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Nous avons, je le fais, acheté tant de bien ;
Mon cœur en a fouvent gémi comme le tien ;

Comme toi, des excès j'ai défiré le terme;
Que l'Ariftocrate orgueilleux

Renonce aux complots odieux,

Et de Janus alors que le Temple fe ferme;

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J'y confens, & crois-moi, fans me faire prier 3
La fainte Liberté me fit prendre les armes,
C'eft en la poffédant que je fens mieux ses charmest
Mais je fuis Citoyen plus encor que Guerrier.

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Si du Goût le Temple agréable,
Depuis quelques mois eft défert,
Croyons que chez un Peuple aimable

It doir Anna kimka

Se vientot rouvert :

Peut-être on m'y verra ma's loin, bien loin

Horace;

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J'en fuis l'admirateur & non le favori;
Il fiége auprès du Dieu, ce Poëte chéri,
Tandis
que dans la nef à peine j'ai ma place
Mais de ce rang obfcur je fuis tout confolé
Si je te vois loin du vulgaire,

Et par le Dieu même appelé,

Avec très-peu d'Elus, briller au fanctuaire.

Dans le Temple de l'Amitié,

Je ne veux pas un rang

modeste;

1

Entre mon digne frère & ma tendre moitié,

J'y prétends être auprès de Pylade & d'Orefte :
Viens-y: viens, il me fora douxbe

De t'y voir à côté de nous ;

C'est-là qu'eft le bonheur, la volupté célests.

Eh! ne dirons-nous rien du Temple de l'Amour?
Trois luftres font paffés depuis cet heureux jour,
Ce jour préfent encore à mon ame ravie,
Où je reçus, heureux Amant,

Des mains du Dieu, l'objet charmant Qui feul devoit fixer le deftin de ma vie. Depuis, en nous ferrant de fon heureux lien, L'Hymen qu'on raille trop, le refpectable Hymen Ne nous a point fermé le Temple de fon frères, On nous y voit fouvent venir en station ;. Et la même dévotion,

Dans nos cœurs très-long temps durerá, je l'espère»

Il est un Temple encor dont tu ne parles pas ;.
C'est le premier de tous, celui de la Patrie;
Tout homme tout Francois y doit jufqu'au trépas
Servir avec idolâtrie;

Grenadier, Citoyen, s'il le faut, j'y moutai
J'en ai fait le ferment & je l'accomplirai.

Ce Temple mène-t-il à celui de la Gloire
Ou tend avec ardeur une foule d'humains?
Je ne fais trop ; mais j'ofe croire
y peut aller par de moins beaux chemins.
(Par M. des Tournelles.)

Que l'on

SUITE DE LA VEILLEE.

A

Vous, Mademoiselle, dit d'Ormefan, c'eft votre tour. Mon oncle, répondit Juliette, je fuis un peu émue du récit que je viens d'entendre; voulez-vous bien prendre ma place, & me donner le temps de raffurer ma voix? Volontiers, reprit l'oncle: auffi bien ce jour de bonheur, que Dervis s'eft approprié, vient de m'en rappeler un autre que je lui dus auffi, mais qui fut à moi feul.

Dervis venoit d'être inftallé dans fon office; & il alloit parler pour la première fois dans une affaire intéreffante. C'étoit un procès intenté à la veuve & aux enfans d'un Menficar de Clefade...... Clofade! interrompit le Baron de Drifac, je l'ai connu, il étoit du pays; jeune homme de belle efpérance & d'une brillante valeur; un peu févèrement traité de la fortune, mais raccommodé avec elle par le bon procédé d'un oncle dont fa femme avoit hérité. C'étoit, pourfuivit d'Ormefan, cet héritage qu'on vouloit lui enlever. Sa partie étoit la Marquife de V***, femme altière, active, intrigaste, remuant la Ville & la Cour, &, avec peu de confidération, ne laiffant pas d'avoir un grand erźdit.

Ce procès, fort fimple en lui-même, mais embrouillé par la chicane, fixoit l'attention du Public. C'étoit fur les conclufions de mon jeune Avocat du Roi que dans deux jours il étoit jugé au Châtelet. Je l'en voyois très- occupé, &, quoiqu'affez inftruit moi-même de l'iniquité des pourfuites dont la veuve étoit excédée, je m'abf-. tenois d'en parler à mon fils. L'opinion d'un père eft d'une autorité trop forte pour ne pas entraîner quelquefois la balance; & je m'étois fait une loi de laiffer à Dervis l'ingénuité de fa confcience & la liberté de fon jugement. Je l'abandonnai donc à fes propres lumières; mais avec une inquiétude que j'avois foin de lui cacher, j'obfervois ce qui fe paffoit autour de lui & en lui-même.

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Je le vis obfédé de follicitations, non pas du côté de la veuve. Elle vint feule voir fon Juge; & il la reçut affez mal. — Moi, mon père ! On la fit attendre un quart d'heure dans fon fallon. J'en comptai les minutes, avec humeur, je te l'avoue. Et puis, l'audience fut courte ! - Je l'écoutai bien cependant. Tu la reconduifis avec un air fi digne & fi froid! Je f'aurois battu.

Après elle, vint l'Avocat de Madame de V***. Oh! celui-là put déclamer tour à fon aife: il eut une heure au moins; & la pauvre veuve un qr-d'heure ! Il fut plus long-qu'elle, il eft vrai; mais vous

A s

favez, mon père, qu'un gros volume de paroles ne pèfe pas une once de raison.

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Après cet Orateur, arrive un Prélat d'importance. Il monte à pas comptés ; il s'a vance, on l'annonce. Tu viens le recevoir, il fe jette dans un fauteuil; & moi, qui de mon cabinet l'obfervois attentivement, je vis très-bien à fon gefte, à fa mine, qu'il te dictoit tes conclufions. Oh! non il ne me dit qu'un mot de ce procès, qu'il croyoit infaillible: mais il me parla longuement de lui, de moi, de vous, mon père. Il me vanta fon crédit à la Cour, fon influence fur les choix: il étoit du Confeil fecret & de la confiance intime. Il me demanda fi j'avois envie de paffer ma jeu neffe dans cette plaidoirie obfcure; & fi un homme tel que moi, avec fon nom & fes talens, étoit fait pour vieillir dans la pouffière du Barreau. C'étoit dans les Confeils que je devois bientôt me montrer avec avantage; & des Confeils au Ministère il ne voyoit pour moi qu'un pas. Il me recommanda fur-tout de ne pas imiter mon père, qui, pouvant arriver à tout, n'avoit voulu prétendre à rien. Vingt fois, dit-il, la voix publique l'a nommé aux places les plus émi nentes; la Cour ne demandoit pas mieux: que de l'y appeler; il n'en voulut jamais.. Croyez moi, Monfieur, ne lui reffemblez. pas, & foyez fûr que dans l'occasion vous aurez des amis puifs. Je me doutois bien dit d'Ormefan, que quelqu'un ce jour - là

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