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« SIRE,

» Dans le cours de ces événements mémorables qui nous ont rendu des droits imprescriptibles; lorsque l'énergie du peuple et les vertus du roi ont présenté aux nations et à leurs chefs de si grands exemples, nous aimons à révérer en Votre Majesté le plus beau de tous les titres, celui de chef des Français et de roi d'un peuple libre.

>> Jouissez, Sire, du prix de vos vertus; que ces purs hommages, que ne pourrait commander le despotisme, soient la gloire et la récompense d'un roi citoyen!

» Vous avez voulu que nous eussions une constitution fondée sur la liberté et l'ordre public. Tous vos vœux, Sire, seront remplis ; la liberté nous est assurée; notre zèle nous garantit l'ordre public.

» Les gardes nationales de France jurent à Votre Majesté une obéissance qui ne connaîtra de bornes que la loi, un amour qui n'aura de terme que celui de notre vie. »

» La réponse du roi fut noble et touchante :

<< Redites à vos concitoyens, disait-il, que j'aurais voulu leur parler à tous comme je vous parle ici, redites-leur que leur roi est leur père, leur frère, leur ami; qu'il ne peut être heureux que de leur bonheur, grand que de leur gloire, puissant que de leur liberté, riche que de leur prospérité, souffrant que de leurs maux; faites surtout entendre les paroles ou plutôt les sentiments de mon cœur dans les humbles chaumières, et dans les réduits des infortunés; dites-leur que si je ne puis me transporter avec vous dans leurs asiles, je veux y être par mes affections et par les lois protectrices du

faible; veiller pour eux, vivre pour eux, mourir, s'il le faut, pour eux....... »

(14 juillet.) « Ce jour ayant été indiqué pour la solennité du pacte fédératif des quatre-vingttrois départements, les troupes de lignes, de la marine et autres corps, se sont réunies au lieu indiqué. La marche a été exécutée ainsi qu'elle avait été prescrite par la proclamation et les ordres du major général.

» Chaque département, précédé de sa bannière, a été prendre sa place; les troupes de ligne se sont également rangées autour de l'autel de la patrie, qui était au milieu du Champ-de-Mars, et en face de l'assemblée nationale.

>> Des détachements de chaque département, un détachement des troupes de ligne ont porté les bannières et l'oriflamme * sur l'autel de la patrie; elles ont été bénies, et la messe a été célébrée par M. l'évêque d'Autun, au son de dix-huit cents instruments.

» La messe étant finie, M. de Lafayette, en sa qualité de major général de la confédération, s'est

« L'oriflamme n'est ni une bannière religieuse ni une bannière militaire. La commune de Paris a annoncé son intention de vous en faire hommage. L'inscription qu'elle y a placée: Confédération nationale, 14 juillet 1790, consacre ce vœu de plus en plus. (Discours de M. Chapelier.) On décréta que l'oriflamme serait suspendue à la voûte de l'assemblée nationale.

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avancé près du roi pour prendre ses ordres; et montant ensuite sur l'autel de la patrie, il y a placé son épée, et a prononcé le serment suivant :

» Nous jurons d'être à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi; de maintenir de tout notre pouvoir la constitution décrétée par l'assemblée nationale, et acceptée par le roi; de protéger, conformément aux lois, la sûreté des personnes et des propriétés; la circulation des grains et subsistances dans l'intérieur du royaume, la perception des contributions publiques, sous quelques formes qu'elles existent; de demeurer unis à tous les Français par les liens indissolubles de la fraternité.

» Au même instant tous les bras se sont élevés, et toutes les voix ont crié : Je le jure. Ce serment, que chacun a répété plusieurs fois, a été suivi de salves d'artillerie, et des cris de Vive l'assemblée nationale! Vive le roi!

» Le 16 juillet, les députés s'étant réunis avant l'arrivée du président, ont unanimement voté une adresse à M. de Lafayette, en chargeant le bureau de la rédiger; et le 17, réunis de nouveau sous la présidence du doyen d'âge, ils ont unanimement agréé l'adresse suivante, et l'assemblée s'étant transportée de suite chez M. de Lafayette, le doyen d'âge a dit :

« MONSIEUR,

» Celui qui, dans le moment où l'assemblée constituante de France était menacée des vengeances du des

potisme, osa parler des droits de l'homme en homme libre; celui qui avait coopéré d'une manière si glorieuse à la révolution du nouveau monde, devait sans doute se vouer à celle que viennent d'opérer ses concitoyens, et se montrer, à leurs yeux, l'ami et le défenseur de la liberté.

» Mais plus vous faites pour la cause publique, moins vous voulez recevoir de récompense : vous avez refusé les hommages que vous préparaient des cœurs citoyens et reconnaissants; vous vous êtes soustrait à nos empressements, à nos éloges, et vous nous avez prouvé que le grand homme croit n'avoir jamais assez fait pour sa patrie.

» Les députés des gardes nationales de France se retireront avec le regret de ne pouvoir vous nommer leur chef; ils respecteront la loi constitutionnelle qui arrête en ce moment l'impulsion de leurs cœurs; et ce qui doit vous couvrir à jamais de gloire, c'est que vous-même avez provoqué cette loi; c'est que vous-même avez prescrit des bornes à notre reconnaissance.

» Mais si vous ne pouvez être notre chef, vous serez toujours notre ami, notre guide, notre modèle. Accoutumés à voir en vous l'homme qui a tant contribué aux succès de la révolution française, nous n'oublierons jamais les grands exemples que vous nous avez donnés. S'il était possible qu'on tentât d'abuser, un jour, de notre amour pour la liberté ; s'il était possible que cet amour, si pur dans son principe, donnât quelque espoir aux partisans de la licence; rassurez-vous; des millions d'hommes sont prêts à partager vos dangers.

>> Représentant de la nation, soyez, Monsieur, auprès de l'Assemblée constituante, le garant de notre zèle à exécuter ses décrets.

» Commandant général de la garde nationale pari

sienne, de ces soldats citoyens avec lesquels nous venons de nous unir, soyez auprès d'eux le garant de l'inviolabilité de nos serments; devenez, auprès d'un roi qui ne veut régner que sur un peuple libre, l'interprète de notre amour et de notre fidélité; regardez enfin les acclamations du sentiment et de la joie que votre présence a excitées parmi nous comme autant d'hommages rendus à celui que la patrie régénérée met à la tête de ses défenseurs. »

«La réponse de M. de Lafayette, faite de premier mouvement, a été recueillie ainsi qu'il suit :

« L'émotion que j'éprouve en ce moment, Messieurs, ne me permet pas de trouver d'expression qui réponde à ma reconnaissance. Je vous ai souvent rappelé que les gardes nationales de France, réunies ici par leurs députés, ne devaient présenter d'adresse qu'à l'Assemblée nationale et au roi; jugez si je puis donner mon assentiment à l'exception si honorable et si touchante que vous daignez faire en ma faveur. Non, Messieurs, permettez-moi de la regarder comme un témoignage d'amitié que vous donnez à vos frères d'armes parisiens, en la personne de leur commandant. Quant à moi, j'ai concouru, avec eux et vous, à notre heureuse révolution; j'ai proclamé, sur l'autel de la liberté, le serment qui unit à jamais tous ses soldats; j'ai été comblé de vos bontés; il ne me reste plus qu'à souhaiter ardemment ce jour, sans doute prochain, qui, terminant nos travaux constitutionnels, me laissera tout entier à des souvenirs bien doux, puisqu'ils me rappelleront sans cesse mes obligations envers vous, mon respect et mon éternel dévouement. »

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