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venir l'appui *, et j'apprendrai toujours avec bien de la satisfaction qu'ils continuent à profiter de vos sages conseils et de vos grandes lumières en politique et en administration.

Je suis on ne peut pas plus reconnaissant de ce que vous avez bien voulu me mettre moi-même à portée d'en profiter, et vous m'obligerez sensiblement, en attendant que je puisse jouir du plaisir de vous voir à Paris, de me continuer votre correspondance, à laquelle j'attache un prix infini.

Pour éviter, monsieur le comte, toute méprise entre nous, je crois que nous devons, sur les points essentiels, ne nous en rapporter qu'à ce que nous écrivons, et cette réserve est d'autant plus utile que je n'en aurai aucune dans ma confiance en vous, et que je vous communiquerai tout ce qui pourra avoir rapport aux objets qui vous intéressent, en vous consultant, autant que le temps le permettra, sur toutes les démarches que je serai dans le cas de faire ou de conseiller.

Agréez l'hommage de ces sentiments, et de la haute considération avec laquelle j'ai l'honneur d'être, etc.

* Léopold II venait de succéder, depuis quinze jours, à l'empereur Joseph II. On sait qu'étant grand-duc de Toscane, il avait introduit dans ses États la réforme des lois pénales, l'amélioration du régime des prisons, la liberté du commerce, et détruit plusieurs priviléges.

AU GÉNÉRAL LAFAYETTE.

Rue Montmartre no 91, le 2 mai 1790.

Il est temps, mon cher marquis, de s'occuper à fond des affaires des Pays-Bas; je ne peux en traiter qu'avec vous. J'apprends que le roi de Prusse a proposé au roi de Hongrie de lui garantir les Pays-Bas, dans le cas d'une pacification générale. J'ai plusieurs choses à vous dire à cet égard.

Je vous répète que je n'ai jamais mérité aucun soupçon sur mes liaisons, que je n'en ai aucune avec ce qu'on nomme la faction d'Orléans, qu'on ne m'a fait aucune proposition de ce côté, que je n'ai aucune connaissance de ses projets; que, quant à lui, je ne l'ai vu en société de diner que l'hiver dernier, et pendant l'assemblée des notables; qu'alors il n'était question de rien qui pût faire prévoir ni préparer la révolution, et que depuis, ni de près ni de loin, je n'ai eu aucun commerce, ni direct ni indirect, ni avec lui, ni relativement à lui. Recevez-en mon serment, mon cher marquis, et gardez même ma signature comme gage de ma véracité et plus encore de mon tendre et sincère attachement.

DUMOURIEZ.

AU GÉNÉRAL LAFAYETTE.

Rue Montmartre no 91, le 13 mai 1790.

Vous pouvez compter sur moi, mon cher marquis; je vous en réitère ma parole d'honneur. Voici une note sur l'affaire des Pays-Bas. Je l'ai bien étudiée et elle me tient à cœur. C'est le point où je peux être le plus utile au roi, à la patrie et personnellement à vous. Il n'y a plus un moment à perdre, et je vous prie de déterminer tout de suite M. de Montmorin à me laisser partir. C'est avec vous que je conviendrai de tout ce que je traiterai; je me placerai sous votre direction, et je vous prouverai mon tendre attachement. J'irai vous voir demain matin entre huit et neuf heures. Faites-moi donner cette mission; vous aurez lieu d'être content, et vous aurez un ami fidèle.

J'ai interrompu ma lettre pour aller dîner chez le duc de Liancourt, à qui j'ai montré la note cijointe. Il en a pris copie et doit en conférer avec

vous.

Il craint que M. de Montmorin n'objecte que je suis trop marquant pour cette mission, et que je ne paraisse envoyé par la cour. Cette objection tombe d'elle-même : 1o parce que le même danger se trouve pour la publicité dans un agent plus su

balterne; 2o parce qu'on ne peut pas tirer la même utilité d'un agent qui n'aura ni les talents politiques et militaires, ni la considération d'un officier général qui s'est occupé à fond des affaires des Pays-Bas.

D'ailleurs, n'ayant point de correspondance directe avec le ministre, j'ai seulement l'air d'être votre homme de confiance, et il paraît tout simple que, dans votre position, vous soyez intéressé à connaître à fond tous les événements qui se passeront dans les provinces belgiques et à y entretenir l'influence que vous y avez déjà, influence essentielle au succès de la constitution française, à laquelle votre sort est entièrement attaché.

L'ouvrage que j'ai fait sur la révolution des PaysBas sera mon passe-port et l'annonce de ce que je peux faire pour l'utilité des Belges. Vous êtes persuadé comme moi, que les deux révolutions, quoique marchant en ordre inverse, ont trop d'analogie, pour que le sort bon ou mauvais des Flamands n'influe pas sur la nôtre. Nous étions convenus d'attendre M. Cornet de Grez; mais les événements sont si pressants, qu'il vaut mieux, si vous me faites donner cette mission, que j'aille le trouver, pour ne pas laisser aggraver les circonstances.

Je tiens beaucoup à cette commission, et autant pour vous que pour moi; nous en raisonnerons demain matin. Je vous aime autant que je vous estime, et c'est tout dire.

DUMOURIEZ.

LE CONGRÈS SOUVERAIN

DES ÉTATS BElges unis,

AU GÉNÉRAL LAFAYETTE.

Fait à Bruxelles, ce 3 juin 1790.

MONSIEUR LE MARQUIS,

L'état de prospérité et de revers dans lequel les provinces belgiques se trouvent successivement, vous est parfaitement connu; le comte de Thiennes, chargé de vous remettre cette lettre, pourra vous en détailler toutes les circonstances, et nous vous sollicitons de lui accorder, de même qu'à notre cause, toute l'étendue de votre attention; car nous serons libres, ou nous ne serons plus; et quels que soient les efforts des ennemis de notre liberté, principalement de la maison d'Autriche, nous ne manquerons pas de leur opposer tous les efforts d'une nation généreuse et qui, sous peu de temps, trouvera dans sa propre énergie, dans ses richesses, une force invincible. Nous serions bien satisfaits, Monsieur le marquis, si vous vouliez nous envoyer un officier de distinction qui eût toute votre confiance, et en qui le congrès pût justement

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