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TYPOGRAPHIE DE FIRMIN DIDOT FRERES,

RUE JACOB, No 56.

DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE.

PAR

M. PH. LE BAS,

MEMBRE DE L'INSTITUT (ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES),
MAITRE DE CONFÉRENCES A L'ÉCOLE NORMALE, ETC.

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GIFT OF

CHARLES A KOFOID

OU

HISTOIRE ET DESCRIPTION

DE TOUS LES PEUPLES,

DE LEURS RELIGIONS, MOEURS, INDUSTRIE (COSTUMES, ETC.

DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE

DE L'HISTOIRE DE FRANCE,

PAR M. PH. LE BAS,
MEMBRE DE L'INSTITUT.

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BAALON (affaire de). — Au moment où les Autrichiens, les Hessois et les Prussiens pénétrèrent dans la Champagne au mois d'août 1792, le général Arthur Dillon commandait l'avantgarde de l'armée de Dumouriez. Instruit que les Autrichiens occupaient le village de Baalon, en avant de Stenay, il crut pouvoir en imposer à l'ennemi, et l'empêcher d'attaquer cette ville, en s'emparant de la forte position de la Neuville, qui n'en était éloignée que d'une lieue. Les tirailleurs autrichiens vinrent bientôt inquiéter les Français dans ce poste. Dillon fit soutenir les siens par deux régiments de chasseurs; mais, ensuite, craignant d'être écrasé par une armée entière, il se retira en deca de Stenay, dans la prairie de la Neuville. De la il vit prendre cette ville, dont la position, dominée de toutes parts, ne laissait possible aucune défense. Après avoir essuyé sans perte une canonnade assez vive, Dillon vit sortir de Stenay une colonne de cavalerie autrichienne et plusieurs escadrons qui cherchaient à le tourner. La partie n'étant pas égale, il fit un mou

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vement rétrograde, mais le douzième régiment de dragons culbuta un escadron autrichien; cinquante ennemis restèrent sur le champ de bataille dans cette escarmouche peu importante en elle-même sans doute, mais intéressante à l'ouverture d'une campagne où il fallait prouver aux étrangers que les Français n'avaient rien perdu de leur antique valeur, et à la France, que les armées répandraient jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour la préserver d'une invasion.

BABEUF (François Noël), né à SaintQuentin en 1764, après avoir rempli plusieurs fonctions dans l'administration de la république et avoir été souvent incarcéré par les différents partis qui se succédèrent au pouvoir, fonda un journal qu'il appela le Tribun du peuple, ou le Défenseur de la liberté de la presse, et inscrivit en tête cette maxime de Jean-Jacques Rousseau : « Le but de la société est le bonheur commun. » Babeuf, sous le nom de Caius Gracchus, développa dans cette feuille les conséquences de l'égalité absolue. Après avoir réuni autour de lui

T. II. 1 Livraison. (DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE, ETC.) 1

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un certain nombre de partisans, il songea à imposer à la France sa république des Égaux. Un comité secret s'était constitué pour faciliter les préparatifs de l'insurrection, et douze commissaires centraux d'arrondissement le mettaient en rapport avec les sections, toutes distinctes et inconnues les unes aux autres. En même temps, d'autres commissaires cherchaient à gagner des régiments en garnison dans la capitale et aux environs; on avait aussi agi dans les départements et l'on se flattait de pouvoir y former une armée insurrectionnelle capable de s'opposer à l'armée du Directoire.

Un comité, rival de celui de Babeuf, se préparait de son côté à attaquer le gouvernement; il était composé des députés que le 9 thermidor avait fait proscrire. Pour ces derniers, après le renversement du Directoire, il s'agissait uniquement de proclamer la constitution de 93 et d'en exiger l'exécution. Les deux comités, après s'être fait de mutuelles concessions, sur lesquelles chacun espérait revenir, s'allièrent pour hâter le moment du combat. Les espérances des conjurés reposaient sur un prétendu effectif de seize mille hommes, qui devaient commencer l'attaque; on espérait qu'aux premiers coups de fusil un bon nombre d'ouvriers se joindrait aux insurgés; de plus, l'artillerie de Vincennes, les invalides, la légion de police, les grenadiers du corps législatif paraissaient bien disposés. Les sections des douze arrondissements, divisées en trois corps, devaient se porter simultanément sur le Corps législatif, sur le Directoire et sur l'état major; des divisions spéciales avaient ordre de marcher à la même heure sur les postes des barrières, et sur les dépôts d'armes disséminés dans Paris. Ce projet semblait offrir beaucoup de chances de succès; mais les conjurés avaient été trahis par Grisel, leur agent au camp de Grenelle; Barras, afin de mieux connaître les détails de la conspiration, avait offert, le 9 mai, au directoire secret des conjurés de se joindre à lui. Le 10, les chefs délibéraient sur le jour du combat, lorsque

la police les arrêta, tandis que, d'un autre côté, Babeuf, qui préparait les manifestes de l'émeute, était enlevé de son domicile. Les conspirateurs furent traduits, avec d'autres patriotes compromis par eux, à Vendôme, devant la haute cour de justice composée de jurés nommés par les assemblées électorales des départements, parce que Drouet, l'un des soixante-cinq accusés, était député. L'acte d'accusation renfermait les plus grossières calomnies. Babeuf répondit noblement: i chercha à attirer sur lui toute la responsabilité. A chaque instant la défense était entravée; on lui interdit toute énonciation de principes: mais plus d'une fois les applaudissements du public vinrent récompenser son éloquence et son courage. Les débats durèrent trois mois, et, le 5 prairial an v, le jury condamna à mort Babeuf et Darthé, et sept autres, parmi lesquels se trouvait le vertueux Buonarotti (voyez ce nom), à la déportation. Les cinquante-six autres accusés furent acquittés. Babeuf et Darthé se frappèrent de plusieurs coups de poignard, sans pouvoir échapper à l'échafaud sur lequel on les porta sanglants et demi-morts.

Il nous reste à examiner rapidement la théorie de Babeuf, parce que dans ces derniers temps des esprits égarés ont cherché à la faire revivre. Suivant lui, les hommes naissant dans les mêmes conditions naturelles, doivent aussi vivre dans les mêmes conditions de jouissances et de souffrances le moyen pour arriver à cette parité complète, c'est la consécration de l'égalité, et par conséquent l'abolition de toutes les inégalités qui séparent les hommes. Par ce système, le mal disparaîtrait de la terre, la béatitude devrait l'y remplacer. Ces idées généreuses, où l'on doit voir l'expression d'une intime sympathie pour ceux qui soutfrent, sont cependant aussi contraires à la nature humaine que l'idée contradictoire qui réserve toutes les jouissances pour un petit nombre d'individus. Elles n'offrent rien de supérieur aux idées des moines du moyen âge, qui vivaient en

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