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système a été introduit en faveur de l'innocence: en effet, l'homme le moins coupable peut avoir de justes motifs de craindre les préventions; il peut vouloir se mettre à l'écart pour apprendre, par la procédure, s'il doit se confier à l'im— partialité de ses juges, ou redouter les manœuvres de ses ennemis.

La question, au surplus, n'a d'intérêt que pour les héritiers appelés, à défaut du condamné, à recueillir les successions qui peuvent s'ouvrir pendant le délai de cinq ans. C'est en leur faveur que la section propose de suspendre pendant un temps les effets de la mort civile, afin que leur sort ne dépende pas de l'hypothèse de la révocation du jugement.

LE CONSUL CAMBACÉRÈS dit que la section, dans son projet, suppose toujours que l'accusé est innocent et doit se représenter. Ce raisonnement repose sur une base souvent fausse : la présomption s'élève en faveur de la justice; il faut croire que l'accusé fugitif a eu de puissans motifs de prendre ce parti.

Un délai n'est pas nécessaire à l'intérêt des enfans du condamné, puisqu'ils prennent directement les successions que leur père aurait recueillies s'il eût conservé ses droits civils.

LE MINISTRE DE LA JUSTICE observe qu'un jugement, même par défaut, doit toujours s'exécuter, tant qu'il n'y a pas d'opposition; que le jugement par contumace n'est qu'un jugement par défaut, qui doit avoir tout son effet (et qui l'a réellement par l'effigie) tant qu'il n'est pas attaqué; que suspendre ces effets pendant cinq ans indépendamment de toute opposition, ce serait s'écarter des principes reçus.

LE PREMIER CONSUL dit que cette loi serait un scandale qui, en frappant un homme de mort civile, lui laisserait cependant la faculté de vendre, de donner, de disposer, dans l'espérance que des conjonctures favorables lui permettront, dans la suite, de se faire absoudre, et de valider ainsi ce qu'il aurait fait d'une manière illégale.

M. EMMERY observe que, dans le système de M. Tronchet, la propriété demeure incertaine : il n'est pas permis aux tri

bunaux de repousser un contumax'qui se représente, même long-temps après le délai accordé pour purger la contumace.

Si donc il ne se représente que dix ans après sa condamnation, et qu'il soit absous, il reprend ses biens; et toutes les dispositions faites dans l'intervalle se trouvent rétroactivement annulées.

M. MALEVILLE dit qu'il ne croit pas que, d'après les anciennes lois, ni d'après les nouvelles, il fut libre à un condamné de se représenter après les délais pour purger sa contumace et faire tomber son jugement; que, d'après l'ordonnance de 1670, le condamné n'avait régulièrement que cinq ans, et que ce n'était que par une faveur particulière que le roi accordait quelquefois des lettres pour purger la contumace ou la mémoire après les cinq ans ; que le nouveau Code pénal a mal à propos étendu ce délai à vingt ans, mais qu'il est bien clair au moins qu'il est de rigueur; qu'un contumax ne peut pas plus aujourd'hui qu'autrefois prétendre aux successions échues depuis, ni troubler ceux auxquels sa condamnation avait acquis des droits.

M. ROEDERER observe que l'absolution n'a cet effet que pendant le laps de cinq ans.

M. EMMERY répond que dans notre législation actuelle, à quelque époque que se représente le contumax, il rentre immédiatement dans l'exercice de tous ses droits, et récupère tous ses biens, à l'exception des fruits. Le système de la section tend à faire cesser les inconvéniens d'une trop longue suspension, en fixant un délai de cinq ans, pendant lequel le contumax, n'étant pas irrévocablement condamné, ne serait frappé que d'une sorte d'interdiction légale, mais après lequel la condamnation, devenue irrévocable, produirait la mort civile. On est d'accord que, si le contumax se représente ou est arrêté dans ce délai, il doit recouvrer à l'instant la plénitude de ses droits. On convient s'il meurt naturellement avant l'expiration des cinq ans, il doit mourir integri status; et cependant on veut le déclarer mort civilement du

que,

jour où le jugement par contumace aurait été exécuté en effigie. Il y a dans ce système une contradiction qui serait sauvée dans le système de la section. L'intérêt des enfans du contumax serait aussi plus respecté; et il doit l'être, puisqu'ils sont innocens. Ils ne pourront pas toujours prendre de leur chef les successions que leur père aurait recueillies. Si la représentation à l'infini est restreinte, comme il y a toute apparence, il arrivera souvent que les enfans n'auront pas le degré qui leur donnerait la capacité de succéder par eux

memes.

LE CONSUL CAMBACERES dit que l'article 16, en suspendant la mort civile pendant cinq ans, contredirait l'article précédent, qui la déclare encourue du jour de l'exécution par effigie, quoique peut-être ces sortes d'exécutions, instituées pour faire connaître le jugement, ne devraient plus avoir lieu depuis que la procédure est publique, et qu'il serait convenable de donner au jugement tous ses effets aussitôt qu'il a été prononcé.

Au reste, la loi ne peut accorder une protection spéciale à un individu, précisément parce qu'il est condamné. Elle ne peut tolérer qu'il dispose au mépris de sa condamnation, ni prendre sous sa sauve-garde les actes qu'il fait, en lui ménageant la faculté de se présenter pour se faire absoudre lorsqu'il sait que les preuves de son crime ont péri. L'intérêt des enfans doit toucher, sans doute; mais l'ordre public a aussi ses droits et dailleurs, l'intérêt des enfans est bien plus respecté dans le système de M. Tronchet, où ils succèdent, que dans le système de la section, où ils perdent les fruits pendant cinq ans.

M. REGNIER dit que toute condamnation par contumace est essentiellement conditionnelle.

M. TRONCHET répond qu'elle n'est modifiée que par une condition résolutoire, qui dépend ou de l'absolution du contumax, ou de sa mort pendant le délai de cinq ans.

M. BOULAY dit que si la section propose une suspension, ce

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n'est qu'afin de ne pas mettre sur la même ligne l'individu condamné sans retour, ét l'individu qui peut revivre à la société.

Il ajoute qu'au surplus le système de M. Tronchet serait aussi suspensif à l'égard de divers effets civils: par exemple, il n'entraînerait pas la dissolution du mariage pendant les cinq années de délai.

M. TRONCHET dit que le contrat de mariage à des règles toutes particulières; qu'il ne demeure en suspens que parce qu'au moment de la condamnation il avait toute sa perfection, et qu'un pareil contrat ne peut pas être anéanti conditionnellement.

LE CONSUL CAMBACÉRÈS dit que le jugement par contumace a les mêmes effets qu'un contrat modifié par une clause résolutoire. Un tel contrat s'exécute jusqu'à ce qu'il soit détruit: il en doit être de même d'un jugement qui opère l'expropriation.

LE PREMIER CONSUL renvoie à la section les articles discutés, et la charge de présenter le tableau des conséquences de son système.

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Les articles non discutés sont ainsi conçus :

Art. 17. « Dans aucun cas, la prescription de la peine ne pourra réintégrer le condamné dans ses droits civils. »>

Art. 18. « Une condamnation prononcée contre un Français en pays étranger n'emportera pas la mort civile. »

32

ap. 24

Art. 19. « Les effets de la mort civile seront, la dissolution 25 « du contrat civil du mariage, l'incapacité d'en contracter un " nouveau, d'exercer les droits de la puissance paternelle, « de recueillir aucune succession, de transmettre à ce titre « les biens existans au décès, de faire aucune disposition à « cause de mort; de recevoir aucune donation même entrevifs, à moins qu'elle ne soit restreinte à des alimens ; » d'être tuteur ou de concourir à une tutelle; de rendre témoignage en justice, ni d'y ester autrement que dans le

"

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25. 1

« nom et à la diligence d'un curateur nommé par le mort civilemeut, ou à son défaut par le juge. »

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Art. 20. « Les héritiers du mort civilement seront saisis de

plein droit de ses biens et actions, à compter du jour où « la mort civile aura lieu. »

(Proces-verbal de la séance du 14 thermidor an IX. -2 août 180.)

M. BOULAY présente le chapitre Io1 de la nouvelle rédaction du titre concernant les personnes qui jouissent des droits civils et celles qui n'en jouissent pas.

Les articles 1 et 2 sont adoptés; ils sont ainsi conçus :

8 Art. 1er. « Tout Français jouit des droits civils résultant de « la loi française. »

9

10

Art. 2. « Tout individu né en France est Français. »

L'article 3 est soumis à la discussion; il est ainsi conçu : Tout enfant né d'un Français en pays étranger, est Français.

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Tout enfant né en pays étranger, d'un Français qui avait abdiqué sa patrie, peut toujours recouvrer la qualité de Français, en faisant la déclaration qu'il entend fixer son « domicile en France.

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« Cette déclaration doit être faite sur le registre de la com«mune où il vient s'établir. »

M. DEFERMON demande la suppression de la troisième disposition, laquelle, dit-il, est purement réglementaire.

M. BERLIER attaque la seconde : il observe qu'on ne tient la qualité de Français que de deux circonstances, ou de la naissance sur le sol de la République, ou de la naissance d'un père français; or, l'enfant né en pays étranger d'un père qui a abdiqué la France, n'a ni l'un ni l'autre de ces deux avantages. Ce que l'Assemblée constituante a fait en faveur des religionnaires fugitifs ne peut servir ici d'exemple; les pères ne s'étaient expatriés que forcément.

Il ne faut pas d'ailleurs perdre entièrement de vue les

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