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font arrivés, ou qui en ont été les te moins oculaires, l'hiftorien fait parler le plus fouvent les navigateurs qui ont fait les découvertes dont il écrit l'hiftoire. C'est par cette raifon qu'il a rapporté dans les propres termes de M. Wallis plufieurs détails intéreffans concernant l'île d'O tahiti. Ce navigateur Anglois eft le premier qui ait découvert cette île, devenue depuis un objet de la plus grande curiofité par la belle defcription qu'on en trouve dans le voyage autour du Monde de M. de Bougainville, qui a relâché sur cette terre où il a paffé neuf jours, & plus particuliérement encore par la relation de M. Cook, qui, dans le voyage le plus extraordinaire qu'on ait entrepris, a demeuré trois mois dans cette île, pour y attendre le paffage de Vénus fur le difque du foleil, vivant dans la plus parfaite intimité avec les Naturels. Les lumieres qu'il a publies fur ce beau pays & fes habitans ne laiffent rien à defircr, & M. F. en a habilement profité pour rédiger fon hiftoire.

Comme il a été fouvent queftion dans les Journaux, de l'île d'Otahiti, nous nous bornerons ici à quelques remarques für les Nations antropophages de l'Améri que. Quelques Sceptiques fe font perdus

en de vains raifonnemens pour révoquer en doute la véracité des voyageurs qui, dans leurs relations, ont avancé qu'il y avoit des peuples antropophages fur plu fieurs côtes de l'Afrique & de l'Améri que; mais ce fait eft aujourd'hui trop bien éclairci pour pouvoir être rendu douteux par les objections de quelques écrivains qui ne font peut-être jamais fortis de leur ville. Lorfque les navigateurs Anglois aborderent dans la Nouvelle Zélande, en 1769, ils trouverent un peuple qui avoit beaucoup de douceur & d'aménité dans le caractere. Ces Infulaires entre eux font tendres, affectueux, vivent dans une bon ne intelligence & une étroite union; mais ils font cruels, implacables à l'égard de leurs ennemis à qui ils ôtent impitova blement la vie pour les dévorer. Les Zélandois informerent les navigateurs que cinq à fix jours avant leur arrivée, une pirogue d'un diftrict ennemi s'étoit montrée dans leur baie; qu'ils avoient attaqué ceux qui étoient à bord, & en avoient tué fept qu'ils avoient mis à la broche. Ils penfent avoir un droit incontestable fur les ennemis qu'ils ont tués dans un combat; & ils ne croient pas devoir les laiffer dévorer par les corbeaux, fur lefquels ils

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prétendent la préférence. Il eft du moins certain qu'ils n'imaginent pas qu'il y ait quelque infamie dans cet ufage: loin d'en rougir, ils en parloient aux navigateurs comme d'une coutume que la raison & le droit autorifent. Un indien qui étoit dans la compagnie des navigateurs ayant demandé à un Zélandois fort âgé:,, Quand ,, vous mangez un homme, que faitesvous de la tête? La mangez-vous?-Nous n'en mangeons que la cervelle répliqua le vieillard; c'eft un mets délicieux; fi vous étiez curieux d'en goûter, dites-le moi; dès demain je veux vous ,, en régaler."Le vieillard informa encore l'Indien qu'ils attendoient leurs ennemis qui ne manqueroient pas de vouloir venger la mort des fept hommes qu'ils avoient tués, & dont ils avoient fait d'excellens repas.

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Il doit paroître d'abord étrange, comme l'obferve l'hiftorien, que dans un pays où les habitans n'ont rien à fe difputer, une guerre éternelle leur mette continuellement les armes à la main; & que chaque petit diftrict, habité par un peuple humain, affable, généreux, foit dans une inimitié, conftante avec tout ce qui l'environne. Mais il peut

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faire que dans un combat il y ait plus à gagner pour le vainqueur qu'on ne pourroit d'abord le croire, & que ces peuples foient pouffés à commettre de mutuelles hoftilités par des motifs qu'aucun degré d'amitié & d'affection n'eft capable de furmonter. I paroît que le poiffon & quelques racines compofent toute leur nourriture; mais cette fubfiftance ne peut fe procurer que fur les côtes; encore n'eft-ce qu'en certain temps de l'année que la pêche est abondante. C'eft une conféquence néceffaire que les Tribus qui vivent dans l'intérieur des terres, fi quelques-unes y ont leur réfidence, & même celles qui font fur les côtes, foient fouvent exposées à périr par la famine. La contrée ne produit ni brebis, ni chevres, ni cochons, ni aucune efpece de bétail: ils n'ont point d'oifeaux privés, & ne con. noiffent pas l'art d'en prendre d'autres en quantité fuffifante pour en faire des provifions. Si quelque circonftance ne permet pas à une Tribu de faire fa provision de poiffon, ou fi on vient à l'en priver après l'avoir faite, elle n'a pour y fuppléer que quelques chiens & des racines, dont les principales font les iniams, les patates & les racines de fougere; & quand ·par accident cette reffource vient encore à

manquer, elle eft alors dans une fitua tion qui doit la porter aux extrémités les plus violentes. Mais les Tribus mêmes qui habitent les bords de la mer doivent quelquefois fe trouver dans cet état de défefpoir; foit parce que leurs plantations auront été dévaftées, ou n'auront rien produit, foit parce que la pêche n'aura pas été affez abondante pour en faire des provifions feches.

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Ces confidérations, ajoute l'hiftorien, paroiffent expliquer pourquoi ces peu,, ples, dont les Tribus font continuellement expofées aux incurfions les unes des autres, ont fait de chaque village un Fort, & rendre en même tems raifon de l'horrible coutume de manger ceux qui ont perdu la vie les armes à la ,,main; car on ne doit pas fuppofer que celui que la famine a forcé d'égorger ,, fon voifin, puiffe être touché d'huma ,,nité à la vue de ce corps fanglant qui, mis à la broche, calmera la faim qui le ,, dévore: mais fi l'on a rencontré jufte dans l'origine d'une fi barbare coutume, il faut alors obferver que le mal ne finit ,, pas avec la caufe qui l'a produit. Cette ,, coutume, que la néceffité a fait naître,

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eft enfuite adoptée par la vengeance. ,,Quelques Philofophes peuvent préten

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