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qu'après la mort du Roi : alors, ou il s'agit de décider lequel des prétendans est le plus proche du Roi défunt; et c'est une question de fait que le Peuple seul doit décider parce qu'il y est principalement intéressé.

4o Ou bien l'on dispute, pour savoir, quel degré, ou quelle ligne doit avoir la préférence, suivant l'ordre de la succession que le Peuple a établi, et alors c'est une question de droit. Or, qui peut mieux juger cela que le Peuple lui-même qui a établi l'ordre de succession? Autrement il n'y aurait que la voie des armes qui pût terminer le différent, ce qui serait tout-à-fait contraire au bien de la société.

« Mais pour éviter tout embarras là-dessus, il serait fort convenable que le Peuple se réservât formellement par une loi fondamentale, le droit de juger en pareil cas » (*).

L'annotateur ajoute : « Plusieurs jurisconsultes disent le contraire, fondés sur des raisons tout-à-fait frivoles. C'est ainsi que Grotius dit : que le Peuple s'est dépouillé lui-même en faveur du Roi et de la famille Royale, de toute juridiction, en sorte qu'il n'en conserve absolument aucune partie, tant que cette famille subsiste (**); plusieurs autres disent encore que les Souverains ne reconnaissent d'autre juge que Dieu, etc. Mais d'abord cette dernière raison suppose ce qui est en question. Si l'on doit décider du droit de plusieurs prétendans à la Cou

(*) BURLAMAQUI. Principes du Droit de la Nature et des Gens, 2o part., tom. vi, chap. 3, § xv et xvi. pag. 295. Édit. de 1768. (**) GROTIUS. Droit de la Guerre et de la Paix, liv. 11, chap. vII, SXXVII, note 1.

ronne, ce n'est pas sur son Souverain que le Peuple s'érige en juge, car alors il n'en a point. C'est le Souverain lui-même qu'il est question de déterminer.

« Quant à la première raison, toute dispute occasionée par la succession au trône, ne se rapporte point aux choses qui dépendent de la juridiction que le Peuple a transférée au Roi. En effet, dans un pareil différent, on suppose que ni l'un ni l'autre des prétendans n'est en possession de la Couronne. Or, sur ce pied là, aucun n'est encore Souverain : ils aspirent seulement tous les deux à le devenir. Ainsi, le Peuple ne dépend actuellement ni de l'un ni de l'autre, et il rentre alors dans l'indépendance, jusqu'à ce que l'affaire soit décidée. Rien n'empêche donc qu'il ne juge définitivement pendant ce temps là sur une contestation qui intéresse tout ce qu'il a de plus cher et de plus précieux.

« D'ailleurs, cette dispute doit être décidée sur les présomptions que l'on peut avoir de la volonté du Peuple, qui a originairement établi l'ordre de la succession. Or, qui peut mieux juger de cela que le Peuple même ? car le Peuple d'à-présent est censé le même que le Peuple d'autrefois. Disons donc, sans hésiter, que la décission de cette grande controverse appartient à la nation. Si même les prétendans ont transigé entre eux, ou choisi des arbitres, la nation n'est point obligée de se soumettre à ce qui aura été ainsi réglé, à moins qu'elle n'ait consenti à la transaction ou au compromis : des princes non reconnus et de qui le droit est incertain, ne peuvent en aucune manière disposer de son obéissance. Elle ne reconnaît aucun juge sur elle, dans une affaire où il s'a

git de ses devoirs les plus sacrés et de ses droits les plus précieux. Ce fut par les États du royaume de France que se termina, après la mort de Charles-le-Bel, la fameuse contestation entre Philippe de Valois et Édouard III, Roi d'Angleterre; et ces États, tout sujets qu'ils fussent de celui en faveur de qui ils prononcèrent, ne laissèrent pas d'être juges du différent. Ce furent de même les États d'Arragon, qui jugèrent de la succession de ce Royaume, et qui préférèrent Ferdinand, ayeul de Ferdinand, mari d'Isabelle, Reine de Castille, à d'autres parens de Martin, Roi d'Arragon, qui prétendaient que le Royaume leur appartenait. Dans les disputes qui s'élevèrent à l'occasion du Royaume de Jérusalem, ce furent les sujets qui jugèrent des droits des prétendans, comme il est justifié par divers exemples dans l'histoire politique d'outremer (*). Enfin, les États de la principauté de Neufchâtel ont souvent prononcé sur la succession à la souveraineté. En l'année 1707, ils jugèrent entre un grand nombre de prétendans; et leur jugement rendu en faveur du Roi de Prusse, a été reconnu de toute l'Europe dans le traité d'Utrecht » (**).

(*) Voy. ces exemples et autres pareils dans la Réponse pour Madame de Longueville, à un mémoire pour Madame de Nemours.

(**) Voy. (Principes du Droit de la Nature et des Gens, 2a part..., tom. vi, chap. 111, no 57, pag. 267).

-Voy. aussi PUFENDORF. Droit de la Nature et des Gens, liv. vII, chap. VII, § XV.

FIN DU TOME NEUVIÈME.

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