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à Montmédy; afin que si la frontière de Luckner était attaquée du côté de Longwy, comme il le présumait, son armée se trouvât sur le flanc droit de la marche des ennemis, et fût à portée de secourir son collègue.

Il paraît que, si après la prise de Mayence, dont on était convenu depuis longtemps, le corps de Custine s'était rabattu vers Trèves et Longwy, si les commissaires de l'assemblée nationale et Dumouriez, n'avaient pas retenu en Flandre les troupes auxquelles Lafayette avait ordonné de le renforcer, et si les jacobins n'avaient pas arrêté la marche des réquisitions nationales faites par Lafayette et Luckner, celui-ci aurait eu des forces suffisantes pour occuper la position de Dumouriez en Champagne, et Lafayette aurait pu en même temps avoir un corps sur le flanc droit et en arrière des ennemis.

R. Après la retraite des Prussiens, les mêmes postes ont été repris, et pendant la guerre offensive des Autrichiens, en 95 et en 94, ces postes ont été occupés et défendus par la seconde division de l'armée des Ardennes, jusqu'à ce que la retraite de l'armée autrichienne rendit ces positions inutiles.

Le général de Witch en a commandé une partie en 93 et en 94.

La trouée de Carignan ne pouvait être mieux défendue que par le camp de Vau que Lafayette avait établi, et qui défendait le passage de la Chiers dans presque le seul endroit où cette rivière soit guéable.

Nous ne pouvons rien décider sur les mouvements qu'aurait pu faire l'armée de Luckner, n'ayant pas été à portée de connaître la position ni les forces de cette armée.

D. Sans doute les circonstances où Dumouriez se trouva, le forcèrent à réunir dans sa position tout ce

qu'il put rassembler, et il se conduisit avec fermeté, lorsqu'il la conserva, quoique tourné par le roi de Prusse ; mais il y a quelques points sur lesquels on souhaiterait des détails :

Quelles sont les dates des différents mouvements qui eurent lieu avant la retraite *?

Est-il vrai que, lorsque les alliés repassèrent devant Dumouriez sur sa droite, en lui prêtant le flanc d'une armée très-mal en ordre, et dont l'artillerie, la cavalerie et les équipages manquaient de chevaux, Dumouriez, s'abstenant de les attaquer, fit marcher Kellermann alors sur sa gauche, pour se porter contre eux ; et que, Kellermann étant arrivé trop tôt, il se détermina à le renvoyer pour faire marcher les troupes de la droite, qui auraient eu le temps de faire quelque chose, si Dumouriez ne les avait pas arrêtées?

R. Nous ne pouvons répondre à la première question d'une manière bien positive; mais les dates et les mouvements se trouvent dans les Mémoires de Dumouriez et c'est la partie de ses Mémoires la plus exacte.

Le général de With a perdu le journal qu'il avait fait de cette campagne; ainsi il ne peut donner de renseignements que de mémoire.

Il parut alors d'une manière évidente que l'intention de Dumouriez ne fut point de serrer de près les Prussiens dans leur retraite, car il fit marcher l'armée de Kellermann, la plus éloignée par sa position, et la fit revenir sitôt qu'elle fut à portée d'attaquer l'ennemi.

Si l'on avait voulu agir avec l'intention de tirer parti de la mauvaise situation des Prussiens, on aurait em

* La retraite des alliés après la bataille de Valmy (20 septembre 1792).

ployé de préférence les troupes des armées du nord et du centre pour poursuivre les Prussiens sur Vouziers et Grand-Pré, et non celles de Kellermann naturellement destinées à reprendre Verdun et Longwy.

Il nous a paru évident qu'on voulait donner aux Prussiens le temps de se retirer, puisqu'on a laissé l'armée plusieurs jours dans l'inaction; et quand on ordonna à une partie des troupes de l'armée du nord et de celle du centre de se mettre en mouvement, les Prussiens avaient une si grande avance, qu'il était impossible de les atteindre.

D. Quel jour et en quel endroit Kellermann dit-il au général de Witch qu'il ne comprenait rien à tout ce mystère?

R. Ce fut au camp de Hans, le lendemain du jour où les Prussiens l'avaient quitté. Ce camp fut occupé le même jour par le corps du général Dubouquet, dans lequel servait de Witch; là, celui-ci accosta Kellermann et Valence qui, à la tête des carabiniers, passèrent le camp pour poursuivre les Prussiens.

Deux jours après, le corps du général Dubouquet reçut ordre de marcher sur Vouziers où nous fûmes très-étonnés de rencontrer Kellermann et Valence qui revenaient de la poursuite des Prussiens.

D. Quel jour et dans quel village le colonel d'housards, commandant l'avant garde-française, fit-il dire au commandant de l'arrière-garde des ennemis, qu'il l'engageait à partir dans une heure, parce qu'il ne pouvait plus contenir les housards?

R. Ce fut le lendemain du jour que les Prussiens commencèrent à se retirer. Nous avons oublié le nom du village; mais le colonel d'housards de l'avant-garde française s'appelle Barbier.

D. N'était-il pas encore temps de poursuivre l'armée

prussienne, lorsque Dumouriez amena quarante mille hommes avec lui vers la Flandre?

R. Il n'y a pas de doute que si Dumouriez avait fait marcher toute l'armée à la poursuite des Prussiens, lorsqu'il donna l'ordre de s'en éloigner pour prendre la route de la Flandre, il eût fait une partie de l'armée prussienne prisonnière, pris toute leur artillerie et bagages qu'ils eurent beaucoup de peine à emmener, quoiqu'ils ne fussent inquiétés par personne dans leur marche. Aussi est-il évident que, dans l'arrangement, qui a toujours été secret, fait entre le roi de Prusse et Dumouriez, une des conditions était que les Prussiens ne seraient pas inquiétés dans leur retraite.

D. Si l'armée ennemie avait été assez délabrée pour permettre aux Français de prendre à revers les PaysBas, n'y aurait-il pas eu de l'avantage à couper la retraite du duc de Saxe-Teschen?

R. Pour décider cette question, il faudrait connaître quels mouvements pouvait faire l'armée du duc de SaxeTeschen; ma position particulière ne m'a permis de faire aucune observation à cet égard.

IV *.

SUR UN MÉMOIRE DE M. LALLY-TOLENDAL ET QUELQUES PIÈCES RELATIVES AU PROJET DE COMPIÈGNE **.

On a cherché à se prévaloir contre Lafayette d'un plaidoyer en sa faveur, attribué à M. de Lally-Tolendal. Nous savons, en effet, que parmi les témoignages d'un généreux intérêt, prodigués à Lafayette malheureux par M. de Lally, malgré la différence connue de leurs opinions, il y eut une lettre de celui-ci au roi de Prusse. On en a publié une qui ne se trouve qu'en France où elle a fait peu de sensation, parce qu'on y reconnut sans peine la malveillance des éditeurs dont l'un tenait à l'ancienne ambassade autrichienne de M. Mercy-d'Argenteau.

Elle a été imprimée à Paris en 1795, sur un manuscrit qui fut, dit-on, livré par un voyageur auquel il avait été confié. A cette étrange garantie d'exactitude, on ajoute que la publication a pour objet d'empêcher les républicains de s'attendrir sur le sort de Lafayette prisonnier. L'éditeur convient même que l'original présenté au roi de Prusse diffère de la copie qu'il donne au

* Voy. la pag. 98 de ce vol.

** Les observations suivantes du général Lafayette ont été écrites de 1797 à 1800, sur une brochure publiée à Paris en 1795, et intitulée : Mémoire de Lally-Tolendal au roi de Prusse, pour réclamer la liberté de Lafayette, suivi d'une lettre de LallyTolendal à Louis XVI; d'une réponse de Louis XVI; d'un plan concerté entre les généraux constitutionnels, pour faire retirer la cour à Compiègne, et de plusieurs pièces intéressantes, pour servir à l'histoire de la révolution. (51 pag. in-8°.)

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