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A Montpellier, le commandant en chef était, en 1789 et depuis le 4 octobre 1771, Gabriel-Marie de Talleyrand, comte de Périgord.

Justice.-La justice était administrée par deux compagnies supérieures: le Parlement de Toulouse et la Cour des comptes, aides et finances de Montpellier. Cette Cour se subdivisait en trois Chambres : Chambre des comptes, Chambre des aides et Chambre du domaine; elle était composée, en 1789, de: 1 premier président; 11 présidents; 64 conseillersmaîtres; 18 conseillers-correcteurs; 26 conseillersauditeurs; 3 gens du roi ; 3 substituts du procureur général; 1 greffier en chef, etc.

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Une charge de président s'achetait au moins 100,000 livres ; de conseiller, 60,000 livres, etc. Aussi les épices étaient-elles fortes! Pour le simple examen d'un compoix (rôle de répartition), la Cour prenait 10 écus pour 1,000 fr.; soit le 3 ! Ils étaient donc nombreux et se faisaient bien payer, mais en retour, nous dit un des leurs, « la plupart >>s'absentaient et ne faisaient aucun service» ; et le même membre nous a laissé de la Cour l'appréciation suivante: « Cette compagnie est depuis long>> temps déshonorée. Il n'y avait plus d'esprit de »corps et chaque membre ne s'occupait que de soi»même et de ses intérêts, sans se mettre en peine de l'honneur de la Compagnie.» (Mém. Acad. Montp., Sect. Lettr., IV, pag. 170.)—Avec cela, cette Cour était si soucieuse de sa dignité, ou plutôt de l'étiquette, qu'en octobre 1783 elle refusa son agrément pour l'achat d'un office de conseiller à un avocat,

parce que son grand-père avait été boucher (Ibid., pag. 138), et qu'en 1773 le premier président avait demandé l'exclusion de Bonnier d'Alco, président, parce qu'il s'était absenté sans permission et qu'il avait voyagé « dans la brouette du courrier ».

Au-dessous de ces deux grands corps étaient établies les huit sénéchaussées de Toulouse, Castelnaudary, Carcassonne, Limoux, Béziers, Nimes, Montpellier et le Puy, et dans chacune de ces sénéchaussées des juges présidiaux, jugeant sans appel des causes criminelles en cas royaux et en cas prévôtaux, ainsi qu'en matière civile jusqu'à 200 livres, mais avec appel jusqu'à 500 livres. Un prévôt général, résidant à Montpellier, était chargé, avec ses officiers, de l'exécution des arrêts et jugements. Il avait aussi le droit de juger sans appel et de faire exécuter à l'instant les déserteurs et les vagabonds'.

Comme les jugements des parlements et des cours ne répondaient pas toujours aux caprices de la royauté, celle-ci avait constitué (contrairement aux anciennes lois du royaume) au-dessus des parlements un Grand-Conseil, auquel elle avait attribué le droit de connaître de toutes les affaires suivant les occurrences et devant lequel elle évoquait toutes les affaires qu'elle voulait soustraire à la justice des parlements.

1 Le pouvoir royal avait aussi donné à la terrible juridiction du Grand prévôt une extension indéfinie, et, par déclaration donnée à Versailles le 28 avril 1789, les accusés du CRIME d'attroupement étaient renvoyés devant le Grand prévôt. On a appelé plus tard Cours prévôtales des cours qui jugeaient sommairement et sans appel.

Les subdivisions de la Province en diocèses au point de vue ecclésiastique, en commandements au point de vue militaire, en généralités1 au point de vue financier, - en sénéchaussées, bailliages au point de vue judiciaire, etc., ne se correspondaient point; et, par exemple, comme la division diocésaine différait de la division judiciaire, les justices canonique et laïque s'entremêlaient et, dans les affaires civiles, rendaient presque impossible l'obtention de jugements définitifs. Il arrivait même fréquemment que le chef-lieu d'une paroisse ou communauté était soumis à une autre loi que celle de ses hameaux, ou qu'un même hameau suivait le droit romain pour les testaments et successions, et ses coutumes pour le reste. Les poids et les mesures variaient d'une paroisse à l'autre, ce qui créait de continuels obstacles aux transactions commerciales. Cela provenait de ce que, lors de la réunion de chacune des parties du Lan

1 Généralité, ressort d'un Trésorier général des finances; à chacune répondait un tribunal dit Bureau des finances, et était attachée, pour le maintien de la sûreté publique, une compagnie de Maréchaussée, divisée en brigades et placée sous les ordres d'un Prévôt général. La généralité de Montpellier comprenait les diocèses de Mende, Viviers, Le Puy, Uzès, Alais, Nimes, Agde, Béziers, Narbonne, SaintPons, Lodève et Montpellier.

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2 Pour se faire une idée des variations que subissait une mesure de même nom dans des communes voisines, consulter Fort; Tables de compar. du départ. de l'Hérault. Le sétier de Montpellier était de 48 lit. 92 centil., et celui de Saint-Pons de 86 lit. 90 centil.

guedoc à la France, il avait été stipulé « que les >>coustumes municipales du païs seroient obser>>vées et en défaut le droit escrit: ces coustumes >>étoient particulières à chaque Ville, non générales »à toute la Province; chaque Seigneur les com»piloit à sa mode, pour avoir lieu dans ses terres »tant seulement, non dans celles de ses voisins; >>l'un n'avoit point d'authorité sur l'autre, et c'est >> d'où descendent tant de diversité de statuts, dont >> chaque ville a l'usage particulier. » (P. Louvet; Rem. s. l'hist. du Lang., pag. 157; 1657.)

La haute direction des services administratifs de justice, police et finances était confiée à un intendant, et, en 1789, ce poste était occupé, depuis le 14 juin 1786, par le baron Charles Bernard de Ballainvilliers, neveu de l'ancien ministre Calonne.

Ordre intérieur de la Province. Le régime des provinces par rapport aux impositions les faisait distinguer en pays d'états, lorsque la quotité et la répartition de leurs impôts étaient déterminées par des assemblées locales réunissant les trois ordres ou états clergé, noblesse, puis un autre, sans nom, dédaigneusement désigné par un numéro, le tiers-ordre, et en pays d'élection, lorsque tout ce qui se rapportait aux tailles, aides, gabelles, etc., y était soumis à la juridiction d'un tribunal spécial,

1 Voir comme exemple le traité de Jean-Edmond Serres, intitulé : Explication des articles du Statut municipal de la Ville de Montpellier qui sont encore en usage; 1768.

appelé l'élection. On l'appelait ainsi et on appelait ses juges les élus, parce que, dans le principe de cette institution, on avait choisi les juges par élection; ce qui, on le pense bien, ne dura pas longtemps.

Le Languedoc était un pays d'états, mais les Etats n'y répondaient pas plus à l'esprit de leur constitution que, dans les autres provinces, l'élection ne répondait à son nom. Lors de la réunion du Languedoc à la France, il avait été stipulé que << aucune imposition ou subside ne pourroit estre >> mis sur le païs sans le consentement et appro»>>bation des Estats »; mais cette condition devint bientôt illusoire, car les Etats accordèrent constamment et sans discussion tout ce que la couronne demandait, et d'ailleurs elle savait bien les y contraindre.

1 Les États-généraux de France, malgré quelques énergiques remontrances sur la réforme des abus, n'avaient abouti dans le passé à aucun résultat plus sérieux. Quand on avait besoin d'eux pour avoir de l'argent, on les convoquait. Le prétexte était d'avoir leurs conseils; la réalité était que les évêques y soutenaient les franchises et les libertés du clergé ; les nobles, leurs prérogatives militaires, leurs droits de chasse et autres. Les membres du tiers, plus intéressés à la question, ne pensaient trop souvent qu'à se rendre agréables pour obtenir quelques faveurs après la tenue des États; tout se réduisait donc « à approuver les volontés du roi. » (Henri IV.)

Une fois assez forte pour se passer des États-généraux, la monarchie les oublia à tel point pendant 175 ans, que lorsqu'en 1788 on pensa à les convoquer, un arrêt du Conseil

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