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qu'elle a formé pour le bien de la Suede & de Son Alteffe Royale.

Reponfe. Jufqu'ici les grands avantages qu'on a repandu fourdement nous être destinez, reffemblent aux fleurs que la palingenefie des Chimiftes fait fortir de leurs cendres, & qui s'évanouiffent auffi-tôt qu'on y touche. Y at-il perfonne, qui puiffe affurer avec verité, d'avoir vû à cet égard la moindre certitude, que la politique doit exiger dans des cas de cette importance? II eft vrai que l'integrité & la capacité de l'Ambaffadeur que nous avons eu à la Cour de Petersbourg, à la foi duquel on doit avoir confié cet important miftere, vous repond de cette exiftence, mais depuis que le plus experimenté de nos Miniftres, & le plus rompu dans les intrigues fe trompe aux careffes & aux fauffes confidences d'une certaine Cour, & nous endormit par fes affurances fatales nous ne devons pas être bla mez d'être mieux fur nos gardes, & d'exiger de certaines fûretez que la prudence la moins défiante doit demander dans des occafions de

cette nature.

Cependant pofons en fait que les difpofitions de l'Imperatrice dans cette rencontre foient des plus finceres, & qu'elle foit refolue de donner toutes les affurances qu'on pourroit raisonnablement demander, il eft toutefois inconteftable qu'elle ne fe refoudra jamais à les remplir, qu'autant qu'elle pourra envisager l'établissement de fa Famille. De ce principe, qui regne dans toutes fes mefures, fuit une confequence naturelle que, vû les differens cas qui peuvent arriver, elle ne fe

refou

refoudra jamais à mettre les projets en execution pendant la vie.

La Princeffe fa fille ainée peut deceder avant Son Alteffe Royale, ou Son Alteffe Royale avant la Princeffe, fans avoir laiflé de pofterité: voudroit-elle alors s'être depouillée uniquement pour l'amour de la Suede, de tout ce qu'elle a de plus precieux, & fe repofer du fort de la Princeffe cadete, & peut-être du fren, fur la reconnoiffance d'une Puiffance étrangere, quelque redevable qu'elle lui pût être? Voudroit-elle même independamment de ces évenemens defcendre de ce faîte de grandeur fi flateuse, facrifier à fa tendreffe pour fa fille fa propre fureté, & s'expofer à des revers prefque inevitables, quelque bien concertées que puiffent être les me fures qu'elle croiroit avoir prifes.

Ce n'eft donc qu'après la mort que nous pourrions efperer de jouir de ces avantages incomparables, mais qui chargera-t-elle de fes dernieres volontez? Sera ce l'Empereur des Romains, qui à interêt que fon neveu en montant fur le Trône de Ruffie, conferve l'Empire dans fon entier, fans quoi il ne pourra tirer de lui aucune utilité, outre que d'ailleurs, par la fituation de fes Etats, il est trop éloigné pour remplir, quand il y feroit difpofé, les promelles dont il fe feroit chargé? Sera-ce la Republique de Pologne, ou le Roi de Pruffe? Celle-là a vû de tout tems avec douleur les bijoux dont il s'agit entre nos mains, & celui-ci ne pretendroit pas moins en recompenfe de fa garantie, que d'avoir une part confiderable au gâteau? Ou fera ce enfin le nouvel Empereur de Ruffie? RefpecteR 4

ra

ra-t-il les difpofitions d'une Princefle dont la memoire ne peut lui être agreable par plus d'un endroit, & content de la plus vafte portion, fe defiftera-t-il tranquillement de celle qui donne à la Ruffie toute la confideration qu'elle a en Europe? En attendant un avenir fi douteux, pour ne pas dire impoffible, & qui tout au moins est un bien éloigné, nous devons être toujours dans la dependance de la Cour de Petersbourg: nous devons regler toutes nos demarches, nos mefures & nos confeils felon fon bon plaifir; nous devons entrer dans tous fes deffeins & ses vûës, autrement nous ferons menacez à chaque moment de perdre l'efperance de ces avantages qu'on nous fait entrevoir, outre que cette Cour trouve fon interêt à nous tenir en fufpens par ce leure, tant qu'elle pourra afin de nous avoir toujours à fa devotion. Par la même raison elle pretend que nous renoncions à l'acceffion du Traité de Hanovre, afin qu'il n'y ait point d'autres Puiffances fur laquelle nous puiffions nous repofer, ce qui feroit nous priver de cette independance dans laquelle Dieu & la Nature nous ont établis, & que nous ne fourions obferver que par notre acceffion au Traité de Hanovre, qui affermit la base de notre bonheur, le repos, la tranquillité & l'independance de nos Confeils, & de tout le refte. Negligerons nous donc les offres de la France & de l'Angleterre, qui peuvent & veulent bien nous mettre en état de profiter de toutes les occafions & conjonctures, & de nous gouverner par nous mêmes.

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En un mot qu'on ne nous detourne point

de

de notre veritable route par des feux folets, & que l'Imperatrice de Ruffie nous faffe connoître l'affection qu'elle nous porte, non par de belles paroles & de vaines promeffes, mais par des realitez. Si pour commencer, elle nous promet feulement Wibourg, il nous fera aifé de porter la France & l'Angleterre à nous garantir un prefent fi confiderable, mais pour n'obmettre rien qui puifle servir d'éclairciffement, nous allons examiner de plus près ces grands avantages pretendus, en quoi ils confiftent, de quelle nature ils font, & comment ils peuvent être mis en execu tion.

On pretend donc que l'Imperatrice de Ruffie voyant qu'elle ne fauroit fe maintenir à la longue fur le Trône, fonge à tems à s'affurer d'une retraite en Suede, en nous mettant prealablement en poffeffion de toutes, ou de la plupart des Places & Provinces que la Ruffie nous a ôtées; que dans cette vûë elle demande que la Finlande foit renforcée par un nouveau Corps de Troupes transporté de Suede pour être à portée de prendre poffeffion des Villes & des Païs qui nous feront rendus un jour.

C'est le difcours qu'on fe dit ici à l'oreille. Or on auroit de la peine à s'imaginer que cette Princeffe y eut jamais fongé, vû que c'eft une chofe fi extravagante, fi delicate, ou même fi dangereuse pour elle, qui eft la Regente du Païs, qu'on doit s'étonner de ce qu'on lui attribue une telle offre; on a d'autant moins de raison de croire, ou même de regarder comme probable, qu'elle ait ferieusement un pareil deffein, qu'au moins parmi

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nous

pous il eft public, au lieu que les deffeins de cette nature doivent être tellement cachez, avant qu'on frape le coup, que perfonne n'en fache la moindre chofe, excepté les Souve rains même, & quelques-uns de ceux qui doivent les mettre en execution. Perfonne de fenfé ne peut s'imaginer que la Nation Ruffe y confente, mais plûtôt qu'elle feroit fort choquée d'un tel deffein, non feulement a l'égard de l'Imperatrice, mais auffi par raport à nous, que cette Nation auroit lieu de regarder, comme tachant, de lui ôter des Provinces, que nous lui avons non feulement cedées, mais encore garanties; ce qui feroit le veritable moyen de l'irriter contre nous, en quoi on n'a pû réuffir jufques-ici. Si donc par une telle conduite nous avons offensé & éloigné de nous la France & l'Angleterre, en refufant l'offre de nous admettre dans l'Alliance de Hanovre, qui pourrions-nous apeller après à notre fecours? Il feroit trop groffier de nous vouloir imaginer que la Nation Ruffienne, ou ceux d'entre eux qui font portez pour les interêts de la patrie, n'en auroient pas le vent, attendu que le bruit de ce grand fecret court parmi nous d'un bout du Royaume à l'autre. Une marque certaine qu'elle en a déja été avertie, c'est que depuis peu on a defendu publiquement à Wibourg fous de grandes peines de dire ou de debiter que l'Imperatrice, ou qui que ce foit, ait deffein de livrer la Ville & la Fortereffe de Wibourg. 11 fe peut qu'il y ait de certaines gens qui tachent de nous porter à y prêter l'oreille, afin de fe fervir enfuite de ce moyen pour irriter la Ruffie contre nous; la chofe eft fort em

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