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âge où le père & la mère n'étant plus affez jeunes pour former de nouveaux liens vont avoir befoin l'un de l'autre & du fecours de leurs enfans..

93.

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Pline a dit en parlant de l'homme : » Il » eft le feul des animaux que la Nature n'a point vêtu; elle a donné à tous les » autres une enveloppe qui leur eft pro"pre, des écailles, une coquille, une ef» pèce de coque, des piquans, du poil ou » des fries, de la laine, du crin, du duver, » de la plume; elle a muni les arbres mê» mes contre le froid & la chaleur, d'une écorce quelquefois double; l'homme eft de feul qu'au jour de fa naiffance elle jette nu fur la terre nue, livré dès ce » moment aux larmes & aux cris....

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Les premiers effais de fes forces naif»fantes font de lui une espèce de quadrupède; mais quand marchera-t-il ? quand formera-t-il des fons articulés? quand fa bouche pourra-t-elle broyer les alimens ? Les autres, avertis par le feul inftinet, courent, volent, ou nagent 3 l'homine ne fait rien de luimême, ni parler, ni marcher, ni fe nourrir; en un mor, la Nature ne lui enfeigne qu'à », pleurer ".

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Est-ce là l'être qu'elle a perinis à fes auteurs d'abandonner, en fe détachant l'un de l'autre ? Non, fa misère, fa foibleffe, les périls qui l'affiègent, & le befoin qu'il a durant dix à douze ans d'enfance & d'im

bécillité, de fa mère pour le nourrir, de fon père pour le défendre, leur fait à tous les deux un crime de fe féparer. Un mariage fortuit & paffager auroit détruit l'efpèce humaine, & le grand deffein de la Nature a été la confervation, la reproduction des espèces.

La Nature a voulu, dit - on, que les époux fuffent heureux. Oui, fans doute, s'ils favoient l'être; mais elle a voulu fur toute chofe qu'ils fullent bon père & bonne mère, & qu'ils euffent au moins l'inftinct des animaux les plus fauvages, qui favent tout endurer, plutôt que d'abandonner leurs petits.

Or ce qui feroit inhumain & dénaturé dans les bois, ne le feroit guère moins dans les campagnes & parmi les Peuples des villes. Que deviendroient, par le Divorce, les enfans du Cultivateur, de l'Artifan, du Journalier? Le père trouveroit fans peine à leur donner une marâtre; mais ceux dont une pauvre mère feroit.chargée, les expoferoit-elle les laifferoit-elle périr?

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Le Divo. , peut-on nous dire ne feroit past fait pour le Peuple; mais les Loix font faites pour tous; & ce qui prouve au moins que la Loi du Divorce répugne à la Nature, c'eft que plus l'homme eft près de l'état de nature, moins le Divorce lui eft permis.

Il reste à voir s'il eft conforme à la juftice, favorable à la Religion, avantageux

aux mœurs.

En lifant cette foule d'Ecrits, où de tous côtés on réclame contre la dure captivité d'un mariage indiffoluble, on fe croit au milieu d'un peuple de Captifs, innocens & chargés de fers, qui demandent leur délivrance; & ce tableau devient encore plus pathétique, lorfque, dans la même prifon, l'éloquence nous montre la foibleffe & la force, la douceur & la cruauté, l'innocence & le vice, la vertu & le crime, enchaînés l'un à l'autre & à jamais inféparables mais en fait de Loix, ce n'est pas l'éloquence, c'eft la raifon que l'en doit écouter.

Infeparables, voilà le mot qui attache idée de l'enfer à ces mariages funeftes; auffi les Loix n'ont-elles pas cu la rigueur de condamner deux êtres, malheureux l'un par l'autre, au tourment de refter unis: mais en les féparant, ont-elles dû les laisser libres ont-elles du leur interdire de former de nouveaux liens? C'eft ici la question délicate & problématique...

Dans l'hypothèle que les époux feroient forcés de vivre enfemble, l'Apologifte du Divorce n'a pas eu de peine à rendre tour à tour dignes d'horreur & de pitié les mariages mal affortis. " Quelle exiftence,

dit-il, que celle de l'infortuné qui a » uni fes deftins à ceux, d'une femme infenfée, infidelle, ou d'une humeur infupportable? Quoi! cet homme irréprochable dans fes fentimens & dans fa

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conduite, cet homme dont on vante les talens & les qualités, la Société, pour prix des fervices qu'elle en reçoit, le » condamne à jamais au malheur ! Il ne » trouve point en rentrant chez lui le repos » mérité par les travaux du jour, & néceffaire à ceux du lendemain; fait pour être heureux, pour rendre heureux tout » ce qui l'environne, la joie eft bannie de fon cœur, & fes yeux ne la verront jamais régner autour de lui! L'amertume, le chagrin, le défefpoir minent infenfible»ment des jours utiles à fa Patrie & à fa "famille; il fuccombe enfin, & on s'é- . » tonne de voir périr celui à qui la for"tune & la vertu fembloient promettre » des jours longs & heureux. Ah! l'on ne fait pas combien il a dévoré de chagrins intérieurs; combien il a verfé de larmes folitaires, on ne fait pas qu'il périt vie» time d'une union mal affortie «.

Ce tableau n'eft que trop fidèle. Celui d'une épouse innocente, malheureuse pour la même caufe, n'eft pas moins vrai ni moins touchant.

Elle voit fe développer & s'accroître dans fon époux, ou une paffion violente, ou une humeur infociable; c'eft » un joueur, ou un libertin, ou un ja»loux, ou un avare, ou un furieux; c'est »quelquefois tout cela enfemble. Que de» viendra fa triste compagne ? Elle ne peut hi faire un pas, ni le permettre une légère

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légère dépenfe fans l'ordre de fon maitre; elle n'ofe, fans fon aveu, donner » à un Domeftique un ordre indifférent à fon enfant une leçon, une careffe; elle ne peut ni refter, ni fuir, ni parler, ni fe taire, s'il ne le veut pas. C'est » la plus miférable efclave du plus redoutable Tyran. Epoufe chafte, fille tendre, » mère fenfible, maîtreffe affable, amic généreuse, elle verra fouiller le nœud conjugal, infulter fes parens, maltraiter fes Domestiques, manquer à toute la fociété. Perfécutée dans tout ce qui lui » eft cher, tout ce qui charme les autres

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eft affligeant pour elle. Forcée de par"tager avec de viles Courtifanes les plus » odieufes careffes, elle voit couler dans fes chaftes veines le fruit honteux du libertingge de fon époux; elle donne à les enfans, dans le flanc le plus pur, un fang vicié par des crimes qui ne font les fiens.

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Pénétrons, réfume l'Auteur, dans l'in "térieur de ce ménage infortuné, tout y porte la fatale empreinte du défordre & » du malheur. De ce jour font bannics la douce liberté, l'aimable confiance & » l'innocente joie. Un homme toujours dans un état violent, fombre & terrible; une femme flétrie par la douleur » & le défespair; d'un côté, des reproches, des menaces, des outrages, des févices; » de l'autre, des larmes, des fanglots. Le N°. 6. 6 Fév. 1790.

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