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Nous nous sommes bornés à cet extrait du procès-verbal de la fédération des Français, signé chaque jour par le président et les secrétaires. Les journaux et mémoires du temps donnent plus de détails sur les fêtes de cette grande époque, et sur l'immense popularité dont Lafayette reçut d'unanimes et éclatants témoignages.

Le 20 juillet, après avoir été chargé d'exprimer à M. Bailly et à MM. les électeurs les remerciments des députés de la fédération, il ferma la séance de cette réunion par un dernier discours :

<< Au moment où nous allons nous quitter, je ne vous entretiendrai ni de ma profonde et éternelle reconnaissance, ni de mon dévouement pour la cause du peuple et le maintien de ses droits, auxquels ma vie a été consacrée. Sûr de votre confiance comme vous l'êtes de mes sentiments, je ne vous parlerai que de nos devoirs.

» Il faut, Messieurs, nous dire ce dernier mot de frères qui se séparent, mais qui, séparés, doivent agir uniformément; qui, solidaires d'obligations comme de gloire, sont liés par un même sentiment, dont la plus légère infraction serait douloureusement sentie d'un bout à l'autre de cette grande famille.

» Que l'amour de la liberté, Messieurs, soit notre guide, Ce mot dit tout amour de l'ordre, respect des lois, des mœurs; avec lui la propriété est inviolable; la vie de l'innocent est sacrée; il n'est de coupable que devant la loi; par lui tout est garanti, tout prospère. Ne l'oublions pas, Messieurs, la liberté, sévère dans ses principes, craint la licence autant que la tyrannie, et

la conquérir, la conserver surtout, est moins encore le prix du courage que le triomphe de la vertu.

» Que l'unité de l'État soit notre but. Le temps n'est plus où la liberté était condamnée à d'étroites limites; et depuis que les constitutions représentatives lui ont permis de s'étendre, elle ne s'établit pas mieux dans des républiques bornées que dans de vastes États, ayant pour chef un roi citoyen.

» Mais dans ces États l'homme libre a plus besoin qu'ailleurs de cette obéissance à la loi qui en assure l'exécution, et de cette constante haine du despotisme qui l'en garantisse à jamais.

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L'égalité, Messieurs, n'est point blessée par ces autorités que l'utilité publique nécessite, et que la constitution a établies; mais elle l'est par la plus légère prétention qui sort du cercle tracé par la loi. Que l'ambitieux n'ait pas de prise sur vous; aimez les amis du peuple; mais réservez l'aveugle soumission pour la loi, et l'enthousiasme pour la liberté. Pardonnez ce conseil, Messieurs; vous m'en avez donné le droit glorieux, lorsque, réunissant tous les genres de faveur qu'un de vos frères puisse recevoir de vous, mon cœur, dans sa délicieuse émotion, n'a pu se défendre d'un mouvement d'effroi.

» Je n'ajouterai qu'un mot, Messieurs. La confiance et la plus tendre fraternité ont réuni nos drapeaux; dans nos assemblées, nous avons écarté jusqu'au moindre soupçon d'une influence de la force armée sur la volonté publique; nous avons juré à l'Assemblée nationale ce respect pour ses décrets, sans lequel l'État serait perdu; nous avons présenté de purs hommages au meilleur des rois ; nous nous sommes montrés vraiment libres dans ces jours où des multitudes assemblées ont conservé cette modération que donne au peuple la con

science de sa dignité... Séparons-nous avec le doux sentiment que ces beaux jours ont versé dans le cœur des bons Français, et n'oublions pas que c'est à la justice et à l'ordre à finir la révolution qu'un généreux effort a commencée. »

DE LA BELGIQUE *.

XIV

Une révolution avait éclaté dans le Brabant; elle était essentiellement ecclésiastique et nobiliaire; néanmoins un parti populaire s'y formait **. L'An

* Le récit qui va suivre était placé dans la Collection des discours, à la date du mois de mars 1790; mais pour présenter les événements dans leur ensemble, nous l'avons réuni à la correspondance et aux divers documents que nous possédons. L'insurrection dont il s'agit, s'étant d'ailleurs prolongée pendant un an environ, un semblable classement ne nous a point paru contraire à l'ordre chronologique.

**Un manifeste du 24 octobre 1789, signé Vander-Noot, agent plénipotentiaire du peuple brabançon, contient les mo. tifs de cette révolution. On y déclare que Joseph II a violé l'art. 3 et l'art. 5 de son pacte, dit la Joyeuse entrée, en démolissant les fortifications sans le consentement des états; l'art. 58, en supprimant arbitrairement, malgré la réclamation itérative des états, plusieurs monastères, des confréries, et disposant des biens ecclésiastiques; on y reproche à l'empereur d'avoir supprimé le comité député des états en établissant des intendances, et d'avoir ainsi aboli les corps religieux et civils contre le vœu de son peuple; on rappelle encore dans ce manifeste, que tous les gouverneurs et capitaines ont prêté leur concours aux actes despotiques du gouverneur Trautmannsdorff, qui, le 22 janvier 1788, ne donna que quatre

gleterre, la Hollande, les jacobins français encourageaient cette première direction *. Lafayette et ses amis auraient voulu une révolution plus favorable aux principes démocratiques. Pendant ce temps,

heures au conseil pour enregistrer un édit; qu'après diverses résistances qui firent couler le sang des citoyens, une ordonnance de l'empereur avait anéanti le conseil lui-même et tous les priviléges de la province. En conséquence, Joseph II, duc de Brabant, est déclaré déchu de la souveraineté.

La ville de Gand tomba, en novembre 1789, au pouvoir des insurgés. Bruges, Ostende, Mons, Anvers et les autres villes, suivirent ce mouvement. Un mois après, le général d'Alton, commandant des troupes autrichiennes, fut chassé de Bruxelles. Le 19 décembre, les états du Brabant s'assemblèrent pour la première fois, et donnèrent ensuite leur adhésion à l'acte d'union de la province de Flandre. M. Vander-Noot, avocat et ministre, soutenait avec M. Van-Eupen, grand pénitentier de l'église d'Anvers, le parti des états opposé aux innovations dans les anciennes formes du gouvernement. M. Vonk et le général Vander-Meersch étaient à la tête d'un autre parti qui réclamait des changements conformes aux principes de l'assemblée constituante de France. On arrêta M. Vander-Meersch, et ses amis politiques furent poursuivis. Au milieu de ces divisions, Léopold II, successeur de Joseph II mort le 20 février 1790, envahit la Belgique avec une armée de quarante mille hommes, après avoir obtenu par la convention de Reichenbach l'assentiment des cabinets de Londres, de Berlin et de La Haye, qui lui garantissaient la souveraineté des provinces belgiques. Les Brabançons furent défaits, et l'armée autrichienne fit sa rentrée dans Bruxelles au commencement de décembre 1790.

*

Voy. dans le t. v, p. 523 des Révolutions de France et de Brabant, par Camille Desmoulins, le passage suivant : « C'est

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