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fiants, détournant ainsi les esprits des grands faits de la Révolution; ou, s'ils viennent à en parler, ils le font en termes vagues, généraux', et profitent de l'oubli et de l'ignorance pour représenter cette grande rénovation sociale comme un effet sans cause, comme l'œuvre de mécontents corrompus, ambitieux, voulant se substituer au pouvoir et aux jouissances des riches et des nobles, et, pour cela, détruisant dans le sang un passé à regretter. Et ce mensonge, crié bien haut et mille fois, finit par faire office de vérité ; d'autres le répètent, parce qu'il est plus

1 En voici un exemple : « Tout conserver était impossible, >>tout détruire était dangereux. Les idées défendues par les »partisans de l'ancien état de choses ne méritaient pas la »proscription absolue dont on les menaçait; elles étaient en >>elles-mêmes, indépendamment de leur application présente, » bonnes et salutaires; c'étaient ces idées de conservation, »de stabilité, de hiérarchie sociale, de respect envers la > tradition, dont ne peuvent se passer les peuples qui ont »longtemps vécu et qui aspirent à se gouverner eux-mêmes. »> Malheureusement, ces principes étaient alors sous la garde » d'institutions vieillies et discréditées. » (De Larcy, Louis XVI et les États-généraux, pag. 10; 1868.) Mais pas un mot de détail sur ces intolérables abus, sur cet ancien état de choses, en soi bon et salutaire. mais impossible à conserver. Pourtant c'était justement là ce qu'il importait de connaître pour juger en quoi il était impossible à conserver.

facile d'adopter une opinion toute formulée que de s'en former une soi-même en recourant par un travail pénible aux sources d'information.

Or, il importe que la génération actuelle entende parler de notre glorieuse Révolution par d'autres que par ceux qui n'élèvent la voix que pour la maudire, qui de chaque émigré font un héros doué de toutes les vertus, combattant pour son dieu et son roi, tandis qu'ils représentent comme des monstres les hommes qui ont fondé la France moderne et repoussé l'étranger. A leur falsification de l'histoire, à leurs injures, il faut riposter, non par d'autres injures, mais par l'histoire vraie, afin que tous comprennent combien le passé était odieux, comment le simple désir de le voir rétablir pouvait être imputé à crime capital et réputé pensée à jamais infâme aux yeux de l'avenir, et comment les excès d'une minorité résistante qui voulait, à l'aide de l'étranger et des troubles intérieurs, maintenir les priviléges, les abus, les lois oppressives, les principes d'intolérance, exigèrent une répression proportionnée à la grandeur de l'attentat.

Il faut donc faire cette histoire; il faut la faire pour toutes les villes; il faut la faire sous toutes les formes, depuis la longue reproduction des pièces authentiques jusqu'à la réduction en un symbole de quelques lignes; il faut la faire pour les enfants qui ont à apprendre, comme pour ceux qui ont à se souvenir. Il faut la répéter souvent, toujours, la répétition étant la seule figure de rhétorique qui ait action sur les masses.

Voyez ce que font les adversaires de nos libertés et du progrès des idées. A chaque heure du jour, ils répètent et font répéter les symboles de leur doctrine; chaque jour du mois rappelle un de leurs personnages; chaque semaine apporte aux enfants, aux femmes, à quelques hommes, des instructions générales et particulières, et des anniversaires se succédant incessamment remettent en mémoire tous les événements de leur légende; de sorte que certains Français sont mieux instruits de l'histoire. de Marie Alacoque que de celle de leur pays. Imitons-les en cela. Notre calendrier a aussi ses jours commémoratifs, ses noms de héros et de

martyrs d'un bon exemple. Sur tous les tons, à toutes les occasions, faisons connaître les anciens abus, les résistances opposées, les réformes opérées, les hommes à qui elles sont dues, afin que tous ceux du présent connaissent les efforts et les luttes du passé, et sachent bien à qui nous devons l'état actuel de la société.

C'est donc ce que j'ai essayé de faire. D'autres feront plus et mieux, car le zèle pour la vérité ne donne ni le pouvoir de la connaître entière, ni le talent de la bien dire.

Ce travail exigeait des communications et des renseignements. Ils ne m'ont pas manqué; et c'est pour moi un devoir très-doux de consigner ici l'expression de ma vive gratitude pour la complaisance et les secours éclairés que j'ai partout rencontrés, dans les bibliothèques de quelques amis, aux Archives du Département, à celles de la Ville, et surtout à la Bibliothèque municipale du Musée Fabre.

Montpellier, le 7 juin 1879.

ABRÉVIATIONS.

1. Pr.-v. g. équivaut à : Procès-verbaux de l'Assemblée générale des représentants de la Commune de Montpellier; imprimés en 1789.

2. Journ. gté Montp. Journal de la généralité de Montpellier; fondé en 1779. Voir pag. 25.

3. M. S. indique un manuscrit conservé à la Bibliothèque municipale de Montpellier, sous la dénomination de : Manuscrit de Soulier. Voir Pièces justificatives, no 21.

4. Décret du 7 (s. 13) mai. Deux dates pour un seul décret, comme ci-contre, indiquent la première, l'adoption par l'Assemblée nationale; la seconde, la sanction du roi.

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