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La composition des Etats de Languedoc était comme une conséquence de celle de son haut clergé. Les archevêques et évêques en faisaient partie de droit et composaient l'état du clergé. Et comme ils étaient au nombre de vingt-trois, trois archevêques et vingt évêques, il y avait vingt-trois membres de l'état de la noblesse, savoir: un comte, un vicomte et vingt-un barons, et quarante-six membres du tiers-état ou mieux du haut-tiers.

En cas d'absence, les prélats pouvaient se faire représenter par les vicaires généraux, les barons. par des gentilshommes ; les membres du tiers-état ne pouvaient se faire représenter.

Le président de ces Etats était de droit l'arche

du roi (5 juillet 1788) dut prescrire « à tous les savants et >> personnes instruites du royaume » de rechercher et d'apprendre au gouvernement, qui déclare n'en rien savoir, quelle était la composition des États-généraux. Il parut alors une incroyable quantité de mémoires qui agitèrent le pays; et, parmi ceux de notre région, il faut citer les mémoires de Mounier, du Dauphiné; du comte d'Antraigues, du Vivarais; de Mourgues-Monredon Vau d'un citoyen sur la composition des États-généraux ; de Bonnier d'Alco: Lettres d'un avocat à un publiciste sur la prochaine assemblée des États-généraux ; la Requête de la Chambre de commerce de Montpellier. Voir : Introd. au Moniteur, pag. 226 et suiv.

1 Jusqu'en 1694, il n'y avait en Languedoc que 22 diocèses et par suite 22 nobles aux États; en 1694, quand l'évêché d'Alais fut créé, avec le droit pour le nouvel évêque d'entrer aux États, le roi érigea une baronie de plus dans le nouveau diocèse et donna le même droit d'entrée au maire d'Alais et d'une autre ville du diocèse, par tour.

vêque de Narbonne, et cela, parce que Narbonne, ancienne métropole romaine, avait été le premier siége d'un archevêché dans la Province; en cas d'absence, la présidence revenait à l'archevêque de Toulouse, puis à celui d'Alby, etc. C'était alors, et depuis plus de vingt-cinq ans, Dillon, archevêque de Narbonne.

Il va sans dire que, pour entrer à ces Etats, il fallait faire profession de la religion catholique, apostolique et romaine.

Ces Etats avaient la prétention de représenter le Languedoc, mais, comme le constatait très-justement le comte d'Antraigues, ils ne «représentaient »en aucune façon les tro's ordres dont était com»posée la Province.

» Les évêques y entrent en vertu de leurs dignités; »et le second ordre de l'Eglise n'y envoie pas de »députés.

» Les barons y entrent en vertu des terres qu'ils >>achètent et auxquelles le roi attribue le droit »ď'entrée ; ils ne sont élus par personne, et par >>conséquent ne représentent personne.

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>> Le tiers-état ne peut y être représenté que par les >>officiers municipaux de quelques villes ; quelques>>uns d'ailleurs sont nommés par les seigneurs de »ces villes; plusieurs avaient acheté les mairies »quand le roi les aliéna, et ils obtinrent le droit >>>d'entrer aux Etats. Ainsi le peuple n'y est en au>>cune façon représenté. »

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Il ajoutait «La Province n'est donc pas repré>> sentée, et il nous faut des représentants. Il est à »présumer que pendant la tenue des Etats-géné

>>raux du Royaume, plusieurs citoyens de tous les >>ordres présenteront à cette suprême assemblée >>leurs doléances; mais les cahiers des députés des >>>sénéchaussées en seront sûrement chargés. » (Mém. s. les Et.-gén., pag. 221; et aussi Mém. s. la const. des Et. de Languedoc, pag. 6-8.)

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Bien que les Etats dussent se réunir tous les ans, ils ne pouvaient le faire que sur une convocation du roi. Leurs attributions se réduisaient « à régler et distribuer les sommes imposables sur la >> Province, à examiner les comptes du Trésorier de »la bourse et autres comptables, les affaires con>>cernant la Province en général ou quelqu'un »des ordres en particulier, et tout ce qui pouvait »porter atteinte à leurs droits et priviléges ».

Telle y était la liberté d'examen et de discussion, que, «pour demander des éclaircissements sur la >>>question avant qu'on y opinât, il fallait en avoir » obtenu la permission de Monseigneur le Président>> (Art. 23 du Régl., in Trouvé, Hist. d. Etats de Lang., I, pag. 324), et que, en 1760, Guenet, évêque de Saint-Pons, fut exclu pour avoir demandé des explications sur une question mise en délibération 1.

Les séances n'étaient publiques que le premier jour, où l'on donnait lecture des lettres royales de convocation et de désignation des commissaires du roi, et le sixième jour, où ces commissaires deman

1 Sur les vices des États provinciaux, voir : De Luçay ; Les assemblées provinciales sous Louis XVI, 2e édit., pag. 133; 1871.

daient le Don gratuit et la Capitation1; la majeure partie du temps de chaque session se passait en visites de cérémonie, assistance aux messes 2 et processions. Ce n'était donc qu'un simulacre d'assemblée délibérante, n'ayant d'autre effet que de légaliser la demande toujours renouvelée de l'argent. Pour les frais de leur session, qui durait à peine un mois, ils s'adjugeaient à eux 222,000 livres; puis, en gratification au gouverneur de la Province, au commandant en chef, au lieutenant général, à l'intendant, à leurs secrétaires, 132,000 liv., dont 12,000 à la duchesse de Fitz-James, « pour services rendus à la patrie »; 7,000 liv. à un secrétaire du comte d'Eu; 1,717 liv. aux suisses et laquais des résidences royales. Indépendamment de cette somme de 222,000 liv., que les Etats s'adjugeaient, ils recevaient encore une somme « d'en»viron 90,000 livres, que le roi accordait en pen>>sion aux Prélats et Barons, et qui étaient prises >>sur les deniers du Don-gratuit» (Compte rendu de 1789, pag. 119, note); ce qui élevait le total à

1 Don gratuit; imposition qui, depuis 1690, était au minimum de trois millions pour le Languedoc, et ainsi appelée parce que, bien qu'obligatoire, les États de la province prétendaient la voter chaque année sans la devoir et « sans conséquence ». - Capitation, taxe par tête. (Sur ces mots, voir: Hist. populaire de Montpellier, pag. 178, 300 et 316.)

2 Les États assistaient tous les jours à la messe à NotreDame-des-Tables (Compt. rendu de 1789, pag. 144 et 152); et pour que l'accès de l'Église leur fût plus facile, on établissait un pont de bois qui joignait leur bâtiment à l'église, en passant par dessus la rue.

plus de 300,000 livres. Les cierges pour les processions coûtaient 6,000 (Ibid., pag. 145); la musique 5,950 liv. (Ibid., pag. 141); pour aumônes à distribuer aux pauvres honteux de Montpellier 1,200 liv. (Ibid., pag. 149); mais «< pour aumônes »secrètes à distribuer par le président de l'Assem»blée, 6,560 liv.»!! (Ibid., pag. 150.)

Après leur assemblée, les Etats << envoyaient » chaque année une députation, qu'on appelait l'Am»bassade, présenter leur cahier à Sa Majesté ». Ce voyage inutile coûtait à la Province 53,000 livres, savoir: « au Prélat député, 8,000; au Baron dé> puté, 8,000; aux deux députés du tiers-état, chacun »4,000; au syndic député, 9,000, et pour gratifica» tions dans les Bureaux des Ministres, 20,000; >>total, 53,000 livres.» (Compte rendu de 1789, pag. 156 à 163.) Lors de la présentation au roi, l'évêque, - qui seul pouvait parler, et le baron étaient debout; les députés du tiers-état et le syndic étaient à genoux; et cette députation, en présentant son cahier au roi, lui offrait aussi un mouton de Ganges.

La présentation au roi de ce cahier contenant les remontrances des Etats n'était suivie d'aucun effet. Ainsi, en 1629, pour avoir résisté aux prétentions de Richelieu, les Etats sont suspendus pendant deux ans, et rétablis deux ans après, à la condition dérisoire que le roi fixerait lui-même les sommes qu'ils auraient à voter annuellement. En 1649, Louis XIV leur retire leurs libertés, puis les leur rend, à la condition «qu'ils lui accorderaient »sans délai la somme de deux millions pour la pré

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