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» Mais il s'agit de la crise actuelle: elle est pressante, notre situation est délicate; et c'est pour cela même qu'un bon citoyen n'hésite pas à donner son avis.

» Je sais, Messieurs, que M. de Bouillé portera, dans l'exécution de vos décrets, son énergie, ses grands talents, et cette loyauté qui le caractérise; mais il vous demande, et votre comité vous propose un témoignage que vous ne pouvez trop vous hâter de lui don

ner.

» Je le réclame pour lui, pour les troupes obéissantes qui coucourront avec leur général à supprimer la rébellion. »

L'assemblée adopta dans cette séance le décret proposé dans le même sens par Barnave. La rébellion fut réprimée, et le général Bouillé reçut, sur la proposition de Mirabeau, les remerciments de l'assemblée *.

Plusieurs gardes nationaux et soldats de ligne

* L'insurrection de Nancy, provoquée par l'aristocratie des officiers, n'en était pas moins une rébellion très-dangereuse contre le gouvernement national et contre le décret de l'assemblée. Je contribuai beaucoup à faire donner au roi, et au général Bouillé, les moyens de la réprimer; je traitai les intérêts de M. de Bouillé avec les chefs jacobins d'alors; j'invitai les gardes nationales à se joindre à lui; je me joignis à Mirabeau, ou pour mieux dire, je lui inspirai sa motion pour faire remercier M. de Bouillé et ses troupes; en un mot, je servis avec zèle, non-seulement l'ordre public, mais le général, qui dans ses Mémoires regrette de n'avoir pas profité de ces avantages pour trahir la cause constitutionnelle. (Note du général Lafayette.)

ayant été tués dans cette lutte de l'ordre public contre l'anarchie, le maire de Paris vint, le 16 septembre, supplier l'assemblée nationale d'assister, au moins par députation, au service que la ville devait faire célébrer au champ de la fédération, en l'honneur de ces défenseurs de la loi. Nous ne rappellerions pas cette circonstance s'il ne s'agissait que du général, qui souhaita faire ainsi rendre hommage à l'ordre public; mais cette réunion respectable et nombreuse autour du trophée funèbre de ses défenseurs, nous paraît faire contraste avec les déclamations qui ont présenté les constitutionnels comme de continuels fauteurs d'insurrection.

Il n'y eut, dans le cours du commandement de Lafayette, qu'une maison dévastée à Paris ; c'était précisément celle de l'homme de l'émigration qu'il aimait et respectait le plus, le maréchal de Castries *. Un duel avait eu lieu entre deux députés **, dont l'un était le fils du maréchal; plusieurs défis avaient été faits et paraissaient combinés. Une de ces émeutes qui se formaient promptement et que la foule grossissait, se jeta, le 15 novembre, sur l'hôtel de Castries, et escalada le jardin. En une demi-heure tout fut brisé; rien ne fut volé. On annonçait la démolition et l'incendie; la garde nationale arriva à temps pour prévenir ces derniers

Voyez la page 241 du 3o volume.

** MM. Charles de Lameth et de Castries.

malheurs. Les destructeurs disparurent, la foule fut dissipée; mais un grand mal avait été fait ; il n'y eut d'épargné qu'un cabinet défendu par un grenadier national. Des exemples nombreux et récents, dans des pays où l'on n'était point en révolution, ne nous serviront point à excuser ce scandale. Un scandale plus grand encore, ce fut l'indulgence professée à l'égard de cette émeute, pendant que Lafayette achevait de la dissiper, par Mirabeau, auquel, malgré les provocations du côté droit, il est à regretter que des membres du côté gauche n'aient pas répondu avec une juste sévérité *.

*Madame de Staël a fait une observation très - juste sur l'affaire de l'hôtel de Castries, en disant qu'elle ne devait pas entrer en excuse de l'émigration, puisqu'elle ferait tirer une conclusion défavorable et non fondée sur les dangers que couraient à Paris des membres de l'assemblée constituante. Il est bien vrai que ce pillage ne fut point un mouvement populaire, mais un coup préparé par des Jacobins, amis de MM. de Lameth, et dont les chefs furent Cavallanti, Rotondo, et surtout Giles, qui, dès les premiers mois de la révolution, avait en part à beaucoup d'émeutes. On retrouve dans les Mémoires de M. Bertrand de Molleville ce même Giles, agent principal du comité appelé le sabbat, comme étant au service de la cour. Ce fut lui qui, après avoir fait briser les meubles, sauva le portrait du roi. Mirabeau tira grand parti de cette circonstance à la tribune. Mais l'objet sur lequel tout écrivain, et plus encore, tout écrivain patriote, est obligé de rendre justice publique au duc de Castries, c'est l'accusation de poison. On ne peut laisser passer cette calomnie populaire sans éclaircir le fait. M. de Castries pensait si peu à empoi

La discussion sur le jury, conduite par de profonds et éloquents jurisconsultes, se ressentait néanmoins encore des habitudes de l'ancienne école. Adrien Duport fut un des soutiens les plus éclairés des idées nouvelles. Lafayette n'admettait aucune modification, ni même aucune améliora– tion au système du jury américain et anglais en matières criminelles, qu'il réclamait dans toute sa pureté; et, en effet, on a vu depuis que, de changements en changements, cette belle institution a été en grande partie dénaturée. Nous trouvons, dans les débats législatifs du 18 janvier 1791, l'opinion suivante qu'il exprima sous la forme d'un amendement * :

sonner une épée, qu'il insista longtemps pour que le combat fût au pistolet, attendu que, M. de Lameth tirant infiniment mieux les armes que lui, les chances n'étaient pas égales entre eux. Mais M. Charles de Lameth ayant voulu obstinément se battre à l'épée, son adversaire eut le bonheur de lui faire une légère blessure qui piqua un nerf, d'où s'en suivirent dans le traitement quelques convulsions. Il n'en fallut pas davantage pour faire répandre cette sottise de l'épée empoisonnée. Assurément il serait fort injuste d'en accuser MM. de Lameth, et l'on sait que l'esprit de parti entraîne souvent les subalternes au delà des intentions des chefs. Le seul reproche fait à M. de Lameth qui soit malheureusement fondé, c'est lorsque MM. d'Ambly et Saint-Simon, témoins de M. de Castries, allèrent prier son adversaire de démentir publiquement une si atroce et ridicule imputation, celui-ci refusa en alléguant qu'une semblable déclaration déplairait au peuple. (Note du général Lafayette.)

* On délibérait sur l'article suivant du projet du comité :

« Les difficultés qui s'élèvent de toutes parts, et qui naissent des transactions qu'on a voulu faire entre des systèmes opposés, nous annoncent que de pareilles médiations ne conviennent pas à la vérité et à des législateurs. Vous avez voulu transplanter parmi nous cette belle institution à l'ombre de laquelle prospère depuis tant de siècles la liberté de l'Angleterre, et que l'Amérique a conservée dans la création de ses nouvelles lois : recevez-la donc dans toute la pureté de sa nature; ne la défigurez point, ne la perdez point en la mêlant aux ruines de la jurisprudence barbare que vous détruisez. Je demande la question préalable sur toutes les dispositions de tous les articles du projet de décret qui admettent quelque espèce d'écriture. » ̧.

Pendant les premières années de la révolution, l'aristocratie complota toujours, mais en général avec si peu de talents, que les complots ont souvent paru manquer de probabilité. Le 28 février 1791, on s'était flatté de mettre Paris en confusion en attirant le commandant de la garde nationale hors de la ville pour n'y plus rentrer. On essaya le moyen, si souvent employé depuis, d'exciter une émeute populaire sous prétexte de détruire la tour du donjon de Vincennes. Il est

« Les dépositions des témoins seront faites par écrit, et reçues, savoir devant les officiers de police pour ceux des témoins qui y seront produits; et devant le directeur du jury d'accusation pour les témoins qui, n'ayant pas comparu devant l'officier de police, seront amenés d'abord devant le jury d'accusation.

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