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le choix de ce qui pourroit être le plus à l'avantage de la Suede. L'évidence de l'alternative eft telle, qu'on ne peut pas même balancer, à moins qu'on n'ait à combattre des préjugez & des vûës dont je fai que vous êtes entierement exempt & auxquelles il feroit à fouhaiter que tous ceux qui vont affifter aux deliberations de la Diete vouluffent une bonne fois renoncer.

Pour vous en convaincre je vais vous expofer avec toute la precifion poffible les raifons qu'alleguent les deux partis pour la negative ou l'affirmative de l'acceffion au Traité de Hanovre, & pour foulager votre Memoire vous trouverez à la fin de chaque objection la reponse qu'on croit y pouvoir faire.

I. Objection. Notre nation ayant befoin de la Paix pour reprendre des forces, il est à craindre que notre acceffion au Traité de Hanovre ne nous engage infenfiblement dans une guerre, foit qu'elle nous entraîne par degrez dans des plans qu'on nous cache, foit que la Cour de Ruffie , qui nous a fait affez connoître, qu'elle defaprouve les liaifons que nous prendrions par cette accef fion avec la France & l'Angleterre, prenne ombrage.

en

Reponse. Si le repos & la tranquilité de nôtre Patrie eft l'objet veritable de nos fouhaits, nous ne pouvons jamais mieux en affurer la durée qu'en accedant à un Traité qui felon fa teneur claire n'a pour but que l'affermifement de la Paix generale établie prefentement en Europe. Et nous ne faurions mieux pourvoir

* C'est un Suedois qui parle.

voir à notre fureté qu'en nous liant étroitement & en gardant des mefures avec ces Puiffances, qui font obligées par leurs propres interêts à ne pas troubler notre tranquilité; & qui en même tems font en état d'empêcher que d'autres n'y donnent atteinte.

La France, à en juger par les regles de la faine Politique, doit fouhaiter, comme elle fait actuellement, de jouir de la Paix pendant l'âge peu avancé de fon Roi, & ne fonger à des guerres, ni les entreprendre, à moins que de s'y voir obligée par des demarchés peu amiables ou fufpectes de fes voifins.

L'Angleterre a fait des arrangemens pour acquiter fes dettes contractées dans les guerres precedentes, & comme fon commerce floriffant eft la fource la plus abondante de fes richeffes, il doit par une fuite naturelle faire l'objet principal de fes foins. L'un & l'autre font le fruit de la Paix & la tranquilité de l'Europe, qui ne peut être alterée, fans que le credit de la nation qui fait une grande partie de la fureté des fonds publics, s'en reffente.

Ces deux Puiffances cependant auffi parfait tement unies qu'elles le font aujourd'hui par l'interêt qu'elles y trouvent chacune, fe voient en état par leur affiette, par le nombre fuperieur de leurs troupes, & par les flotes nombreu fes, de tenir en bride tous ceux qui voudroient entreprendre de troubler le calme qui regne à prefent en Europe.

Mais fupofons contre taute probabilité qu'elles euffent formé des plans, qu'on nous cache, & dans l'execution defquels on voulut nous entraîner, l'acte de notre acceffion

ne

ne regle-t-il par les bornes de nos engagemens? Et peut on nous obliger de les paffer, quelques avantages que nous puiffions y trouver.

Pour ce qui eft des ombrages de la Cour de Ruffie, ils paroiffent être bien mal fondés, fi elle n'a pour but que le repos & la tranqui lité, & fi elle a deffein de troubler la paix dans le Nord, pouvons-nous mieux nous en garantir que par l'apui de la France & de l'Angleterre qui font fans contredit les Puiffances les plus capables de la maintenir, & qui y ont le plus d'interêt? Au refte fommes-nous abfolument obligez de choifir des amis au gré de la Ruffie? ou veut elle s'arroger fur nous le même droit que le Peuple Romain s'arrogeoit fur fes Alliez? A quel titre pretendroit - elle plus de défference de nous que de la Cour de Pruffe, qui tout alliée qu'elle lui eft de longue main, s'eft portée, fans qu'on y ait trouvé à redire, partie principale contractante du même Traité, auquel on pretend trouver mauvais que nous accedions? Si la Cour de Ruffie a pû acceder au Traité de Vienne, fans nous confulter & fans nous en donner communication, (fans doute parce qu'elle y a trouvé fes avantages) quelle raifon legitime peut-elle avoir de fe formalifer de notre acceffion, fi nous y trouvons les notres? A moins qu'elle ne nous croie tenus de fuivre aveuglement la route qu'el le a bien voulu nous tracer.

II. Objection L'acceffion au Traité de Hanovre fournira à la Ruffie un pretexte fpecieux de defiance, dont elle pourra fe fervir pour envahir la Finlande, ravager derechef nos côtes, & porter dans le cœur de notre Royaume une Guerre dont les fuites pourront être dange

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reuses pour notre Gouvernement & liberté.

pour notre Reponfe. Il est évident par la reponse à l'objection precedente que l'acceffion au Traité de Hanovre, re donne aucun sujet legitimė d'ombrage à la Ruffie contre la Suede, puis qu'elle n'a d'autre vue en ferrant ce nouveau noeud, que d'affermir fon repos & celui de l'Europe, mais fi la Ruffie veut y chercher un pretexte pour envahir la Finlande, & executer certains deffeins qu'on fe dit affez hautement à l'oreille par tout le Royaume, & qui tendent à la deftruction de notre Gouvernement & de la liberté, en manquera-t-elle quand elle en voudra trouver, & qu'elle fe sentira en état de les executer contre la Suede? Quelque claire que puifle être l'eau qui coulera de nos fources, ne nous accufera-t-elle pas toûjours de l'avoir troublée ? Pourons-nous alors efperer de trouver notre fureté dans notre complaifance, quelque aveugle qu'elle puiffe-être ? Nous garantira-t-elle mieux à l'avenir, qu'au commencement de l'année paffee (tems auquel il n'étoit pas encore queftion de l'acceffion au Traité de Hanovre) des entreprises, que le grand armement à Petersbourg devoit alors executer, & que les fages representations de notre Ambaffadeur, jointes aux opositions vigoureuses du Senat de Ruffie rompirent pour notre bonheur? Ce Senat a été refondu depuis, comme il eft connu: On a fait encore de pareils armemens cette année, on a reçû d'étranges avis de toutes parts du veritable deffein de la Ruffie, dont on auroit peut-être fenti les effets, fi la flotte Angloise ne fut venue les arrêter. En y faifant la moindre reflexion,

flexion, n'avons-nous pas la meilleure raifon du monde de nous affurer les fecours des Puiffances intereffées à notre conservation & attentives aux démarches d'un voifin, qui eft forti de fes juftes bornes.

D'ailleurs fuppofé que la Ruffie nous menace d'une pareille invafion, en cas que nous accedions à l'Alliance dé Hanovre, fa Puiffance eft-elle aujourd'hui fi redoutable qué notre nation, avertie qu'elle eft d'un tel deffein, s'en laiffe intimider? Une nation qui à donné tant de preuves de fa valeur qui fe voit fur pied un nombre respectable de belles trou. pes, & qui eft prefque chargée d'Officiers experimentez? Il eft inconteftable que l'Empire Ruffien a perdu beaucoup de fon premier luf tre & de fa vigueur depuis la mort de l'Empereur Pierre; & ceux qui ont vû, comme l'on dit, le deffous des Cartes, font fortement perfuadez, que l'Imperatrice, à moins que d'être feduite par les Confeils dangereux de certaines perfonnes, qui facrifieroient toute la Ruffie pour parvenir à leurs fins, n'éloignera jamais l'élite de fes troupes, qui ont établi fon regne & qui en font toute la fureté, & n'expofera point 'ces mêmes troupes, ou plutôt elle même, au fort incertain des armes, fur tout tant qu'elle aura fujet d'apprehender la realité des fecours que la Suede pourra fe promettre de la part de la France & de l'Angleterre par fon accession au Traité de Hanovre, nonobftant les infinuations mal-tondées que l'on opose à cette realité.

III. Objection. En cas que la Suede foit attaquée, quel fecours peut-elle fe promettre des Puiffances auffi éloignées que la France & que

l'An

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