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II *.

ORDRE DU GÉNÉRAL DE L'ARMÉE.

Au camp retranché de Maubeuge, le 26 juin 1792, l'an Iv de la liberté.

Le général de l'armée a reçu hier au soir et ce matin des adresses où les différents corps de toutes les armes expriment leur dévouement à la constitution, leur attachement pour lui, leur zèle à combattre les ennemis du dehors et les factieux du dedans.

Le général reconnaît dans ces démarches le patriotisme pur et inébranlable d'une armée qui, ayant juré de maintenir les principes de la déclaration des droits et de l'acte constitutionnel, est disposée à les défendre envers et contre tous. Il est profondément touché de l'amitié et de la confiance que les troupes lui témoignent, et sent combien les derniers désordres que des perturbateurs ont excités dans la capitale, doivent indigner tous les vrais amis de la liberté, tous ceux qui, dans le roi des Français, reconnaissent un pouvoir établi par la constitution et nécessaire à sa défense.

Mais en même temps que le général partage les sentiments de l'armée, il craindrait que les démarches collectives d'une force essentiellement obéissante, que les offres énergiques des troupes particulièrement destinées à la défense des frontières, ne fussent traîtreusement interprétées par nos ennemis cachés ou publics. Il suffit, quant à présent, à l'assemblée nationale, au roi, et à toutes les autorités constituées, d'être convaincus des

* Voy. la pag. 34 de ce vol.

sentiments constitutionnels des troupes; il doit suffire aux troupes de compter sur le patriotisme, sur la loyauté de leurs frères d'armes de la garde nationale parisienne qui saura triompher de tous les obstacles, de toutes les trahisons dont on l'environne.

Quelque soigneux que soit le général d'éviter pour l'armée jusqu'à la moindre apparence d'un reproche, il lui promet que dans toutes les démarches personnelles qui pourront contribuer au succès de notre cause et au maintien de la constitution, il bravera seul, avec constance et avec dévouement, toutes les calomnies comme tous les dangers.

ORDRE DU 26 AU SOIR.

Au camp retranché de Maubeuge, le 26 juin 1792, l'an 4 de la liberté.

Le général a cru devoir mettre des bornes à l'expression des sentiments de l'armée, qui ne sont qu'un témoignage de plus de son dévouement à la constitution, de son respect pour les autorités constituées, mais dont la manifestation collective ou trop vivement prononcée aurait pu donner des armes à la malveillance.

Mais plus le général d'armée a été sévère sur les principes qui conviennent à la force armée d'un peuple libre, et par conséquent soumis aux lois, plus il se croit personnellement obligé à dire, en sa qualité de citoyen, tout ce que les troupes sentent en commun avec lui.

C'est pour remplir ces devoirs envers la patrie, ses braves compagnons d'armes, et lui-même, qu'après

avoir pris, d'après ses conventions avec M. le maréchal Luckner, les mesures qui mettent l'armée à l'abri de toute atteinte, il va, dans une course rapide, exprimer à l'assemblée nationale et au roi les sentiments de tout bon Français, et demander en même temps qu'on pourvoie aux différents besoins des troupes.

Le général ordonne le maintien de la plus exacte discipline et espère à son retour ne recevoir que des comptes satisfaisants. M. d'Angest, maréchal de camp,

prendra le commandement.

Le général d'armée répète que son intention et son vœu sont de revenir sur-le-champ.

Le général d'armée, LAFAYETTE.

III *.

SUR LA VIE ET LES MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DUMOURIEZ

(A PARIS, CHEZ BAUDOUIN, 1822.)

**

« Le 12 juillet 1792, dit M. Dumouriez, le duc de Saxe>> Teschen avait pris le parti de venir envahir le terri>> toire français, et s'était campé à Bavay ***. » — Il y a plus que de l'inexactitude à qualifier d'invasion du territoire français un campement de l'ennemi sur l'extrême frontière.

* Voy. les pag. 91, 92, 93, 95, 162 de ce vol.

** Les notes du général Lafayette, que nous publions ici, ont été écrites sur un ouvrage dont le général Dumouriez lui-même est l'auteur.

*** Vie de Dumouriez, tom. 11, liv. v, chap. III, pag. 354.

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«En arrivant à Sedan, le 28 août 1792 au matin, il (M. Dumouriez) trouva le mal beaucoup plus grand » qu'on ne le lui avait dépeint. L'armée était partagé en » deux corps : l'avant-garde, de six mille hommes de >> troupes choisies, occupait sur la rive droite de la >> Meuse, et sur les hauteurs de Vau, un camp qui aurait exigé quarante mille hommes. Le corps d'armée, com» posé de dix-sept mille hommes, était campé à trois >> lieues en arrière sur les hauteurs qui dominent Sedan. » Ce camp ne vaut rien *. » Il en aurait peu coûté à M. Dumouriez de dire ce qu'il n'a pu ignorer, que cette disposition des troupes n'était point celle dans laquelle Lafayette les avait laissées en partant; mais qu'au lieu de les disperser et de les affaiblir, il avait réuni au corps d'armée l'avant-garde et la réserve qui en étaient séparées, et qu'il avait placé le tout ensemble dans le camp de Vau, qui, naturellement très-bon, et, quoi qu'en dise M. Dumouriez, très-susceptible d'être bien défendu avec vingt-cinq mille hommes, avait été encore très - renforcé par des ouvrages et des batteries. Un témoignage irrécusable des soins que l'on avait pris pour mettre cette position dans l'état le plus respectable, est consigné dans une lettre du colonel Lafitte, mort en 1793 ou 1794, à Bureaux de Pusy; ces deux officiers étaient en ce moment les deux seuls ingénieurs attachés à l'armée de Lafayette et se partageaient tous les travaux. On verrait par les précautions nombreuses dont il est fait mention dans la lettre du colonel Lafitte, que jusqu'aux 13 et 14 août, rien n'avait été négligé pour la défense du camp de Vau. « Certaine» ment si du 22 au 28 août, le duc de Brunswick avait

* Vie de Dumouriez, chap. v, pag. 382.

» poussé seulement un corps de dix mille hommes sur » Sedan, cette armée se serait dispersée dans les places » ou aurait fui jusqu'à Paris *. » M. Dumouriez ignore sans doute, que le commandant du poste autrichien qui arrêta Lafayette en donna sur-le-champ avis au général Clairfait, que celui-ci envoya reconnaître la position de l'armée française, et qu'il ne jugea pas à propos de courir les risques d'une attaque.

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Lafayette avait abandonné son camp, le 21 août » 1792, avec presque tous ses officiers généraux et son état-major; il ne restait de cette armée que trois ma>> réchaux de camp, Ligneville, Dangest et Dietmann. » Outre les généraux et l'état-major, presque tous les >> colonels et lieutenants-colonels étaient partis **. » — Lafayette partit le 19 et non pas le 21 août. A cette époque, il y avait à son armée deux lieutenants généraux et neuf maréchaux de camp. Des deux lieutenants généraux, l'un, Lastic, resta, et l'autre, Leveneur, qui s'était d'abord retiré dans l'intérieur, rejoignit l'armée quelque temps après. Trois maréchaux de camp, Dangest, Dietmann et Ligneville, restèrent; Lallemand quitta la France, et, forcé de passer par Luxembourg, un émigré y insulta la cocarde qu'il portait; il lui fit mettre l'épée à la main, fut blessé et après sa guérison se retira en Suisse. Duroure s'informa de la route qu'avait prise Lafayette et vint le rejoindre à Rochefort. Alexandre Lameth n'était point de ce corps d'armée. Employé au camp de Maubeuge sous La Noue, il avait cru, depuis le 10 août, devoir s'éloigner de cette ville où il avait remarqué de violents symptômes de révolte qui lui don

* Vie de Dumouriez, page 382.

** Vie de Dumouriez, tom. 11, liv. v, pag. 378.

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