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>>sente année, pareille somme pour chacune des trois »suivantes, en lui en avançant deux immédiate»ment, espérant d'ailleurs qu'ils lui feraient un »présent, pour une fois seulement, pour les frais >>de ses noces, et qui ne pourrait être moindre d'un >> million.» (Trouvé, o. c., pag. 167 à 177.)

Les remontrances des parlements n'étaient pas plus efficaces, et leur résistance était moins un obstacle qu'une taquinerie finissant toujours par céder.

Seul le roi faisait la loi; seul il décrétait les impôts et seul il administrait le trésor public, n'en rendant compte qu'à lui-même. Toutefois, le Languedoc étant un pays d'états, les fonds votés par les Etats se distinguaient en deniers royaux et en deniers de la Province. Ces derniers étaient perçus par un trésorier particulier, le Trésorier de la Bourse des Etats, et l'emploi à faire dans la Province en était déterminé et vérifié par les Etats; ils furent en 1789 de 1,624,721 liv. Les deniers royaux, qui s'élevèrent pour la même année à 12,791,010 liv.', étaient versés directement dans les caisses royales, entre les mains du Trésorier de France et employés

1 Ils comprenaient : l'aide, l'octroi, la crue, le préciput de l'équivalent, le taillon, le don gratuit, les vingtièmes, les droits abonnés avec le roi, la capitation, les frais de gouvernement, d'intendance et d'administration civile et d'administration militaire, et enfin les intérêts des emprunts faits par la Province au nom du roi. On trouve l'explication de tous ces termes dans le Compte rendu des imp. et dépenses du Languedoc, 1789, pag. 19 et suiv.

suivant la volonté du roi, qui ne rendait aucun compte de leur emploi 1.

Les emplois militaires, ecclésiastiques, civils, le roi les donnait suivant son bon plaisir, quand il ne les vendait pas.

Au lit de justice de 1788, le chancelier Lamoignon de Basville formulait dans les termes suivants la doctrine du pouvoir royal : « Le Roi n'est >>comptable qu'à Dieu seul de l'exercice de son >>pouvoir suprême... Au Roi seul appartient en »France la puissance législative et souveraine, >>sans dépendance et sans partage. »

La conséquence était que par rapport au roi tous les citoyens étaient mineurs. Contre la liberté personnelle, il avait la lettre de cachet 2; contre la liberté

Le recouvrement était exercé par les collecteurs, qui, d'après l'évaluation de Necker (De l'adm. des finances, I, pag. 62 et 174; II, pag. 82), étaient au nombre de 250,000, et constituaient du haut jusqu'en bas une véritable armée de fripons. Les fermiers généraux donnaient au contrôleur général des finances sous lequel ils commençaient leur emploi, un pot-de-vin de cent mille écus. Turgot voulut supprimer cet usage. Les rigueurs des collecteurs étaient terribles. Les habitants des paroisses étaient solidaires pour le paiement des impositions royales, et, si des cotes restaient à recouvrer, les receveurs faisaient mettre en prison les quatre contribuables les plus imposés.

2 Lettre de cachet; lettre close spéciale par laquelle le roi envoyait sans jugement un particulier dans une prison d'État. Ces lettres toutes signées, avec le nom de l'individu à incarcérer laissé en blanc, étaient souvent accordées à de grands seigneurs qui, à l'occasion, les remplissaient par le

de conscience, il avait sa religion, qui était Religion d'Etat; « contre la liberté de communiquer ses >>pensées, soit particulièrement par la voie des >>lettres, soit publiquement par celle de l'impres>>sion » (Calonne, Lettre au Roi, pag. 214), il avait le privilége de tout connaître en faisant ouvrir les lettres, et le droit absolu de défendre ou de permettre d'imprimer.

La morale n'était pas plus respectée que les libertés et les finances, et les rois jouissaient du privilége d'afficher à la fois une épouse et des maîtresses. La cour applaudissait, les poëtes chantaient, le pape absolvait ces adultères publics 1, et trop souvent notre province de Languedoc avait eu la honte d'être gouvernée par les bâtards royaux'.

nom de quelqu'un dont leur bon plaisir était de se débarrasser. «Sous le ministère du duc de la Vrillière, qui en eut » le département pendant 52 ans, il en fut délivré plus de >> deux cent mille; elles étaient obtenues par l'entremise de » sa maîtresse, la comtesse de Langeac. » (Moniteur, 1789; Introd., pag. 11). Louis XVI, malgré les instances de Turgot et de Malesherbes, se refusa obstinément à les abolir. Le 4 janvier 1788, le Parlement de Paris ayant rendu un arrêt contre les lettres de cachet, Louis XVI cassa cet arrêt le 17 du même mois; elles furent supprimées par la Constituante (Décrets du 13 et du 16 mars 1790).

1 Anne de Pisseleu, duchesse d'Étampes, maîtresse de François Ier, fit d'un de ses oncles un archevêque, de trois de ses frères trois évêques. A Versailles et à Marly, on

disait voleur comme une duchesse.

2 En 1666, le duc de Verneuil, un des bâtards de Henri IV, fut nommé gouverneur du Languedoc, et c'est à lui que le

Et à tant de despotisme, d'orgueil, de débauches, nul moyen légal de résistance. A la moindre velléité d'insoumission, on mettait le parlement aux arrêts, ou on l'exilait . En 1589, le Parlement de Toulouse, le second des parlements du royaume, n'ayant pas obéi assez vite à Henri III, est transféré à Carcassonne, d'où Henri IV le fait, en 1592, partir pour Béziers, où il resta deux ans. En 1764, le même Parlement refusant d'enregistrer quelques édits bursaux, le duc de Fitz-James, commandant en Languedoc, fit entrer la force armée, puis transcrire les édits sur les registres, et finalement mit le Parlement aux arrêts, « en établissant près >>de chaque membre une garnison chargée de le »garder à vue la nuit et le jour »; et le Parlement se soumit. Ayant contre eux les lettres de jussion, les lits de justice, les arrêts et les exils, quelle résistance les parlements pouvaient-ils offrir à l'action du despotisme royal?

chanoine Gariel dédia son Idée de la ville de Montpellier; à sa mort, en 1682, le bon plaisir de Louis XIV le remplaça par le duc du Maine, un des bâtards que lui avait donnés la Montespan. Il gouvernait encore la Province en 1714, lorsque parut l'édit monstrueux qui conférait aux bâtards du roi, fruits d'un double adultère, le droit de succession à la couronne; et dans toute la Province on fit des fêtes en l'honneur du bâtard.

1 Voir aux Pièces justificatives, no 1, en quels termes le cardinal Dubois, « ce drôle », exposait au duc d'Orléans, régent, la manière de se servir des parlements et les inconvénients d'une réunion des États-généraux à laquelle le régent avait pensé.

Etaient-ce les Etats qui résistaient: le roi les suspendait (comme il le fit en 1750, pour deux ans1), et ils accordaient alors tout ce que la couronne voulait.

La Cour des aides voulut quelquefois se permettre des remontrances, mais en 1645 on l'envoya à Carcassonne; en 1658, elle refusa d'enregistrer un édit, le roi la suspendit; en 1788, elle refusa d'enregistrer l'édit convoquant une cour plénière, l'intendant Ballainvilliers l'y contraignit par la force militaire2. Enfin, la même année, elle se per

1 Cette résistance des États en 1750 n'eut lieu que parce que l'impôt du vingtième devait porter sur le revenu de tous les Français, et que le clergé et la noblesse y voyaient la perte des immunités et priviléges dont ils avaient joui jusque-là, et que le haut-tiers s'apercevait que, par le mode d'assiette du nouvel impôt, il allait perdre le moyen de faire peser sur le « peuple » la plus forte partie des contributions de la Province.

2 M. le comte de Cambis, commandant en second la » Province, et M. de Ballainvilliers, intendant, sont montés » au palais de la Cour des aydes à 8 heures moins un quart » du matin (8 mai). Toute la Cour y estant en robe, on y a > enregistré de la part du Roy plusieurs édicts, et ces enre» gistrements ont tenu ces Messieurs jusqu'au lendemain à » 9 heures du matin sans bouger. Les uns et les autres ont » faict apporter à manger dans le palais. L'opération finie, » M. de Cambis a obligé la Cour de sortir et a emporté les » clés du Palais, qu'il doit garder jusqu'à nouvel ordre. » (Giroud; in Delort, Mémoires, II, pag. 291. Consulter pour plus de détails: Max. de la Baume, Disc. de rentrée, 4 novembre 1861. pag. 41-43.)

De plus, la Cour fut interdite jusqu'au 16 octobre sui

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