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MÉMOIRES

POUR SERVIR

A L'HISTOIRE DE FRANCE,

SOUS LE GOUVERNEMENT DE NAPOLÉON BUONAPARTE, ET
PENDANT L'ABSENCE DE LA MAISON DE BOURBON;

Contenant des anecdotes particulières sur les principaux personnages
de ce temps:

PAR J.-B. SALGUES.

TOME PREMIER.

A PARIS,

CHEZ LOUIS FAYOLLE, Libraire, rue Saint-Honoré,
no. 284, près l'église Saint-Roch.

M DCCC XIV.

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PRÉFACE.

EN publiant ces Mémoires, on n'a point l'intention d'imiter quelques personnes qui semblent vouloir, tous les jours, réaliser la fable du lion devenu vieux. Des hommes prosternés, il y a quelques mois, devant les dernières ombres du pouvoir de Buonaparte, ont été les premiers à briser ses images; à insulter ses autels; ils se montrent braves aujourd'hui, de toute leur làcheté d'autrefois.

D'autres font mieux; comblés de ses faveurs, enrichis de ses dons, ils outragent publiquement leur bienfaiteur. Ils le chantoient dans la prospérité, ils le frappent dans l'adversité. Ils sont toujours conséquens, toujours fidèles à leurs principes: car, pour il ne s'agit pas de ce qui est honnête, mais de ce qui est utile.

eux,

Cet excès de bassesse indigne à la vérité les âmes honnêtes, mais il sert admirablement les âmes faciles et accommodantes qui sont prêtes à tout, même à l'opprobre. Car c'est à cette flexibilité de conscience, à cette abnégation des lois de la reconnoissance et de l'honneur, que nous devons le plaisir de voir, depuis vingt ans, les mêmes hommes se perpétuer dans les mêmes places et se plier à tous les gouvernemens, quels qu'en soient les formes, les chefs, ou les principes.

On les accuse d'inconstance; c'est une calomnie

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ils sont constamment vils, constamment attachés à leurs intérêts personnels, et suivent, sans varier, cette maxime, que d'honnêtes gens regrettent de trouver dans le bon La Fontaine :

Le sage dit, suivant le temps,

Vive le roi, vive la ligue.

Ils voient, disent-ils, le gouvernement comme un fait; et s'inquiètent fort peu du droit. Nous les félitons de cette heureuse docilité, de cette profitable souplesse ; mais nous avouons humblement qu'il nous seroit impossible de suivre de si nobles exemples. Nous avons constamment eu la foiblesse de croire

que la morale et l'honneur étoient de quelque prix; nous avons même quelquefois poussé la gaucherie jusqu'à nous en faire les défenseurs. On ne nous a jamais vus dans la foule des adulateurs. On ne nous a point entendus exalter des actions que notre cœur désavouoit; encore moins en rendre grâce au ciel. Il est vrai que cette fierté ne nous a valu ni cordons, ni dotations, ni fonctions honorifiques. On n'a dépouillé personne pour nous enrichir. Mais si notre conduite nous a mérité l'estime et l'attachement du petit nombre d'honnêtes gens dont nous avons l'honneur d'être connus, nous ajouterons à nos autres maladresses, celle de nous croire suffisamment dédommagés.

Nous pouvons donc écrire ces Mémoires sans avoir à encourir le reproche d'ingratitude et d'inconséquence. Car telle a été notre destinée, ou peut-être notre volonté, que de tous les bienfaits des gouver

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