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rérès, propose la rédaction suivante : « Toute personne née en France d'un père ou d'une mère non étrangers, jouit, etc. » M. TRONCHET insiste pour qu'on statue sur l'enfant né en 9 France d'un père étranger. Il observe qu'un tel individu n'acquiert les droits politiques qu'à l'âge de vingt-un ans; qu'on ne peut laisser son état en suspens jusqu'à cette époque; qu'il est même possible qu'il ait les droits civils sans avoir les droits politiques.

LE PREMIER CONSUL demande quel inconvénient il y aurait à le reconnaître pour Français sous le rapport du droit civil. Il ne peut y avoir que de l'avantage à étendre l'empire des lois civiles françaises : ainsi, au lieu d'établir que l'individu né en France d'un père étranger n'obtiendra les droits civils que lorsqu'il aura déclaré vouloir en jouir, on pourrait décider qu'il n'en est privé que lorsqu'il y renonce formelle

ment.

M. TRONCHET dit que les rédacteurs du projet de loi se sont conformés aux anciennes maximes sur l'état civil des étrangers, pour ne rien préjuger en faveur des principes de l'Assemblée constituante, qui a admis tous les étrangers indistinctement à la jouissance des droits civils, sans aucune condition de réciprocité. Autrefois cette dernière condition, même dans ce cas, ne permettait à l'étranger de recueillir des successions, qu'autant qu'il en faisait emploi dans l'étendue du territoire français.

M. ROEDERER dit qu'au 6 août 1789, l'Assemblée constituante trouva le droit d'aubaine aboli à l'égard d'un grand nombre de puissances. Cependant le fisc retenait un dixième des successions que recueillaient les étrangers; c'était ce qu'on nommait le droit de détraction. L'Assemblée a aboli le droit d'aubaine, et même le droit de détraction, d'une manière générale et sans condition de réciprocité : alors la France s'est trouvée dans une position singulière à l'égard de plusieurs nations.

Par exemple, les Anglais, qui ont maintenu le droit d'au

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baine, venaient recueillir des successions en France, et ne rendaient pas les successions qui s'ouvraient chez eux au profit des Français. Mais il ne s'agit pas encore de cette question; elle se lie à l'article 4 du projet. Ce que le Premier Consul propose regarde les enfans nés en France d'un père étranger. La loi civile ne peut leur accorder moins que ne leur donne la loi politique pour l'intérêt de la population.

M. TRONCHET Soutient qu'on ne peut donner au fils d'un étranger la qualité de Français sans qu'il l'accepte. Cette condition ne regarde pas le mineur, parce qu'il n'a pas de volonté; mais elle doit être exigée du majeur.

LE PREMIER CONSUL dit que si les individus nés en France d'un père étranger n'étaient pas considérés comme étant de plein droit Français, alors on ne pourrait soumettre à la conscription et aux autres charges publiques les fils de ces étrangers qui se sont établis en grand nombre en France, où ils sont venus comme prisonniers, ou par suite des événemens de la guerre. Le Premier Consul pense qu'on ne doit envisager la question que sous le rapport de l'intérêt de la France. Si les individus nés en France d'un père étranger n'ont pas de biens, ils ont du moins l'esprit français, les habitudes françaises; ils ont l'attachement que chacun a naturellement pour le pays qui l'a vu naître; enfin ils portent les charges publiques. S'ils ont des biens, les successions qu'ils recueillent dans l'étranger arrivent en France; celles qu'ils recueillent en France sont régies par les lois françaises; ainsi, sous tous les rapports, il y a de l'avantage à les admettre au rang des Français.

M. TRONCHET dit qu'en envisageant la question sous le rapport de l'utilité, on la réduit à ses vrais termes : mais, ajoute-t-il, il n'y a d'utilité réelle qu'autant que la France acquiert réellement l'étranger; et elle n'est sûre de l'acquérir que lorsqu'il a exprimé la volonté d'être Français: s'il s'y refuse, les bénéfices qu'il fait en France, les successions qu'il y recueille, tournent en entier au profit de la patrie de son

père, à moins qu'il n'y ait une loi de réciprocité. Au reste, cet intérêt n'est relatif qu'aux biens meubles et aux produits de l'industrie; car la succession et la disposition des immeubles sont toujours réglées par la loi du lieu où ils sont situés.

M. REGNIER ne croit pas qu'une déclaration d'intention soit pour la France une forte garantie, puisque l'étranger qui l'a faite pourrait néanmoins abandonner ensuite la France. M. TRONCHET répond que, si l'enfant né d'un père étranger jouit des droits civils sans faire de déclaration et sans se fixer en France, on ne pourra lui refuser la succession qu'il ne viendra recueillir que pour l'emporter dans sa véritable pa

trie.

M. ROEDERER réduit la question à examiner si la plupart de ces fils d'étrangers se retireront dans la patrie de leur père, où s'ils resteront en France. Il croit que le plus grand nombre restera.

M. TRONCHET pense que la condition de la résidence doit être formellement exigée.

M. DEFERMON propose de renvoyer à l'article 10 la discus- 8-9 sion des amendemens, et de déclarer cependant que tout individu né en France est Français.

M. TRONCHET répond que c'est ici le lieu de fixer tout ce qui concerne l'état de la personne.

M. PORTALIS observe qu'il n'y a point d'inconvéniens à déclarer Français tout enfant né en France; ce principe se trouvant nécessairement modifié par les dispositions légales qui règlent la manière dont un Français conserve ou perd la faveur de son origine.

LE PREMIER CONSUL met aux voix le principe.

Il est adopté.

M. BOULAY présente la rédaction suivante : « Toute personne « née en France jouit des droits résultant de la loi civile française, à moins qu'il n'en ait perdu l'exercice par une des • causes déterminées ci-après.

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M. REGNIER dit qu'il suffit de dire : « Tout individu né en

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« France est Français; » les conséquences sont suffisamment

connues.

M. REGNAUD (de Saint-Jean-d'Angely) propose de rédiger ainsi : « Jouiront en France des droits civils, 1° tous les

Français, 2o les étrangers dans les cas prévus par la loi. » On établirait ensuite, 1 quels sont les individus qui sont Français, 2° en quel cas l'étranger jouira du droit civil.

LE PREMIER CONSUL renvoie la rédaction à la section.

La discussion de l'article 2 est ouverte.

M. REGNAUD (de Saint-Jean-d'Angely) demande si l'individu né en pays étranger, d'une mère non mariée, est Français.

M. TRONCHET répond que tout enfant né hors mariage suit la condition de sa mère.

LE CONSUL CAMBACÉRÈS dit que la difficulté n'existe que pour l'enfant d'un père français non marié; elle tombe sur la preuve de la paternité. Les enfans nés hors mariage n'étant pas aussi favorisés chez les autres nations qu'en France, on ne trouve nulle part de règles sur la manière dont ils doivent prouver leur filiation; et il est impossible au père de remplir dans le pays étranger les formalités exigées par les lois françaises.

M. Tronchet répond qu'il conviendra d'obliger le père à remplir en France les formalités qu'il ne peut remplir en pays étranger.

M. DUCHATEL attaque la seconde partie de l'article; il s'oppose à ce que le fils d'un Français qui a abdiqué sa patrie soit considéré comme Français; il se fonde sur ce que celui qui est né d'un père qui n'est plus Français ne peut être qu'un étranger, soumis aux conditions imposées aux étrangers pour acquérir la qualité de Français, qu'on ne peut tenir d'un père qui l'a perdue.

M. REGNAUD (de Saint-Jean-d'Angely) appuie cette opipion; il dit que la volonté du père décide de l'état du fils.

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M. DEFERMON adopte le principe de la section: il lui paraît favoriser la population.

M. BOULAY observe que la question a été décidée par l'Assemblée constituante, à l'occasion des religionnaires fugitifs.

M. REGNAUD (de Saint-Jean-d'Angely) répond que les religionnaires n'avaient pas abdiqué la qualité de Français; mais qu'ils avaient été forcés de s'expatrier. Il n'en est pas de même, continue-t-il des Français qui ont librement adopté une patrie nouvelle, qui, peut-être, n'ont quitté la France qu'en haine de son régime, qui ont accepté des fonctions chez les puissances ennemies. On ne pourrait, sans inconvénient, permettre à leurs fils de reprendre le caractère de Français, et de venir en France recueillir des successions.

M. TRONCHET dit que, quand on s'occupe de lois civiles, de lois qui sont pour tous les temps, il faut se placer à une grande distance des circonstances où l'on se trouve. La faveur de l'origine doit l'emporter sur toute autre considération. Ce principe est celui de l'Europe entière. Au surplus, il faut ne lui donner ses effets en France qu'autant que l'individu par lequel elle est invoquée est fidèle à la promesse d'établir son domicile sur le territoire français.

M. REGNAUD (de Saint-Jean-d'Angely) dit qu'un père, devenu étranger, communique cette qualité à l'enfant né depuis son expatriation. Si cet enfant attache du prix à la qualité de Français, il peut l'acquérir par les moyens de naturalisation que la Constitution établit.

M. ROEDERER dit que, lorsque la France sera parvenue au degré de prospérité qui l'attend, beaucoup d'étrangers voudront s'associer à ses destinées, et que ce désir s'emparera surtout des individus qui en sont originaires ; que l'intérêt de la population fera accueillir favorablement ceux qui n'ont jamais appartenu à la France; qu'à plus forte raison, devrat-on faciliter le retour des enfans des Français expatriés. Qu'on ne craigne pas la rentrée des enfans d'émigrés; elle ramènera les biens qu'avaient emportés leurs pères.

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