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Toujours vil hiftrion; * quel métier, quand j'y

penfe!

Voilà pourtant le fruit de mon extravagance.
Ah! fi j'ai quelquefois éprouvé vos douceurs,
Mules, vous m'avez fait bien payer vos faveurs.
Encor, fi préférant l'agréable à l'utile,

Du moins j'eufle occupé quelque pofte tranquille,
Où, libre & jouissant d'un honnête loifir,
De l'étude des arts j'euffe fait mon plaifir,
Depuis long-temps peut-être entré dans la car-
rière,

On me verroit.couvert d'une noble pouffière;
Mais un deftin vengeur, pour combler mes re-

vers,

M'a toujours fulcité mille obftacles divers,
Et femblable au vaifleau dont l'Aquilon le joue
Qui, loin d'avancer, a toujours le vent en proue,
Chaque emploi que, pour vivre, il m'a fallu rem-

plir,

Semble avoir tout exprès contredit mon defr.
Déjà pourtant j'ai vu quarante fois Borée
Faire prendre la fuite à Pomone éplorée ;
L'efprit toujours en peine, accablé de travaux,
Je n'ai pu difpofer d'un inftant de repos,
Et, foupirant en vain après la renommée

* Très - médiocre comédien dans une petite troupe de province,

Mon feu, de jour en jour, le diffipe en fumée ;
Ma folle erreur ainfi doublement me punit;
Je n'en puis retirer ni gloire ni profit:
Ma faute inceffamment fe retrace à ma vue,
Je vois avec douleur l'occafion perdue.
Infenfé que j'étois! Un bon canonicat*
Pour moi qui n'avois rien valoit un marquifat.
Ce feroit maintenant qu'exempt d'inquiétude,
Je pourrois tout entier me livrer à l'étude,
Confacrer chaque inftant d'un loifir enchanteur
A m'éclairer l'efprit, à m'épurer le cœur.

Des paffions le fouffle en vain voudroit me nuire; De l'amour, à mon âge, on ne craint plus l'empire.

L'ambition jamais n'égara ma raison:
Satisfait, je craindrois encor moins fon poison.
Je verrois en pitié ce courtifan volage
S'agiter & toujours n'embrafler qu'un nuage.
Qu'il me feroit aifé d'éviter le fracas
D'un monde que je hais & dont je fuis fi las!
Je plaindrois ces mortels, jouets de la folie,
Qui dans le tourbillon vont confumant leur vie,
Et fe difant heureux, évoquent à grand bruit
Le plaifir effrayé qui fans cefle les fuit.

Non, la frivolité n'auroit point mon hommage.
Jouir en paix de foi, c'eft le plaifir du fage.

*Un canonicat m'étoit deftiné, & l'on ne m'a voit fait étudier que dans cette vue.

Souvent je pafferois, oifif, laborieux,
En fpéculations des jours délicieux;

Tantôt l'œil enchanté, l'ame tranquille & pure,.
Sur le bord d'un raiffeau contemplant la Nature,
Ou, pour en favourer les beautés tour-à-tour,
D'autrefois admirant l'aurore d'un beau jour.
Quel fpectacle divin! quel délice fsuprême!
L'homme s'élève alors au deflus de lui même.
Son cœur ivre de joie, hors de lui tranfporté,
Semble prendre fon vol vers la Divinité.
Ah! c'eft-là le bonheur, la volupté parfaite,
Le bien que j'ai perdu, le bien que je regrette,
Le feul qui caufe encor mon plus ardent defir,
Et que je pleurerai jufqu'au dernier foupir.

D**, à Cl* *.

SUR LE PRINTEM S.

CHARMANTE Déefle

Des fleurs, du printems, [

Et de la jeunefle,

Reviens dans nos champs.?

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De fes tendres pleurs
En faifant éclore

Des moiffons de fleurs,
Aux Plaifirs encore

Ouvrira nos cœurs.

Tout dans la Nature
Va se ranimer,
Et c'est pour aimer.
Cette onde fi pure
Qui roule en grondant,
Du flot, fon amant,
Plaint par ce murmure
L'amoureux tourment.
Sous le verd feuillage
Un effaim volage

D'oiseaux amoureux.,
Par fon doux

ramage,

Par fon badinage 1 Exprime les feux,

Et nous fait entendre

Que pour être heureux
Il faut être tendre.
Déjà le Soleil,

Se plongeant dans l'onde,
Va du nouveau Monde
Prefler le réveil.

Hâte-toi, Nuit fombre;

La Beauté dans l'ombre

Aime à fe cacher,

Et la plus févère
Ne repoufle guère
Qui fait l'y chercher.
Ce profond filence
Qu'interrompt par fois
Le vent qui balance
Mollement nos bois,
De la nuit épaiffe
Augmentant l'horreur,
Jette au fond du cœur

Certaine terreur

Propre à la rendrefle.

Le Dieu du

repos

Sur les yeux des mères,

Des Argus lévères,

Répand fes pavots.

Quand tout eft tranquille,
Lors, à petit bruit,
Cupidon conduit

Sa cohorte agile.

Les Ris & les Jeux

Jamais ne fommeillent ;

Mais pourquoi, comme eux, Tant de jaloux veillent ? Importuns jaloux

Seriez-vous à craindre?

Ah! loin de vous plaindre,

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