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libérale se place naturellement du côté de la multitude opprimée; et regarde toutes les armes arrachées au despotisme, comme des trophées élevés à la justice. Mais, lorsqu'à mesure que l'action se développe, on voit celui qui étoit naguères le maître d'un des plus puissans empires, exposé aux insultes, aux outrages, aux fureurs d'une populace déchaînée; lorsqu'on réfléchit sur le dénouement de cette sanglante tragédie; lorsqu'on le suit du trône à la prison, et de la prison à l'échafaud; lorsqu'on pense à ses souffrances et à sa résignation, à la douceur de son caractère, et aux outrages dont il fut abreuvé; lorsqu'on compare sa naissance, son rang, son éducation, ses vertus, sa situation et sa destinée; lorsqu'on balance ensuite ses fautes, et leur terrible expiation, on ne peut se défendre de cet intérêt naturel et touchant qu'inspirent les grandes infortunes: la sen

sibilité plaide en sa faveur; et on déplore sincèrement sa fin violente et prématurée.

En parcourant les documens qui traitent plus particulièrement de l'histoire de Louis XVI, il faut se tenir également en garde et contre le panégyriste asservi, l'adulateur déhonté qui ne voit d'autre erreur dans sa conduite que l'abandon qu'il fit de la plus légère partie de son autorité; et contre le démagogue effréné qui, regardant la royauté comme un crime, pense que le supplice de celui qui en est revêtu, peut à peine l'expier; la vérité est entièrement étrangère à de pareils écarts. Celui qui la recherche de bonne-foi, repousse, avec dégoût, ces rapsodistes politiques; il y voit, à chaque page, la passion déguisant, supprimant, ou atténuant les faits; le calomniateur au lieu de l'historien; ou le verbiage

pompeux du barreau au lieu des sages décisions du tribunal.

Mais, s'il a été difficile, jusqu'à ce jour, de se former une juste idée du vrai caractère de Louis XVI, d'après les matériaux insuffisans et mutilés qui sont parvenus jusqu'à nous; les personnes qui ont recueilli les lettres que nous publions, affirment, de la manière la plus positive, que nous y trouverons le meilleur et le plus sûr moyen d'arriver à la vérité. La preuve qu'ils en donnent, est, selon eux, la plus infaillible et la plus convaincante. C'est le monarque lui-même; c'est l'expression de ses sentimens les plus intimes; la manifestation de ses pensées les plus secrètes c'est l'épanchement de son ame et de ses affections; l'effusion de son cœur et de sa conscience, dans le sein de l'amitié. Toute réserve eût été folie; tout déguisement eût été sans motif.

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Il faut convenir que ce genre de preuve est le moins sujet à être contesté, lorsqu'on se borne à connoître la véritable façon de penser de l'homme, sans chercher à rien décider sur la justesse ou le mérite de ses opinions. C'est une question entièrement distincte, et dont on juge ordinairement selon les principes, les idées ou les préjugés qu'on a adoptés. Les partisans de Louis XVI triomphent d'avance de leur succès. « Ce recueil, disent-ils, est un monu» ment dédié à sa gloire, et qui doit » paroître à ses amis plus digne d'une » éternelle durée, que ces mausolées >> magnifiques élevés à grands frais, >> que ces statues de marbre et de bronze » que le temps détruit en silence, et » que des grandes catastrophes élèvent » ou détruisent tour-à-tour. » Quelle que puisse être la durée de ce monument, on peut douter, après l'avoir examiné avec attention, que la géné

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ration actuelle, et même la postérité, ratifie jamais un jugement aussi favorable.

Les partisans du roi avoient dessein de publier cet ouvrage en deux volumes. Le premier auroit contenu simplement ses lettres, et étoit destiné à nous montrer Louis XVI homme privé. Le second, tout ce qui pouvoit servir à le caractériser comme homme public; et il auroit été composé de ses discours, ses mémoires, ses observations, ses écrits, et l'analyse de quelques-uns de ses ouvrages; « de manièro » que tous ces objets réunis nous au» roient présenté le dernier roi des >> Français, comme un prince vrai>>ment instruit, également fait pour » gouverner les hommes dans la soli>>tude du cabinet; propre à devenir » le conseiller d'un roi; digne d'exé » cuter; capable de juger les hommes,

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