Page images
PDF
EPUB

rope étoit attentive à ce qui s'y pafferoit. On fait que, fur tout depuis le commencement de ce fiecle, les Harangues des Rois de la Grande-Bretagne à l'ouverture du Parlement, font confiderées comme des efpeces d'Oracles touchant la fituation generale des affaires de l'Europe; celle-ci devoit expofer à la Nation, & en même tems aux yeux de l'Europe entiere les fentimens des Alliez de Hanovre & leurs difpofitions par raport à l'Alliance de Vienne: voici comment Sa Majesté Britannique s'en expliqua.

Harangue du Roi George à fon Parlement ; du 28. Janvier 1727.

J

MYLORD'S ET MESSIEURS,

E vous informai l'année paffée des Traitez de Paix & de Commerce conclus entre l'Empereur & le Roi d'Efpagne : cette foudaine & incomprehenfible Union ayant d'abord donné de juftes motifs de foupçons & d'inquietude aux Puiffances voifines de l'Europe; ce qui s'eft paffé depuis dans ces deux Cours, & leurs Traitez Secrets d'Alliance offenfive, conclus fans doute à peu près dans le même tems, ont jetté les fondemens d'une Puiffance auffi formidable qu'exorbitante, & font fi directement contraires aux interets & Privileges les plus chers & les plus precieux de notre Nation, qu'il faut Nous refoudre, ou à Nous foumettre fans refiftance à la Demande pofitive & injufte, que fait le Roi d'Ef pagne, que Nous lui rendions Gibraltar; & X 4

que

que nous confentions paisiblement que l'Empereur jouiffe d'un Commerce étendu qu'il a ufurpé ou bien il faut prendre le parti de Nous mettre en état de Nous faire Nousmêmes justice, & de defendre nos Droits inconteftables, contre les Engagemens reciproques dans lefquels ils font entrez, au mepris & en violation de la Foi publique, & des Traitez les plus folemnels.

J'ai auffi reçu de differens endroits des avis, fur lefquels je puis entierement compter, qu'on eft convenu par un des Articles des Engagemens Secrets, de mettre le Pretendant fur le Trône de la Grande-Bretagne. Si le tems fait connoitre que le Sacrifice du Commerce de cette Nation à une Puiffance, & de Gibraltar & de Port-Mabon à une autre, a été le Prix & la Recompenfe des efforts qu'on doit faire pour contraindre ce Royaume à fe foumettre

un Pretendant Papifte, quelle indignation cela ne doit il pas allumer dans tout Anglois Proteftant?

Ces Unions dangereuses ne se renfermoient pas dans cette Partie de l'Europe, mais elles s'étendoient auffi jufques dans la Moscovie; & fi notre Flote n'étoit arrivée à tems dans çes mers-là pour empêcher cette Cour d'executer les Deffeins qu'Elle avoit formez contre quelques-uns de fes Voifins, on se feroit frayé un chemin à l'invafion de ces Royaumes, & on auroit donné de puiffans Secours pour favorifer toute entreprise qu'on auroit pû faire d'un autre côté.

Une pareille fituation d'affaires ne m'a pas permis, ni à mes Alliez, entre lesquels on a toujours vû regner la plus parfaite Harmo

nie, Union & Concert, de demeurer les bras croifez, & de ne pas faire attention à notre propre fûreté, auffi bien qu'à la Caufe commune de l'Europe, C'eft ce qui a obligé le Roi Très-Chrêtien de faire de grandes Depenses l'année derniere, pour augmenter fes Troupes; & les Etats Generaux, convaincus du danger prefent, ont non-feulement accedé au Traité d'Alliance defenfive, figné à Hanovre, mais ont auffi pris de bonne heure de fortes Refolutions pour une augmentation extraordinaire de leurs Forces, tant par Mer que par Terre. L'acceffion de la Couronne de Suede eft fi prochaine, & les Négociations avec le Dannemarck font fi avancées, que Nous avons tout lieu d'en attendre un heureux fuccès, auffi bien que de bons effets.

Je fuis perfuadé que cette éxpofition fuccincte de la prefente fituation des affaires, m'affurera non feulement l'appui & le fecours de mon Parlement, pour travailler à ce grand & neceffaire ouvrage, conjointement avec mes Alliez; mais qu'elle juftifiera auffi les mefures qui ont été prifes jufques ici, & les Depenfes qui ont deja été faites.

On c'eft fervi de la confiance que vous me témoignâtes l'année paffée, pour l'avantage du Public: & comme le principal Article de la Depenfe où l'on a excedé, a tombé fur la Marine, parce qu'on a été obligé d'équiper & de mettre en Mer trois Efcadres contiderables, je fuis perfuadé que la neceffité de ce Service, & la Gloire qui revient à la Nation Angloife de l'Equipement de ces Efcadres, fuffiront pour le justifier auffi long-tems que nos Amis avoueront avec plaifir, & nos

X 5

Enne

Ennemis avec chagrin, qu'ils ont vû & ref fenti les Effets de la Puiffance de la Nation Angloife.

Il ne faut pas s'étonner que les Princes engagez dans ces Entreprises, foient fi vivement touchez de voir qu'on a empêché la reuffite de leurs Projets. Le Roi d'Espagne, qui depuis quelque tems n'attendoit qu'une occalion favorable pour faire éclater la haine qu'il a pour Nous, devenu impatient par les Traverfes qu'il a effuyées, ne peut plus deguifer cette haine: il vient d'ordonner à fon Miniftre qui refide ici, d'en partir inceffamment, laiffant un Memoire qui differe peu d'une Declaration de Guerre, dans lequel il demande encore,& infifte fur la reftitution de Gibraltar: il ne nie pas fon Traité d'Alliance Offenfive, ni fes Engagemens pour le foutien de la Compagnie d'Oftende: il veut que je rapelle mes Efcadres, que fa conduite m'a neceffité d'envoyer aux Indes Occidentales, auffi-bien que fur les Côtes d'Espagne & attache à cette Condition la continuation de la Correfpondence entre les deux Couronnes: & fupofant que c'eft exercer actuellement des hoftilitez, que de laiffer mes Flottes dans ces Mers, il menace d'employer toute la puiffance pour les repouffer par la force.

Non content de ces menaces, de ces infultes, & de ces infractions faites aux Traitez, le Roi d'Efpagne fait aujourd'hui des preparatifs pour attaquer & affieger, Gibraltar; & pour executer cette Entreprife, ou pour couvrir un autre dessein, il a affemblé un grand Corps de Troupes dans le voisinage de cette Place. Mais comme l'état prefent où fe trouve la

Gar

Garnifon avec les renforts que j'ai ordonné d'y faire entrer, me donne peu de lieu d'aprehender, & auffi peu à mes Ennemis d'efperer qu'ils reulliront dans cette Entreprise. Les avis certains que j'ai, qu'on eft prefentement dans la Refolution d'envahir ces Royaumes en faveur du Pretendant, par un Embarquement qui fe doit faire furr les Côtes d'Espagne, me donnent fujet de croire, que quoi qu'il puiffe arriver qu'ils entreprennent le Siege de Gibraltar, les preparatifs immenfes qu'on fait publiquement, & que l'on avoue être faits pour l'execution de ce deffein, font principalement deftinez à amufer le Monde, & a mieux cacher l'Invafion meditée, qui, comme je fuis informé très-certainement qu'on en eft convenu depuis quelque tems, doit être le premier pas, & le commencement de la Rupture premeditée depuis long-tems.

MESSIEURS DE LA CHAMBRE DES COMMUNES.

Ces confiderations vous doivent fi bien faire connoître à tous notre commun danger & combien il eft prochain, & je ne doute point que cela ne vous infpire tout le zele imaginable, & que vous ne vous portiez avec promtitude & de bon coeur à la levée des Subfides neceffaires pour la defenfe de notre Patrie, & pour accomplir les Engagemens, dans lefquels nous fommes entrez avec nos Alliez. J'ai reffenti trop de contentement du bonheur de mon Peuple, lorsque je l'ai vû jouir d'une Paix entiere, & qu'il y avoit tout lieu de s'attendre que ni cette Paix, ni leur prosperi

« PreviousContinue »