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jour, la nuit, à chaque heure, à chaque inftant, les mêmes fureurs, les mêmes fcuffrances: c'eft le foie renaiffant fous le vautour rongeur; c'eft cet effroyable "Enfer où des flammes inextinguibles brûlent, fans les confumer, & les bourreaux » & les victimes".

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A ces peintures il n'eft perfonne qui ne s'écrie: Que la Loi les fépare! & la Loi confent à les féparer. Mais ce n'eft point par le Divorce, & c'eft le Divorce que l'on demande, c'eft-à-dire, la liberté d'aller former d'autres liens. Il feroit cependant affcz étrange & affcz rare que les deux innocens, que nous venons de voir fi malheureux dans les liens d'un premier mariage, euffent envie de s'expofer aux mêmes repentirs; & quant aux deux coupables, on ne penfe pas, fans frémir, que la Loi leur rendroit encore l'affreufe liberté de faire d'autres malheureux.

Cependant, foit que les époux fuffent coupables tous les deux, ou l'un coupable & l'autre innocent, la Loi ne distingueroit rien dans le fyftême qu'on propose; & voici dans quels cas le Divorce feroit permis: la mort civile, la condamnation à une peine infamante; la captivité dont on ne peut prévoir la fin; l'expatriation forcée ou volontaire, ou la difparution d'un des conjoints dont on n'auroit pas de nouvelles ; l'infécondité d'un hymen pendant un temps déterminé, fans qu'on en pût rechercher les

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en effet, quelle feroit la mort civile, qui fans la fletriffure imprimée au coupable, autoriferoit le Divorce?

La prifon, la captivité, l'expatriation, la difparution même peuvent n'être que des malheurs, & les malheurs de l'innocence, & les malheurs de la veru. Alors, la durée & le terme en fullent-ilsindefinis, loin de brifer es noeuds du mariage, ne devroient ils pas les ferrer & les rendre encore plus facrés Ny auroit-il pas une crane fiche à fe déta cher d'un captif ou d'un fugitif innocent Le crime feul d'un abandon bien avéré bien volontaire & fans retour, peut mettre en liberté celui ou celle qu'on abandonne.] Voilà donc quatre circonftances, où le Di vorce, loin d'être légitime, feroit honteux & criminel.

L'infecondité du mariage peut êtresinvolontaire; mais elle favorite le change fi i ment & l'inconftance, fi elle a pour les époux la perfpective du Divorce, ne ferat-elle pas quelquefois confeillée par l'amour de la liberté Et, dans un bècle tel que e nôtre faut-il faire craindreodux®¿ eporx d'être liés par leurs enfans?

Une maladie incurable feroit la caufe du Divorce! Grand Dieu! Eft-ce là le moment d'abandonner fa femme ou fon époux ? Nous ne concevons pas qu'un Ecrivain qui fe montre fenfible, ait pu vouloir qu'il fûc permis d'être cruel.

L'incompatibilité de caractère eft la caufe qui follicite le plus fréquemment le Divorce, & fur laquelle l'Auteur de cet Ouvrage infifte le plus fortement. Mais cette incompatibilité, comment, par qui, & devant qui fera-t-elle prouvée? Y a-t-il rien de plus vague & de plus équivoque? de plus facile à fuppofer d'un côté, & de plus difficile à contefter de l'aptre? Quoi une femme ennuyée de fes premiers liens, n'aura, pour être libre d'en former de nouyeaux, qu'à fuppofer entre elle & fon époux une antipathie invincible! Un homme, après avoir joui de tous les charmes de la beauté, dans une jeune & chafte époufe, n'aura pour la quitter, quand il l'aura flécrie, qu'à fe rendre odieux pour elle, & qu'à la défoler au point de lui faire avouer qu'elle ne peut plus le fouffrir!

L'incompatibilité naturelle eft très - rarē entre deux époux, témoin le peuple de la campagne, témoin toutes les claffes laborieufes, où les époux ont befoin l'un de l'autre, & où le plus mauvais mari eft celui comme dit Volcaire:

Qui jure, boit, bat fa femme, & qui l'aime.

L'incompatibilité factice eft commune dans ce beau monde, où le caprice, la fantaifie, l'humeur s'érige en caractère, & fe pique d'être inflexible; où l'amour-propre eft irafcible au point de ne pouvoir fouffrir la plus légère atteinte; où la vanité fe paffionne pour fes plus frivoles objets, & fe change en averfion à la moindre diffculté qui la gêne ou la contrarie. Mais ces inimitiés qu'engendre la molleffe dans le fein de l'oifiveté, ne feront-elles pas mille fois plus fréquentes, lorsqu'une pleine li berté viendra folliciter encore les dépits & Pimpatience?lorfque les caractères, au licu de fe plier, de s'accommoder l'un à l'au tre, n'auront qu'à fe roidir pour être indépendans ?

Si le Divorce, nous dit-on, ne permet pas l'infidélité & ne la rend pas innocente, Pinconftance aura bientôt l'art de s'échapper de fes liens, & elle fera criminelle. Mais faut-il que la Loi foit la complaifante du vice, & qu'elle l'autorife au lieu de le Alétrir? Otera-t-elle à de mauvaises mœurs la feule digue qui leur refte? Ah! que ce ui eft mal, foit mal; & que la honte en foir la peine, fi elle n'en eft pas le frein.

Mais non, le mal ne fera pas le même ; & la néceffité de rendre plus légers & plus. doux des nœuds indiffolubles, l'alternative inévitable, ou de s'accommoder à fa fituation, ou d'en accroître les ennuis, a concilié plus fouvent qu'on ne penfe des

Cours & des efprits qui fembloient, inconeiliables. On ne calcule pas les forces de la néceffité; on ne calcule pas le poids de l'opinion publique, & la refiftance qu'oppofe à de honteux penchans l'afpect & T

crainte du blâme.

La féparation fimple eft un Divorce puni par le célibat, Le Divorce eft une feparaon impunie; dans la féparation, la peine du coupable s'étend fur l'innocent; dans e Divorce, la liberté rendue à l'innocent eft aufli rendue au coupable. Laquelle des deux Loix fera la plus injufte ou celle qui fuppofe des torts aux deux époux, & qui les punit l'un & l'autre ou celle qui les traite également tous, deux comme s'ils n'avoient aucun tort? Celle-ci paroît la plus douce; mais les abus en feront plus Fréquens, & ils feront cruels.

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Dans les formalités de la féparation, la Loi a fagement laiffé des, difficultés, des Jenteurs, des répugnances pour les ames honnêtes, pour celles qui n'ont pas perdu encore toute pudeur. Dans le Divorce tel qu'on nous le propofe, on a pris foin d'épargner aux époux jufques aux dégoûts d'un procès, jufqu'au défagrément d'une plainte publique; & les précautions qu'on apporte au Divorce ne le rendent que plus facile en n'y laiffant plus rien dont on ait à ro gir.

Ce n'eft pas que l'Auteur n'en ait bien fenti les dangers. Le Divorce, dit il, eft

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