preferite, & il en fit expedier the Bulle le 26. Septembre 1463. *

XIII. Mais comme, malgré tout cela, les Portugais ne laiffoient pas de pourfuivre leur entreprife, il falut fe refoudre à leur ceder, quelque chofe de plus, qué le Pape leur avoit laiffe par fes Bulles, ce qui fe fit par un Traité d'Accommodement, figné à Tordesillas le 7. Juin 1494. On y convient, Que le Méridien marqué par le Pape à cent lieues des Iles du Cap Verd, feroit avancé jusqu'à deux tens feptante lieues plus lom, vers l'Occident, & que moyennant cela, chacun fé tiendroit pour content, fans exceder les limites de fon Partage. On appella cette Ligne le Meridien de la Demarqua tion, pour le diftinguer du Méridien; $ Pape avoit marqué l'année précédente

que

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XIV. On crut alors, que les Portugais avoient beaucoup gagné par cette correction, & véritablement elle mit dans leurs Partage tout le Brefil, au lieu d'une partie dont ils éuffent été obligez fans cela de fe contenter,

mais

*Herrera Hift. des Indes Occidental. Tom. I. Liv.2. chap.5. + Herrera Tom. 1. Liv. 2. chap. 10. Gomart Hift. des Indes Occid. L.it.

mais on reconnut dans la fuite, qu'en échange elle avoit pouffé fi loin, vers l'Orient, le Partage de la Caftille, que les Ifles Moluques déja découvertes, & en partie poffedées par les Portugais, s'y trouvoient comprises.

XV. Ce fut le célebre Magellan, Gentilhomme Portugais, qui en donna le premier avis au Roi Catholique. Il avoit fervi long-tems le Roi D. Emanuel aux Indes Orientales, & il en connnoiffoit à fonds la Carte & la Navigation, mais fon mérite ayant été négligé en fa Patrie, il fe résolut à venir chercher fortune au fervice du Roi Charles I., depuis Empereur, Prince magnanime, & qui ne manquoit jamais de recompenfer dignement ceux qui s'atachoient à son service. Il mena avec lui un Mathematicien, nommé Rodrigue Falier, & tous deux ensemble avoient conftruit un Globe, fur lequel ils démontroient leur Propofition. Magellan offroit de plus de s'employer à la découverte d'un Paffage pour naviguer de la Mer du Nord à celle du Sud, & il avoit marqué fur fon Globe les endroits où il efperoit de le trouver. On lui donna cinq Vaiffeaux pour cette entreprise avec lefquels étant parti de Seville le 19. d'Août 1519. il découvrit effectivement à 52. dégrès de Latitude Méridionale un Détroit, qui avoit environ cent lieuês de longueur, & qui l'introduifit le 27. Novembre 1520. dans la vafte Mer du Sud. Dès lors il ne douta plus, qu'il ne pût pénétrer par-là aux Ifles Moluques, & pourfuivant courageufement fa Navigation au travers de cet Ocean nouveau & inconnu, il pé

*Oforius Hift. de Portug. Liv. 2. Num. 24.

nétra

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