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plus de troupes qu'à l'empereur et au roi de Hongrie.

Il importe beaucoup, mon cher La Colombe, de faire régler les départements qui nous enverront des gardes nationales; ayez pour moi le plus de départements qu'il vous sera possible. La Bretagne et la Normandie, Paris surtout, doivent me fournir des bataillons de grenadiers. Si les deux armées pouvaient recevoir chacune trente ou quarante mille gardes nationaux pour trois mois, et si les habitants de la campagne opposaient de la résistance aux partis ennemis, le duc de Brunswick serait fort embarrassé pour envoyer son escorte à Paris. Il faut que le ministre requière directement les départements pour envoyer au maréchal et à moi leurs compagnies de grenadiers tout armées.

Je ne puis pas m'empêcher d'être un peu inquiet de voir les Suisses garder exclusivement des places importantes de Flandre. Songez qu'il ne faut qu'un ordre des cantons pour leur faire mettre bas les armes. J'ai toujours pensé que d'avoir leurs compagnies de grenadiers avec moi serait une manière de conserver des ôtages; parlez-en au ministre. Je pense qu'il vous serait facile d'arranger par M. d'Affry, en interpellant son amitié pour moi, que les deux compagnies de Salis à Rouen, les six compagnies qui sont en Flandre, et les quatre compagnies des gardes suisses, formassent un bataillon de grenadiers sous les ordres de M. de Maubourg. Un si petit détachement ne nuit pas à la garde du roi à Paris, et peut être extrêmement utile dans toutes les hypothèses.

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Vous savez que j'ai rendu à M. Luckner les cinq escadrons et les six bataillons qui me sont restés en Flandre; ainsi ma dette est payée à cet égard. Il est nécessaire, mon cher La Colombe, que vous m'envoyiez ici des compagnies de grenadiers de ligne. Je ne puis résister aux

ennemis que par des mouvements très-lestes et avec des troupes d'élite. J'aime mieux trois bataillons de grenadiers que six bataillons de ligne pour le genre de guerre que j'aurai à faire. On m'a dit que l'on avait détourné beaucoup de compagnies qui allaient en Flandre; faites-y attention, je vous prie.

Est-ce que Paris ne peut pas m'envoyer deux beaux bataillons de grenadiers composés de citoyens? On me dit que le bataillon des Filles-Saint-Thomas a envoyé ses grenadiers à Metz; il serait assez étrange que tandis que les levées de Paris doivent naturellement arriver à mon armée, le bataillon des Filles-Saint-Thomas donnât l'exemple de les envoyer dans une autre. Si la composition de ces bataillons n'est pas de la vraie garde nationale, j'aime autant qu'ils aillent ailleurs; mais s'ils sont bons et que ce soient des citoyens qui se donnent la peine d'y aller eux-mêmes, envoyez-lesmoi.

Je vous prie, mon cher La Colombe, de lire cette lettre en commun avec Dumas, à qui Laumoy a écrit dans le même sens. Je répète encore que si, pour ma responsabilité, il y a quelque avantage à n'aller que jusqu'à Givet et Rocroy, la chose publique demande que ma surveillance s'étende jusqu'à Sedan. Il peut y avoir des circonstances, à l'entrée du duc de Brunswick, qui exigent que les manœuvres de Sedan ne soient pas dirigées par un maladroit, et je ne vois pas d'ailleurs comment vous pourriez persuader au maréchal Luckner de prendre, outre le département de la Meuse, celui des Ardennes. Voilà, mon cher La Colombe, les premières idées qui me viennent; mais aussitôt que le courrier du ministre sera arrivé, j'en ferai partir un. J'ajouterai que l'attachement du département des Ardennes pour moi rendrait assez difficile l'établissement

d'un officier général autre que moi, et que Sedan particulièrement serait très-fâché d'avoir affaire à un

autre.

Ce que vous me mandez, mon cher La Colombe, pour les dispositions du roi, me fait plaisir; mais je vous déclare qu'en fait de liberté je ne me fie à lui ni à personne, et que s'il voulait trancher du souverain, je me battrais contre lui tout comme en 1789. Mais si, respectant la souveraineté nationale, il veut assurer dans ce pays-ci une constitution libre, jouer personnellement un rôle admirable, et éviter la perte morale et physique qui l'attend infailliblement au bout du rôle contre-révolutionnaire, alors nous pouvons parler et ce ne sera jamais que la déclaration des droits à la main..

Bonjour, mon cher La Colombe, je vous embrasse, ainsi que Dumas, de tout mon cœur.

A M. D'ABANCOURT,

MINISTRE DE LA GUERRE.

Au quartier général de Brouelle, ce 4 août 1792, l'an Iv de la liberté.

Vous m'avez écrit, Monsieur, le 26 juillet pour me reprocher de m'être avancé au delà de Givet, et particulièrement d'avoir marché jusqu'à Montmédy. Vous regardez la frontière de Dunkerque à Givet comme m'étant particulièrement confiée, et mes mouvements sur la droite de Givet comme laissant dans un danger

actuel et inquiétant la frontière du Nord; vous paraissez alarmé sur la position des ennemis à Bavay, et la situation de nos places qui, je l'avoue, ne m'a pas inquiété un instant parce que j'ai vu dans le mouvement sur Bavay une feinte, dans la position de nos places et la facilité d'y jeter une garnison, tous les motifs possibles d'être rassuré.

Une seconde lettre de vous, du 27 juillet, me témoigne les mêmes inquiétudes sur ce mouvement des ennemis à Bavay, et sur celui que j'ai fait vers Montmédy, dont l'ennemi a profité. Vous vous plaignez avec raison de la dissémination de nos forces sur la frontière du Nord, qui rend faibles toutes les parties.

Une troisième lettre du 30 juillet me parle encore des inquiétudes que donne l'établissement des ennemis dans la ville de Bavay, et celles de Maubeuge et d'Avesnes, inquiétudes avant lesquelles on aurait peut-être bien fait de s'informer si les ennemis avaient une seule pièce de canon de siége.

A ces différentes lettres, Monsieur, j'ai répondu, et le 27 juillet je vous ai rendu compte des motifs qui m'avaient porté à me rapprocher de la frontière menacée. Je savais que le duc de Saxe ne pouvait, avec ses moyens actuels, nous prendre nos places, ni occuper de ces positions dont un ennemi peut profiter pour la suite de la campagne, et je n'étais pas sûr, à beaucoup près, que le duc de Brunswick ne profitât pas de la situation de cette frontière-ci pour s'y procurer des avantages. Nous avons pensé d'ailleurs, M. le maréchal Luckner et moi, que puisque la force ennemie était sur le Rhin, j'aurais toujours le temps de revenir en Flandre. Dans cette dépêche, Monsieur, je vous présentais trois hypothèses la première bornait mon commandement de Dunkerque à Givet, et ma surveillance au passage

que l'ennemi peut tenter sur ces deux points; la seconde supposait que ma frontière s'étendrait jusqu'à Montmédy, ainsi que le désire M. le maréchal Luckner, ce qui, me mettant à portée de défendre les passages de la trouée de Carignan, me met hors de portée, comme vous pensez bien, de m'opposer aux entreprises directes des Pays-Bas. Je ne puis être ici qu'avec des forces considérables, car en y restant je dois m'attendre à combattre, et si les ennemis perçaient par la Flandre, je ne puis, ni abandonner ici les points dont je me serais chargé, ni arriver à temps avec un corps de troupes pour les empêcher de pénétrer. La troisième supposition était celle où, ma frontière ne s'étendant que jusqu'à Sedan, je conserverais dans ce camp retranché un corps de troupes toujours prêt à aider M. le maréchal Luckner, en tombant sur le flanc ou sur les communications d'une armée qu'il n'aurait pas pu empêcher de pénétrer entre Sedan et Longwy.

Telles étaient, Monsieur, les trois hypothèses sur lesquelles je vous demandais une réponse précise, et j'ajoutais à ces raisonnements le nombre des troupes vraiment sous les armes que je puis avoir dans cette partie-ci, en vous observant que M. Arthur Dillon vous avait fait connaître ses forces.

:

Vos deux lettres, celles du 1er août, ne répondent point à cette demande que j'ai pris la liberté de vous faire; savoir quelle est la frontière que le roi confie à ma surveillance, et quelle place se trouve à l'extrémité de ma droite ? C'est ensuite à moi qu'il appartient de combiner les moyens de défense pour cette frontière, et de me concerter avec M. le maréchal Luckner pour s'opposer aux entreprises des ennemis; mais avant tout j'ai besoin de savoir précisément jusqu'où mon commandement s'étend........

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