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Tour-du-Pin sont entrés dans le parquet où étant assis, M. le Garde-des-Sceaux a di

MESSIEURS,

Nous sommes envoyés vers vous par le Ro pour déposer dans votre sein les inquiétudes de le cœur paternel de SA MAJESTÉ est agité.

Les circonstances sont tellement impérieus & pressantes, qu'elles ne nous ont pas permis de concerter avec vous les formes avec lesquelles doivent être reçus les Envoyés du Roi; formes auxquelles nous n'attachons personnellement aucune importance, mais que vous jugerez sans doute nécessaire de régler pour l'avenir, par un juste égard pour la dignité et la majesté du Trône.

Pendant que les Représentans de la Nation, heureux de leur confiance dans le Monarque > et de son abandon paternel à leur amour, préparent le bonheur de la Patrie et en posent les inébranlables fondemens, une secrète et douloureuse inquiétude l'agite, la soulève, et répand partout la consternation.

Soit que le ressentiment des abus divers dont le Ror veut la réforme, et que vous desirez de proscrire pour toujours, ait égaré les Peuples; soit que l'annonce d'une régénération universelle ait fait chanceler les pouvoirs divers sur lesquels repose l'ordre social; soit que des passions ennemies de notre bonheur ayent répandu leur ma

ligne influence sur cet Empire : quelle qu'en soit la cause, MESSIEURS, la vérité est que l'ordre et la tranquillité publics sont troublés dans presque toutes les parties du Royaume.

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Vous ne l'ignorez pas, Messieurs, les propriétés sont violées dans les Provinces ; des mains incendiaires ont ravagé les habitations des Citoyens ; les formes de la justice sont méconnues et remplacées par des voies de fait et par des proscriptions. On a vu en quelques lieux menacer les moissons et poursuivre les Peuples jusques dans leurs espérances.

On envoie la terreur et les alarmes par-tout où l'on ne peut envoyer des déprédateurs; la licence est sans frein, les Loix sans force les Tribunaux sans activité; la désolation couvre une partie de la France, et l'effroi l'a saisie toute entière; le Commerce et l'Industrie sont suspendus, et les asyles de la piété même ne sont plus à l'abri de ces emportemens meurtriers.

que

Et cependant, MESSIEURS, ce n'est pas l'indi gence seule qui a produit tous ces troubles. On sait que la saison ménage des travaux à tous, la bienfaisance du Roi s'est exercée de toutes les manières, que les riches ont plus que jamais partagé leur forte avec les malheureux. Se pourroit-il donc qu'à cette époque, où la Représentation nationale est plus nombreuse, plus éclairée, plus imposante qu'elle n'a jamais été z

où la réunion de tous les Membres de l'Assemblée dans un seul et même Corps, et son union intime de principes et de confiance avec le Roi, ne laissent aucune ressource aux ennemis de la prospérité publique; se pourroit-il que tant et de si grands moyens fussent impuissans pour remédier anx maux qui nous pressent de toutes parts!

Vons l'avez justement pensé, MESSIEURS : une belle et sage Constitution est et doit être le principe le plus sûr et le plus fécond du bonheur de cet Empire. SA MAJESTÉ attend avec la plus vive impatience le résultat de vos travaux, et Elle nous a expressément chargés de vous presser de les accélérer; mais les circonstances exigent des précautions et des soins, dont l'effet soit plus instant et plus actif. Elles exigent que vous preniez les plus promptes mesures pour réprimer l'amour effréné du pillage et la confiance dans l'impunité; que vous rendiez à la force publique l'influer.ce qu'elle a perdue. Ce n'est point celle que yous autoriserez, qui sera jamais dangereuse ; c'est le désordre armé qui le deviendra chaque jour davantage. Considérez, MESSIEURS, que le mépris des Loix existantes menaceroit bientôt celles qui vont leur succéder: c'est aux Loix que la licence aime à se so straire, non point parce qu'elles sont mauvaises, mais parce qu'elles sont des Loix. Vous réformerez les abus qu'elles présentent; vous perfectionnerez l'ordre judiciaire

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dans toutes ses parties. Le pouvoir militaire des vicndra, comme il doit l'être, de plus en plus redoutable à l'Ennemi, utile au maintien de l'ordre, sans qu'il puisse être jamais dangereux pour le Citoyen.

Mais jusqu'à ce que votre sagesse ait produit ces grands biens, la nécessité réclame le concours de vos efforts et de ceux de SA MAJESTÉ pour le rétablissement de l'ordre et l'exécution des Liex.

SA MAJESTÉ Compte assez sur la sagesse des résolutions que vous prendrez à ce sujet, pour vous annoncer d'avance qu'Elle s'empressera de les sanctionner et de les faire exécuter dans tout son Royaume.

Il étoit juste, MESSIEURS, de vous entretenir d'abord de la subversion générale de la Police publique. Il étoit juste de vous demander l'emploi de tous vos moyens pour son rétablissement. Le Ministre vertueux que le Roi vous a rendu, qu'il a rendu à vos regrets et à votre estime, va yous montrer, sous une nouvelle face, les funestes effets de ces mêmes désordres; il va mettre sous vos yeux l'état actuel des Finances.

Vous reconnoîtrez ce que les lenteurs, et en beaucoup d'endroits, la nullité des perceptions, forment de vuide dans le Trésor royal, ou plutôt dans celui de l'Etat; car le Roi ne distingue pas son trésor de celui de la Nation; et quand ses N. 43.

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besoins vous sont connus, vous ne pouvez vous dispenser d'y subvenir, sans ébranler, dans une proportion quelconque, toutes les fortunes et F'organisation même du Corps politique.

Vos Commettans, il est vrai, se sont flattés que la Constitution pourroit avoir reçu sa sanction avant qu'il fût nécessaire de vous occuper d'aucun impôt, ni même d'aucun emprunt; mais ils ont également voulu que vous consolidiez la dette publique, et que vous rejetiez avec une juste indignation, toute mesure qui seroit capable d'altérer la confiance.

Le temps est venu, MESSIEURS, où une impérieuse nécessité semble vous commander, et vous avez déjà fait connoître l'esprit qui vous anime en prorogeant les impôts établis, et en plaçant les créanciers de l'Etat sous la sauve-garde de l'honneur et de la loyauté Françoise. ·

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LE ROI, MESSIEURS, VOUS demande de prendre en considération cet important objet, dans lequel il ne veut jamais avoir d'intérêt séparé des vôtres. Il a voulu que sa franchise égalant le sentiment de sa confiance, on ne vous dissimulât rien. Il desire enfin que, vous associant à ses sollicitudes, vous réunissiez vos efforts aux siens, pour rendre à la force publique son énergie; au pouvoir ju, diciaire, son activité; aux deniers publics, leur cours nécessaire et légitime.

Et nous, Messieurs, que vous avez si sensible

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