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l'Angleterre, & ne fera-t-elle pas engloutie avant que la nouvelle qu'elle ait été attaquée puiffe arriver à Paris ou à Londres.

Reponfe. La Suede pour faire tête à la Ruf fie, en cas qu'elles s'avifât de nous attaquer, n'a befoin que d'argent & de forces maritimes. L'éloignement n'a empêché jufqu'ici ni l'une ni l'autre des Couronnes alliés de remplir leurs engagemens par raport au fecors d'argent, & le climat temperé de l'Angleterre permet à fes flottes de paroître dans la Baltique pour fecourir fes Alliez, avant même que celle de Ruffie puiffe fortir de fes Ports. Mais pofons en fait que la flotte Angloise soit retardée; le Royaume de Suede n'eft pas une conquête que l'on puiffe faire d'emblée, il est au moins autant en état qu'au tems de Guftave de fe garantir du joug des étrangers, pourveu que la trahifon & la lacheté, dont notre Nation n'a pas été taxée jufqu'ici, ne foient pas le fruit monftrueux de notre defunion deplorable & fatale, qui pourroit donner occafion à nos ennemis & les enhardir dans leurs deffeins de nous furprendre.

IV. Objection. Quand même la France & l'Angleterre feroient en fituation de nous fecourir, favoir fi la France, dont l'amitié envers nous n'a pas été toûjours fincere (temoin ce qui s'eft paffé aux Traitez de Weftphalie & de Nimegue) remplira exactement fes engagemens; fi la flotte Angloise agira avec plus de vigueur qu'en 1719. Et fi elle eft capable de garantir nos Côtes des galeres Ruffien

nes.

Reponfe. Quelque inviolables qu'on pretende devoir être les engagemens des Souverains

&

& des Etats, l'on a cependant remarqué que leur propre interêt a été de tout tems comme le Thermometre infaillible de leur bonne foi & de leurs promeffes, lequel a monté ou baiffé, felon que leurs Alliances ont reçû quelques degrès plus ou moins de chaleur des évenemens du tems, ou du changement des affaires. Si pour ne nous pas mecompter, nous nous regions fur ce Principe, nous pouvons être affurez, que tant que la France & l'Angleterre (ainfi que nous l'avons fait voir ci-deffus) auront interêt de maintenir la Paix en Europe, & à faire fubfifter un contre poids au Traité de Vienne, nous pouvons, dis-je, être affurez, que les fecours dont on conviendra avec elles, feront réels, & que notre acceffion au Traité de Hanovre fert de pretexte à la Ruffie de nous attaquer, elles fe prefferont de les fournir fi promptes & fi vigoureux, que nous ne pourions pas être fachez d'avoir été fi injuftement infultez. Nous pouvons même fupofer probablement que ce même interêt des deux Couronnes fubfiftera & nous garantira long-tems la folidité de leurs engagemens, puifqu'elles doivent aprehender que les liaisons étroites, que la Cour de Ruffie a prises aujour d'hui avec celle de Vienne, ne fe perpetuent & ne fe fortifient encore, quand le grand Duc où le jeune Czarowitz Neveu de Sa Majesté Impériale & Catholique montera un jour fur le Thrône.

Il eft certain qu'au Traité de Weftphalie nous aurions pû obtenir des avantages plus confiderables, fi la France avoit voulu facrifier fes interêts aux nôtres, ou peut-être fi nous avions voulu tenir bon nous-mêmes, vû

les

les Armes victorieufes que nous avions à la main lors du dit Traité, mais il faut avouer en même tems que la Suede auroit obtenu bien moins alors, fi elle n'avoit pas été rele vée par le fecours de la France après la grande defaite de Nordlingen, Pour ce qui eft des facrifices peu confiderables que nous fumes obligées de faire par les Traitez de Nimegue & autres de la même Epoque, qui nons firent rentrer dans toutes nos Provinces d'Allemagne, fi nous en rendons la France refponfable, elle feroit auffi en droit de nous reprocher que l'emploi que nous avions fait des fubfides immenfes qu'elles nous payoit alors, ne répondoit pas à fon attente, & que notre armée honteufement furprise & defaite à Fehr-Bellin, n'avoit agi ni felon le plan, ni avec la vigueur dont on étoit convenu.

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Mais puifque les exemples doivent decider dans cette rencontre, pourquoi paffe-t-on fous filence les fecours genereux que cette même France donna au feu Roi Charles XII. de glorieuse memoire. La trifte fituation où nous étions, lui rendoit notre amitié très inutile, & l'épuisement où la France fe trouvoit après avoir foutenu une guerre très-onereufe, augmentant le prix de fon affiftance, mettoit dans le plus beau jour la fincerité de fon amitié pour la Suede.

Quant à l'Angleterre, on lui impute d'autant plus ouvertement & hardiment tous nos derniers malheurs pour la rendre odieufe, que la moindre partie de notre nation est peu inftruite à fonds des moindres circonstances de ce qui s'eft paffé alors. On nous les cache foigneufement pour fauver notre propre turpi

tude,

tude, d'où eft venu que le peuple, outré du ravage cruel que les Ruffes ont commis fur nos côtes, en a jetté toute la haine fur les Anglois, ne pouvant fe vanger fur les veritables auteurs de leurs fouffrances. Il a plû aux Ruffes & à leurs adherens de nous fortifier dans cette perfuafion & pour faire diverfion à la haine immortelle que leur conduite devoit graver dans nos Coeurs, ils ont repandu à cette occafion des difcours artificieux & remplis de malignités fur la conduite de l'Amiral Anglois, qui, quelque peu fondés qu'ils puiffent être, ont fait d'autant plus d'impreffion que les efprits du Peuple étoient deja prevenus & aigris contre les Anglois. On auroit dû autrement tenir ces infinuations Rufliennes pour fufpectes, d'autant que les Ruffes fe font tellement acharnez contre l'Angleterre qu'on peut aisement en conclure qu'ils trouvent cette Couronne un peu trop dans leur chemin, & que par confequent ils ne feront pas bien aife que la Suede s'attache à elle & à fes Alliez. Mais venons au fait.

1. On accufe la flotte Angloise de s'être arretée dans le Sund dans le tems qu'elle auroit pû faire diligence pour venir couvrir nos côtes contre les Rutles. 2. Qu'elle n'a pas rempli notre attente ni les promeffes que l'Angleterre nous avoit faites de nous aider à reprendre fur les Mofcovites nos Provinces perdues, 3. l'on veut que l'Amiral Anglois ébloui par les prefens confiderables de nos ennemis n'ait pas executé fes ordres.

Sur le premier Point les Anglois font voir que quoiqu'ils ne fuffent point tenus d'envoier lui de faire agir leur flotte en notre faveur

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qu'après la Ratification du Traité fait alors avec eux leur flotte mit neanmoins à la voile du Sund, pour venir à notre secours avant même la fignature dudit Traité, de forte que bien loin d'être refponfable des ravages que les Ruffes firent fur nos côtes, dont notre lenteur à conclure ledit Traité fut cause, & non le pretendu retardement de leur flotte; ils foutiennent d'avoir fauvé la Suede d'un bouleversement general, par leurs fecours hatif, dont le feu Empereur de Ruffie eft tombé d'accord, ainfi qu'ils le pourront prouver en tems & lieu par des preuves inconteftables.

Sur le fecond Point, ils rapellent non feulement la teneur dudit Traité qui ne contient pas ces amples promeffes que bien des gens ont crû nous y être faites, mais ils pretendent encore que comme leur flotte n'étoit qu'auxiliaire, & que fes operations dependoient de la decifions de l'Amiral Suedois, ce n'eft pas à elle que l'on doit s'en prendre, fi les flottes ont negligé les occafion que l'on croit avoir eu de bien faire, & fi celle d'Angleterre agit avec moins de vigueur qu'elle n'auroit pû. Ils font encore voir par les Memoires de 'Amiral Norris, pour concerter les operations de la campagne fuivante, & par les reponces qu'on y a fait de notre part, que nous étions encore irrefolus fur l'execution du plan agréé pour chaffer les Ruffes. Effectivement quand nous nous retraçons les actes de ce tems-là, nous ne pouvons pas nous empêcher de conve→ nir, que nous ne nous fentions point de cette vigueur fi neceffaire pour des entreprises de cette nature, mais que fatiguez d'une guerre fanglante

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