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avait parlé d'un démembrement de la Gueldre et du Limbourg : aujourd'hui, M. de Broukausen l'a nié fortement; mais il a eu la maladresse d'avouer que ces provinces ne pouvaient convenir au roi de Prusse, que sous le rapport de la possibilité de les échanger avec le duc de Meklembourg.

AU GÉNÉRAL LAFAYETTE.

(EXTRAIT D'UNE DÉPÊCHE DE M. De la sonde.)

Bruxelles, février 1790.

Les états de Flandre viennent de faire publier une de leurs résolutions, qui est que nul ne pourra rien faire imprimer sans que le manuscrit n'ait passé à la censure ecclésiastique et civile, sous les peines portées par les anciennes ordonnances. L'évêque de Gand défend par un mandement, non seulement de jouer la comédie pendant le carême, mais encore les bals et les mascarades pendant le carnaval prochain. Les états de Flandre ont applaudi à ce mandement et invité les autres provinces à en faire autant. Le duc d'Ursel vient de donner sa démission de président de la chancellerie de la guerre, par la raison, dit-on, qu'un général prussien va prendre le commandement en chef, tant de l'armée belgique que des auxiliaires

que la Prusse va fournir. Le parti démocratique vient de faire une requête pour demander aux états que le peuple ait une représentation; mais je crois que cet écrit ne produira aucune division parmi ceux qui se sont revêtus de la souveraineté des provinces. Les états resteront souverains, et le droit de représenter sera et restera toujours héréditaire.

Il est certain: 1° que les provinces belgiques ont député au congrès de Breda, pour tâcher d'entrer dans l'union; qu'avant l'époque de cette députation, on avait connu le projet d'introduire des troupes étrangères à Douai, et qu'on fera très-bien de veiller encore à la conservation de toutes nos places frontières; 2° que le projet d'introduire des troupes étrangères à Douai n'a paru tout à fait abandonné que depuis l'évacuation de celles qui étaient concentrées à Tournai et à Bruxelles; 3o que c'est d'après les remarques les plus exactes, relativement au même projet, et dans la vue d'assurer la révolution française, que des personnes éclairées ont pris la résolution de former provisoirement une république des provinces belgiques, à l'instar de certains cantons suisses; 4o que la formation provisoire de cette république aura lieu très-incessamment, d'après le projet de M. Cornet de Grez, et que c'est l'unique moyen d'éviter une guerre générale; 5o que l'assemblée nationale indiquée dans ledit projet, laisse une porte ouverte aux prétendants à la souveraineté, ou au stathoudérat

des Pays-Bas; qu'en conséquence, ils peuvent déjà travailler à s'y ménager des suffrages; 6° enfin, que la France étant soupçonnée d'avoir des vues sur cette souveraineté, elle ne saurait assez s'abstenir de manifester aucun vou, du moins dans le moment présent, mais qu'elle aura une influence décidée dans l'assemblée de la nation, si elle sait mettre à profit les heureuses dispositions de MM. Cornet de Grez et Vander-Noot.

J'ai l'honneur d'être, etc...

DU GÉNÉRAL LAFAYETTE

A M. DE SÉMONVILLE.

Paris, 8 février 1790.

Le retour de votre dernier courrier, mon cher Sémonville, vous annonçait celui de MM. Torfs et de la Sonde. Ils m'avaient fait des ouvertures trèsavantageuses, comme vous en jugerez par le projet ci-joint, et M. Torfs m'a souvent déclaré que si Vander-Noot n'en voulait pas, il se brouillerait avec lui.

Ce projet a l'approbation de MM. de Montmorin, Ternant, Lacoste, Ségur et moi. On lui a trouvé un peu trop de mes principes, et M. de Mercy, à

qui Montmorin l'a montré, sans lui en laisser la copie, a craint que l'empereur ne le trouvât trèsforcené; mais M. de Cobentzel, qui a tous les pouvoirs, et dont le crédit s'affermit à mesure que la santé de l'empereur chancelle, nous donnera. je pense, plus de facilité.

Ce qu'on désire ici, c'est de savoir quel succès aurait un plan de ce genre à Bruxelles. Il n'est pas douteux que la cause populaire et notre politique n'y gagnent beaucoup. Pourriez-vous faire germer ces idées? Pourrions - nous les faire proposer à M. de Cobentzel, soit par les Brabançons, soit par nous? et sur quoi pourrions-nous compter dans. les Pays-Bas? Voilà, mon cher Sémonville, ce que nous demandons à votre sagacité et à vos talents. M. de Montmorin voudrait entendre ce développement de votre bouche; je lui ai dit que, dans le cas où vous ne le pourriez pas, il n'y aurait qu'à vous envoyer Ternant pour quelques heures; il préfère vous voir, mais vous ferez ce que vous voudrez.

J'avais proposé d'envoyer à M. de Cobentzel, et, de Trèves, on aurait été vous rendre compte des dispositions. M. de Montmorin veut savoir d'abord sur quoi vous comptez, et votre réponse verbale ou par écrit à cette lettre, déterminera nos démarches.

Le rassemblement serait déjà ordonné si M. Necker ne chicanait sur l'argent. Je presse cet objet de tout mon pouvoir, et demande vingt-cinq mille

hommes en Flandre pour M. de Rochambeau, et un rassemblement en Alsace. Les princes de l'empire ont été fort ménagés, dans le rapport du comité féodal, dont tous les partis seront satisfaits *. Nous allons traiter doucement avec les titulaires ecclésiastiques.

Vous trouverez ici quelques discours et une lettre de moi aux gardes nationales avec qui je corresponds. — La démarche du roi a bien réussi, et ses dispositions sont excellentes **. Il va sortir dans Paris et j'espère l'engager à des voyages. Les partis existent toujours dans l'assemblée; mais leur conduite est beaucoup plus modérée.

Je vous annonçais Ternant; mais M. de Montmorin ne veut l'envoyer qu'après avoir reçu votre réponse à cette lettre, et peut-être le désir de causer avec vous y entre-t-il pour beaucoup. Ne faites sur cela que ce qui vous paraîtra utile.

MM. Torfs et de la Sonde parlent toujours des deux chefs de l'aristocratie; mais pourvu que l'arrangement fut fait, nous nous consolerions de ne pas en avoir l'obligation au grand pénitencier et

Le 8 février, conformément aux premiers décrets du 4 août 1789, un rapport du comité féodal fut lu à l'assemblée, sur les droits abolis avec ou sans indemnité, et fut suivi le 24 du même mois d'un décret qui donna lieu, plus tard, aux plaintes portées devant la diète de Ratisbonne par les princes de l'empire propriétaires en Alsace.

** Le roi et la reine avaient prêté le serment civique à la constitution, le 4 février.

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