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ment honorés de votre bienveillance, nous Mi nistres d'un Rot qui ne veut faire qu'un avec sa Nation, et qui sommes responsables envers Elle, comme envers Lui, de nos conseils et de notre administration; nous qui sommes intimement unis par notre amour pour le meilleur des Rois, par notre confiance réciproque et mutuelle, par notre zèle pour le bonheur de la France, et par notre fidèle attachement à vos maximes, nous venons réclamer vos lumières et votre appui, pour préserver la Nation des maux qui l'affligent, ou qui la menacent.

Après le Discours de M. le Garde-desSceaux, M. Necker a pris la parole et a dit:

JE viens, MESSIEURS, Vous instruire de l'état présent des finances, et de la nécessité devenue indispensable de trouver snr-le-champ des res- ·

sources.

A mon retour dans le Ministère, au mois d'Août dernier, il n'y avoit que quatre cents mille francs en écus ou billets de la Caisse d'Escompte au Trésor Royal; le déficit entre les revenus et les dépenses ordinaires, étoit énorme, et les opérations antérieures à cette époque avoient détruit le crédit entièrement.

Il a fallu, avec ces difficultés, conduire les af

faires sans trouble et sans convulsion, et arriver à l'époque où l'Assemblée Nationale, après avoir pris connoissance des affaires, pourroit remettre le calme, et fonder un ordre durable.

Cette époque s'est éloignée au - delà du terme qu'il étoit naturel de supposer; et en même temps des dépenses extraordinaires et des diminutions inattendues dans le produit des revenus, augmenté l'embarras des finances.

ont

Les secours immenses en blés que le Roi a été obligé de procurer à son Royaume, ont donné lieu, non-seulement à des avances considérables, mais ont encore occasionné une perte d'une grande importance, parce que le Roi n'auroit pu revendre ces blés au prix coûtant, sans excéder les facultés du Peuple, et sans occasionner le plus grand trouble dans son Royaume. Il y a eu de plus, et il y a journellement, des pillages que la force publique ne peut arrêter. Enfin, la misère générale et le défaut de travail ont obligé Sa Majesté à répandre des secours considérables.

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On a établi des travaux extraordinaires autour de Paris, uniquement dans la vue de donner une occupation à beaucoup de gens qui ne trouvoient point d'ouvrage; et le nombre s'en est tellement augmenté, qu'il se monte maintenant à plus de douze mille hommes. Le Roi leur paye vingt sous par jour; dépense indépendante de l'achat des outils, et des salaires des surveillans.

la

Je ne ferai pas le recensement de plusieurs autres dépenses extraordinaires amenées. par nécessité; mais je n'omettrai point de vous rendre compte d'une circonstance de la plus grande gravité c'est de la diminution sensible des revenus, et du progrès journalier de ce malheur.

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Le prix du sel a été réduit à moitié, par contrainte dans les Généralités de Caen et d'Alençon, et ce désordre commence à s'introduire dans le Maine. La vente du faux sel et du tabac se fait par convois et à force ouverte dans une partie de la Lorraine, des Trois-Evêchés et de la Picardie; le Soissonnois et la Généralité de Paris commencent à s'en ressentir.

Toutes les barrières de la Capitale ne sont pas encore rétablies; et il suffit d'une seule qui soit ouverte, pour dccasionner une grande perte dans les revenus du Roi. Le recouvrement des droits d'Aides est soumis aux mêmes contrariétés. Lcs Bureaux ont été pillés, les registres dispersés, les perceptions arrêtées ou suspendues dans une infinité de lieux dont l'énumération prendroit trop de place, et chaque jour on apprend quelqu'autre nouvelle affligeante.

L'on éprouve aussi des retards dans le paiement de la Taille, des Vingtièmes et de la Capitation; en sorte que les Receveurs généraux et les Receveurs des Tailles sont aux abois

et plusieurs d'entr'eux ne peuvent tenir leurs traités.

La force de l'exemple doit empirer journellement ce malheureux état des affaires ; et les conséquences peuvent en être telles, qu'il devienne au dessus de votre zèle et de vos moyens de prévenir le plus grand désordre et dans les Finances et dans toutes les fortunes, et d'empêcher, au moins pendant long-temps, la dégradation des forces de ce beau Royaume.

Je crois donc, MESSIEURS, que vous sentirez la nécessité d'examiner sans un seul moment de retard, l'état que je vous présente des secours indispensables pour empêcher une suspension de paiemens, et le Roi ne doute point que vous ne sanctionniez ensuite l'Emprunt qu'exigent la sûreté des engagemens, et des dépenses inévitables pendant deux mois; terme qui vous suffira sans doute pour achever ou pour avancer les grands travaux dont vous êtes occupés, et pour établir un ordre permanent, et tel que la France a droit de l'attendre de votre zèle éclairé, et des dispositions justes et bienfaisantes de Sa Majesté.

Il est vraisemblable qu'avec trente millions, il sera possible de pourvoir aux besoins indispensables pendant l'intervalle que je viens d'indiquer; mais il n'y a pas un instant à perdre pour rassembler cette somme. Je crois qu'il ne faut point chercher à décider la confiance par de hauts in

térêts: ce n'est point de la spéculation qu'il faut attendre des secours dans les circonstances présentes, mais d'un sentiment généreux & patriotique; et ce sentiment répugneroit à accepter aucun intérêt au-dessus de l'usage.

Je proposerois donc, MESSIEURS, que l'Emprunt fût simplement à cinq pour cent par an, remboursable à telle époque qui seroit demandée chaque prêteur à la suivante tenue des EtatsGénéraux;

par

Que ce remboursement fût placé en première ligne dans les arrangemens que vous prendrez pour l'établissement d'une Caisse d'amortissement. Mais. comme il est très-possible que par le résultat de vos soins et de vos travaux, les af faires générales du Royaume et de la finance acquièrent un grand degré de prospérité, ét qu'un intérêt de cinq pour cent devienne en peu de temps un intérêt précieux, je voudrois que le remboursement de l'Emprant proposé, n'eût lieu qu'avec le cousentement des prêteurs.

Je proposerois que cet Emprunt fût en billets au porteur ou en contrats, au choix des prêteurs.; et qu'il fût stipulé que dans le cas où le Roi, de concert avec l'ASSEMBLÉE NATIONALE ordonneroit la conversion en contrats des Effets au porteur actuellement existans ceux de l'Emprunt proposé ne pourroient jamais être soumis à cette

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