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Traité de Hanovre porte-t-elle aux interéts de Son Alteffe Royale? y a-t-il la moindre queftion du Duché de Sleswick, y a til quelques-unes des Puiflances contractantes, à qui nous en garantiffions la Poffeffion? Mais le Roi de Dannemarck, dira-t-on, accedera dans la fuite au même Traité & nous ferons obligez alors de lui garantir cette conquête. Ne depend il pas de nous d'entrer ou de ne pas entrer dans l'acceffion du Danemarck; & en le recevant, ne fommes nous pas les maîtres d'excepter le Sleswick de la garantie generale? ne pourrions-nous pas même alors trouver des occafions de menager les interêts de fon Alteffe Royale & d'engager le Danemarck à la fatisfaire. Developons une partie du myftere. On nous impute d'abandonner les interêts de Son Alteffe Royale, lors que nous ne voulons pas les preferer à ceux de notre patrie, quand nous refufons de donner tête baiflée dans des projets mal dirigez, & quand nous craignons d'expofer le Royaume pour l'amour de Son Alteffe Royale aux fuites auffi funeftes qu'inevitables d'une Guerre très-hazardeuse. Cette verité paroit dans toute fon évidence, en reflechiffant que ceux qui fe dechaînent le plus contre ladite acceffion, la trouvent eux-mêmes très-avantageufe pour le Royaume, pourvû que la fatisfaction de Son Altefle Royale y foit ftipulée. Ce ne font pas les avantages de la Suede qui font leur point de vue, mais les interêts d'un Prince, qui quelque cher qu'il nous puiffe être, ne doivent point l'emporter fur ceux de notre Patrie. La confervation de foi-même est la premiere maxime de la Loi naturelle. Il nous

eft

eft ordonné d'aimer notre prochain comme nous même, mais il n'eft pas dit que nous devons l'aimer au delà, ainfi l'amour raisonnable de nous-même a la preference, & celui qui rifque ce qui eft à lui pour un autre, fans y être obligé, ou fe charge de plus qu'il ne fauroit porter, paffe dans le monde pour un homme imprudent & peut-être pis. Si un particulier pêche contre ce principe, il en fouffre feul, ou peu de gens avec lui, s'il a famille; mais fi une nation entiere y contrevient, des milliers de Sujets s'en reffentent. Pour cette raifon le principe de la confervation de foi-même impofe une obligation dans l'administration des affaires publiques, de l'obferver exactement, puifque ceux qui tiennent les Renes, font obligez, non feulement de pourvoir à leur propre droit & à leur propre fureté, mais auffi à ceux d'une Nation qui leur a confié fon falut.

Il est vrai que ceux qui tâchent de nous perfuader de prendre fi hautement le parti du Duc de Holstein, pretendent nous perfuader qu'ils infiftent là-deffus, de crainte que cette étin celle ne caufe tôt ou tard un embrasement general dans le Nord: mais outre que cette crainte n'eft pas tout à fait fondée, puisqu'il dependra de nous d'y prendre part ou non: doit-on mettre le feu à une maison parce qu'elle en peut être confumée un jour ? Nous engagerons-nous fans neceffité dans une Guerre avec nos voifins, parceque quelqu'un s'imagine que nous y ferons envelopez un jour, peut être quelques années après? Communement on eft perfuadé par les principes de la politique que quand on a du tems

on

on trouve bien des remedes, & que les chofes peuvent être menées à une bonne iffue quoi que cela ne fe puiffe d'abord, au lieu que des confeils violents & precipitez n'aboutiffent qu'à des malheurs. Mais pofons en fait que, vû l'impoffibilité d'engager les Puiffances contractantes du Traité de Hanovre à fe charger directement de la fatisfaction de Son Altefle Royale, nous vouluffions rejetter l'invitation qu'elles nous ont fait d'acceder au Traité & prendre au contraire des mefures avec la Ruffie pour obliger le Dannemarck à rendre le Duché de Sleswick, fommes-nous perfuadez même probablement, qu'elles pourroient réuffir? Et n'expofonsnous pas le Royaume à des dangers auxquels nous ne pouvons penfer fans fremir? Examinons la poffibilité de cette entreprise qu'on nous fait fi aifée & les fuites de l'engagement qu'on veut nous faire prendre. Si l'armée de Ruffie deftinée pour contraindre le Dannemarck paffe la Mer à la faveur de nos côtes, elle trouvera indubitablement au paffage les flottes Danoife & Angioife; qu'elle rifque le combat & le perde, ou quelle trouve falutaire de l'éviter, elle cherchera également nos Ports pour fe mettre à couvert. N'est-il pas très-naturel de croire que le Dannemarck & fes Alliez viendront les y chercher, & qu'ils transporteront chez nous une Guerre d'autant plus funefte, que nous n'aurions pas moins à craindre nos amis que nos ennemis? Certainement la politique la plus bornée trouveroit à redire que nous reçuffions dans notre Païs des gens plus forts que nous ne fommes, fur tout dans ce tems de divifion qui regne malheureu

sement

sement parmi nous & que nous ne nous expofaffions au fort du ferpent de la fable qui donnant retraite dans fon trou au porc épic, fut à la fin obligé de le lui abandonner tout entier; fi d'ailleurs l'armée Ruffienne prend fa route par terre, avant qu'elle puiffe arriver fur les Frontieres d'Allemagne, le Danemarck & fes Alliez auront eu le tems d'affembler la leur, capable non-feulement de lui faîre tête, mais de l'aller attaquer même à moitié chemin. Qu'elle ait quelque échec, ou qu'elle évite d'en venir aux mains, notre Pomeraine fervira encore de retraite, & fera à la merci d'amis ou ennemis au hazard même de nous en voir pour jamais depouillez.

Mais que les Armées Ruffiennes ayent des fuccès plus heureux, ce voifin fera-t-il plus facile à notre égard dans la profperité que pendant que les affaires étoient encore douteuses? N'avons-nous pas à craindre que cette Puiffance enflée alors de fa fuperioté, ne s'en ferve pour avancer les esperances tardives & incertaines de ceux qui l'auroient mise en mouvement?

Quiconque a les yeux ouverts, & veut s'en fervir, ne voit-il pas affez où l'on bute, favoir à faire de la Suede le Theatre de la Guerre, & à jetter tout en confufion, au hazard peut-être de notre liberté? Il eft certain que de quelque côté que la chance tourne, les flottes alliées toujours fuperieures à la notre & à celle de Ruffie, tiendront nos Ports blo. quez. Que deviendra alors notre Commerce & notre Navigation, qui recommence fi heureusement à revivre & à fleurir? Nos Negotians ne feront-ils pas alors obligez de defapareil

pareiller avec regret leurs Vaiffeaux, & forcez, comme il est arrivé ci-devant, d'abandonner ces avantages aux étrangers? Quelle difficulté ne trouverons-nous pas de debiter le produit de nos Moines qui fait la meilleure partie de notre Capital & la bafe la plus folide de notre Commerce. N'eft-il pas évident que les difficultez, qui refultent d'une interruption de Commerce, aviliront le prix de nos metaux & des autres produits du Païs, & rencheriront les autres denrées étrangeres dont nous avons befoin? Les Ruffes aparemment donneront du debit aux notres chez eux; qui au lieu d'en prendre de rous comme par le paffé jufqu'à la concurrence de 30000. Schip-. ponds par an font fi bien valoir à prefent leurs propres Mines, que non-feulement ils n'ont prefque plus besoin de notre fer ni de notre cuivre, mais qu'ils en fourniffent, déja une bon ne partie à l'étranger, de forte que nous avons lieu d'aprehender que la complaifance que nous avons, contre l'exemple des autres nations, de les inftruire avec foin dans nos Mines, ne nous devienne un jour fatale. Que feroit-ce, fi dans le tems que nous ferons embarraffez des produits de notre Païs, une mauvaife recolte nous obligeoit d'avoir recours à l'abondance de nos voisins? Ne ferions-nous pas alors reduits au plus grand embarras, & à la mifere même, fi les flottes alliées empê choient qu'on ne nous aportât du bled, comme il arriva en France en 1710. lors qu'on y fouffrit une grande famine.

L'établiflement de nos Manufactures fi avantageux au Royaume par tant d'endroits, peut-il fubfifter avec l'interruption de notre Com

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