Page images
PDF
EPUB

plaintes très-fondées sur nos chevaux de petolon. L'armée de M. le maréchal Luckner n'a pas encore été, comme nous, dans le cas de marcher dans l'incommode voisinage des troupes légères autrichiennes. Les chevaux sont détestables, les bâts cassent partout, et il est impossible qu'en manœuvrant près de l'ennemi nous ne laissions pas sur les chemins, et souvent à leur disposition, une partie de nos équipages. J'avais prévu cet inconvénient avant la guerre, et vous pouvez vous rappeler que j'avais fortement insisté pour l'usage des chariots qui passent partout où le canon passe....

Je dois en terminant vous répéter, Monsieur, que j'attends sur les différents articles de ma lettre des réponses précises, d'après lesquelles seules je puis me concerter définitivement avec M. le maréchal Luckner, et régler mes propres mouvements. Mon aide de camp prendra votre réponse et l'expédiera par un courrier. Ce n'est que du moment de son retour que peut dater pour moi ma responsabilité envers l'opinion publique. Agréez, Monsieur, l'assurance de mon sincère attachement.

A M. D'ABANCOURT.

Au camp de Moreton, ce 8 août 1792, l'an Iv de la liberté.

Il est bien loin de mes principes et de mon caractère, Monsieur, de former des plaintes et d'éviter des responsabilités; mais je dois cependant à la chose publique et

à moi-même de m'expliquer avec vous sur un point : Vous avez ôté à M. le marechal Luckner ses officiers généraux dont il a besoin, pour les mettre dans mon armée; vous employez avec moi M. Dumouriez, sur lequel tout le monde connaît mon opinion, que M. le maréchal Luckner a rejeté comme un homme insubordonné, et qui certainement sera encore moins soumis à mes ordres qu'aux siens ; vous conduisez, par une correspondance directe avec M. Arthur Dillon, toutes les dispositions relatives à la gauche de mon commandement depuis Dunkerque jusqu'à Maubeuge, et les ordres que je lui envoie sont souvent contredits par un ordre de vous.

Je ne réclame point, Monsieur, contre cet exercice de votre autorité que la constitution vous assure et à laquelle la proximité de la frontière du Nord vous invite; mais comme dans le métier de la guerre il ne peut y avoir qu'unité de commandement et certitude d'obéissance; que vous m'avez donné malgré moi un lieutenant général sur l'obéissance duquel je ne puis compter, et que celle des autres est nécessairement subordonnée aux hasards de la conformité ou des différences entre vos dispositions et les miennes, je ne demande pas mieux de continuer à écrire aux officiers généraux qui commandent de Dunkerque à Maubeuge; mais je n'accepte aucune responsabilité des événements qui pourront avoir lieu sur cette frontière, ni même des mesures qui pourraient agir sur la droite des Autrichiens qui perceraient par La Capelle. Je vous ai conjuré, Monsieur, de m'apprendre enfin quelle est la frontière que le roi confie à mes soins, quels sont les moyens qu'on doit me donner pour cette défense, quels sont les officiers généraux employés sous mes ordres, quelles sont les instructions ou quelle est la latitude qu'on me donne, quels mouve

ments je dois faire hors de cette frontière, si je les croyais utiles à l'armée de M. le maréchal Luckner. Vous sentez que, dans la position où je me trouve, j'ai besoin que tous ces objets soient éclaircis ; et pour bien m'expliquer avec vous, Monsieur, je ne refuse ni responsabilité, ni carte blanche, là où je commanderai tout à fait; mais je veux savoir où et qui je commande.

DE M. D'ABANCOURT

AU GÉNÉRAL LAFAYETTE, A MONTMÉDY.

Le 8 août 1792.

J'ai fait part au roi et à son conseil, Monsieur, des motifs qui vous ont porté à cantonner votre armée, et cette opération a paru fort sage après une marche pénible par des mauvais temps. Certain que l'ennemi ne pouvait arriver de quelques jours, rien de plus prudent que de laisser reposer des troupes qui montrent du courage et de la bonne volonté. Cependant cette mesure a donné de l'inquiétude à l'assemblée; on a parlé du mouvement que vous aviez fait faire à votre armée; j'ai démontré que ce n'était pas ce qu'on appelle un mouvement. Mais pourquoi cantonner quand l'ennemi est en présence? Autre erreur. Enfin je n'ai pu parvenir à calmer l'agitation qu'en cédant aux ordres que j'ai reçus du roi pour communiquer à la commission toutes les dépêches officielles qu'elle désire. J'ai lu moi-même votre dernière qui explique parfaitement votre conduite.......

A M. D'ABANCOURT,

MINISTRE DE LA GUERRE *.

Au camp retranché de Sedan, le 12 août 1792, l'aniv de la liberté.

J'apprends, Monsieur, qu'il y a eu de grands mouvements à Paris, et vous sentez que j'attends avec anxiété des nouvelles plus exactes que celles qui me sont par

[ocr errors]

* M. d'Abancourt fut remplacé après les événements du 10 août par M. Servan; mais en l'absence de celui-ci, qui se trouvait alors à l'armée, M. Clavière exerça les fonctions de ministre de la guerre par interim et répondit le 14 août, à cette lettre du général Lafayette écrite le 12: « Sans doute, Monsieur, les désordres de la capitale ont été suscités et payés par les puissances étrangères. La coïncidence du complot qui devait coûter la vie à une multitude de bons citoyens, avec les mouvements extérieurs dont vous parlez, semble prouver qu'elles s'attendaient à ces désordres. Heu>> reusement que les mesures des traîtres ont été déconcertées par la vigueur du peuple : il a de nouveau vaincu le despo»tisme qu'il croyait avoir terrassé en 1789.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

» MM. les commissaires auront instruit l'armée de cet » événement et je ne doute point qu'il n'ait encore augmenté l'ardeur des soldats de la liberté pour la défendre.

[ocr errors]

>> On n'a point appris, Monsieur, au bureau de la guerre,

» qu'aucune de vos réquisitions ait été arrêtée; cependant je fais passer celles que vous envoyez à M. d'Abancourt aux départemens de votre division. »

[ocr errors]
[merged small][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][merged small][ocr errors]
« PreviousContinue »