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l'aristocratie belge essaya d'engager l'assemblée dans des mesures qui auraient pu entraîner la guerre. L'assemblée préféra laisser la négociation au roi.

A la séance du 18 mars, le président fit lire une lettre de M. de Montmorin, dans laquelle ce ministre apprenait à l'assemblée nationale que le roi avait reçu une lettre du congrès des États Belgiques, que Sa Majesté n'avait pas voulu ouvrir.

Le président parla ensuite de deux lettres remises à l'assemblée par les députés des États Belgiques.

Environ deux mois avant cette séance, le roi avait soumis aux délibérations de l'assemblée les propositions des citoyens du Brabant, auteurs de la révolution. Le 18, au moment où la discussion allait s'ouvrir relativement au parti qu'il convenait de prendre sur les lettres du congrès, Lafayette monta à la tribune pour proposer de laisser cette affaire à la discrétion du roi :

« Messieurs, dit-il, s'il n'est aucun ami de la liberté, il n'est aucun Français qui ne doive au peuple belgique des applaudissements et des vœux. Mais la question ac

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à nous journalistes, à nous efforcer de sauver au peuple › Français la tache que Lafayette lui a imprimée par le succès de la motion d'abandonner les Belges à la vengeance de » leurs tyrans. C'est son négociateur Sémonville qui, en prê» chant à Bruxelles prématurément la pure démocratie qu'il

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persécutait ici chez les jacobins, et aidé du crédit de la mai» son d'Aremberg, a affaibli les forces du congrès, en fourvoyant le respectable Vander-Meersch et les Vonkistes. »

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tuelle se réduit à deux points : l'adresse de la lettre et ses auteurs.

» Elle s'adresse à l'assemblée constituante de France, dont les éminentes fonctions sont étrangères à cet objet; elle est écrite par un congrès dont personne ne respecte plus que moi les membres, mais qui, d'après la constitution actuelle des États Belgiques, n'offre point encore les caractères qui émanent de la souveraineté du peuple. Je pense donc que, sous tous ces points de vue, nous devons renvoyer cette affaire au roi, bien sûrs que désormais tout despote, toute corporation ambitieuse, ne fera que hâter, en s'agitant, la révolution qui l'attend. Ce n'est pas le roi des Français, le restaurateur de notre liberté, qui nous égarera dans la conduite à tenir envers un peuple qui veut être libre et commence à connaître ses droits. >>

Voici la proposition de Lafayette :

« L'assemblée nationale, après la lecture d'une lettre de M. de Montmorin, par laquelle ce ministre annonce la défense à lui faite par le roi d'en ouvrir une écrite au nom des États Belgiques, ainsi que la situation intérieure des Pays-Bas, où le congrès des États actuels ne paraît pas avoir les caractères qui émanent de la souveraineté du peuple; pense qu'elle ne peut mieux faire que de s'en rapporter entièrement à la sagesse et aux sentiments connus du roi *. »

* Nous trouvons parmi les papiers du général Lafayette, la copie d'une lettre qui rend compte à M. Van Eupen, grand pénitencier et secrétaire du congrès belgique, des dispositions de l'assemblée en cette circonstance. Elle est écrite par M. de la Sonde que M. de Montmorin avait chargé de quelques in

SUR

L'INSURRECTION DE LA BELGIQUE *.

On trouvera ici des lettres des chefs de l'insurrection de Belgique, celles de MM. de Sémonville, Dumouriez, de la Sonde, employés par nous dans

structions diplomatiques pour les Pays-Bas : « (Paris, 18 » mars 1790.) Vous aurez vu sans doute que M. de Lafayette

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était monté à la tribune de l'assemblée nationale pour y >> provoquer un décret aussi modéré qu'il était possible, vu >> l'état actuel des choses dans les provinces belgiques. Il eût » été à désirer que vos agents ici n'eussent point encore insisté sur un objet dont vos dissensions avaient empêché la maturité; je vous en avais averti; sans doute vous n'avez » pas ajouté foi à mes paroles. Quoi qu'il en soit, je ne doute nullement que le décret proposé n'eût été accueilli avec plus d'intérêt, sans un misérable pamphlet dont vous trou» verez ci-joint un exemplaire. Je ne sais quel est l'incendiaire qui l'a envoyé chez vous, avec tant de profusion, et principalement à tous les membres de notre assemblée, le jour » même qu'elle était consultée sur ce qui vous regarde. Cet » écrit qui indigne généralement est attribué à un défenseur » du congrès dont on pouvait faire l'apologie sans attaquer, » comme l'auteur se l'est permis, l'assemblée nationale. »

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* Cette note du général Lafayette est en tête d'un dossier où il a réuni un grand nombre de lettres, instructions et documents diplomatiques, relatifs aux événements des Pays-Bas.

les Pays-Bas, des lettres du congrès, de ses députés en France, et de M. Cornet de Grez, conciliateur entre les partis y compris celui de l'empereur d'Autriche; il y a aussi des lettres de M. de Montmorin. Le résultat de la lecture de toutes les pièces réunies ici sera de rappeler de plus en plus à mes amis le but auquel je tendais, celui d'établir la liberté en Belgique avec le moins d'excès et de malheurs qu'il se pourrait, mais en faisant céder les prétentions du trône et des diverses aristocraties, au grand principe de la souveraineté nationale, à la vraie liberté du peuple belge. J'en ai dit un mot dans ma lettre à M. d'Hennings *.

Frédéric-Guillaume n'a pas été étranger à l'insurrection de la Belgique **. Le gouvernement français, le roi et ses ministres, voulaient, avant tout, éviter une rupture avec l'Autriche ; je cherchais à profiter de cette peur ministérielle, des embarras de la cour de Vienne et du besoin que l'aristocratie belge avait de la France, pour ramener tous les partis à un système national et représentatif; mais je ne me serais pas permis de contrarier à un certain point la politique du gouvernement français. On eût dit qu'il y avait, à cette

* Voy. la lettre à M. d'Hennings, (Witmold, 15 janvier 1799.) ** Voy. plus loin à la p. 31, la lettre du général Schlieffen, commandant des troupes prussiennes à Liége, au général Lafayette. (23 février 1790.) Le roi de Prusse permit au général prussien Schonfeld de commander les troupes brabançonnes.

époque, une espèce d'aillance entre l'Angleterre, la maison d'Orange, la Prusse et les jacobins. C'est alors que Camille Desmoulins écrivait, dans ses Révolutions de France et de Brabant, pour le congrès belgique. J'aurais voulu que les États eussent adopté le principe d'une assemblée vraiment nationale, pour faire une constitution à la française. Peu m'importait alors que ce fut un prince autrichien qu'on mit à la tête de ce gouvernement. Mais l'aristocratie et le clergé voulaient conserver leurs priviléges et leurs antiques états. Je fis ce que je pus pour concilier ensemble les hommes influents du parti aristocratique et du parti populaire; les premiers ne voulurent pas se nationaliser; les autres diminuèrent de zèle à mesure qu'ils virent qu'on ne travaillait pas pour le peuple. Le gouvernement français ne voulait pas risquer la guerre pour cette querelle, et n'avait pas tort; il en était de même des autres puissances; la cour de Vienne en profitait.

Pendant cette époque, M. de Sémonville * fut envoyé, sans caractère public, à Bruxelles, et on eut lieu d'être content de lui. Après son retour, on envoya Dumouriez. Celui-ci s'enfila dans un projet avec les chefs aristocratiques, où il ne s'était pas oublié lui-même, et Montmorin, qui en fut mécon

Le comte de Sémonville, ambassadeur auprès de la Porte Ottomane en 1793, puis en Hollande après le 18 brumaire, grand référendaire de la chambre des pairs depuis 1814.

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