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où la sagesse devroit les arrêter, qu'il faut non-seulement une police sévère pour les livres, mais une surveillance active envers ceux qui sont chargés de les examiner, pour que les mauvais livres aient le moins de publicité possible. Je le sais, toute inquisition est odieuse, mais il faut un frein à la licence; car sans ce moyen, la religion et les mœurs perdroient bientôt de leur pouvoir, et la puissance royale de ce respect dont elle doit être toujours environnée. Nos philosophes modernes n'ont exalté les bienfaits de la liberté, que pour jeter avec plus d'adresse dans les esprits, des semences de rebellion. Prenons-y garde, nous aurons peut-être un jour à nous reprocher un peu trop d'indulgence pour les philosophes et pour leurs opinions. Je crains qu'ils ne séduisent la jeunesse, et qu'ils ne préparent bien de troubles à cette génération qui les protége. Les remontrances du clergé sont en partie fondées ; je ne puis qu'applaudir à sa prévoyance. Vous avez promis en mon nom, dans l'assemblée du clergé, de poursuivre les mauvais livres, les livres impies,

impies. Nous tiendrons notre promesse, parce que la philosophie trop audacieuse du siècle, a une arrière-pensée, qu'elle corrompt la jeunesse, et tend à tout troubler et à tout diviser.

LOUIS,

OBSERVATIONS

Sur la quinzième lettre.

PARMI tous ceux qui ont joué un rôle distingué dans la révolution de France, il y en a peu qui méritent l'estime et la vénération générale, comme M. de Malesherbes. Les services de M. Turgot, quelque éminens qu'ils aient été, finissent, en quelque façon, avec son administration. M. de Malesherbes, quoique retiré depuis long-temps des affaires du cabinet, ne cessa jamais de donner des conseils et des instructions au roi.

Cette lettre, à M. de Malesherbes, semble être une réponse aux remontrances que ce VOL. I.

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ministre avoit faites au sujet de quelques mesures de rigueur prises par le gouvernement, contre les écrivains philosophes du temps; et le roi se justifie, en lui faisant sa confession de foi sur ces philosophes et sur leurs ouvrages. Elle est entièrement intéressante, sous plusieurs rapports; elle manifeste beaucoup de candeur dans le monarque, eu égard à la propagation des idées les plus libérales sur la liberté civile et religieuse ; et il y fait plusieurs observations très-justes, sur les abus qu'occasionnoient alors ces priviléges inestimables. Il paroît que le roi avoit été, pendant un certain temps, un des admirateurs des ouvrages de Voltaire, Rousseau, Diderot, et quelques autres écrivains de cette école. Mais qui peut le blâmer raisonnablement, d'avoir formé le sage dessein de ne plus favoriser des productions qu'il regardoit comme pernicieuses et destructives de toute moralité ?

Les apologistes de ces écrivains nous disent, qu'ils se servirent des armes qui leur parurent les plus propres à combattre, avec succès, le despotisme et la superstition; et que, suivant la maxime du poète de Rome, le ridicule

étoit un moyen plus puissant et plus sûr, que des réfutations sérieuses et formelles.

Il y a, nous en conviendrons, des préjugés. si enracinés dans l'esprit humain, qu'il est peut-être impossible de les détruire, sans faire usage de toutes les ressources que cet esprit fournit lui-même ; mais on doit se rappeler que Milton, Locke, et Sidney renversèrent le despotisme des Stuarts, sans employer des moyens indignes d'une ame noble et pure; et que les illustres réformateurs du quinzième siècle, épurèrent la morale de l'Europe, en sapant les fondemens des arrogantes prétentions du pape et du sacerdoce.

Quel est l'ami d'une liberté juste, sage, raisonnable et raisonnée, et d'une religion pure et généreuse, qui élève l'ame et lui donne une véritable énergie, au lieu de l'avilir et de la décourager, qui ne blâme, non-seulement, mais qui n'abhorre les efforts égarés et l'ardeur insensée de quelques Don-Quichottes de la philosophie? Quelles justes censures ne méritent pas ces outrés réformateurs, soit en France, soit dans d'autres pays; lorsque',

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par l'intempérance de leur zèle, ils forcent des ames épouvantées, à l'aspect horrible d'une triste et décourageante annihilation, à chercher un asile funeste, une trompeuse et cruelle consolation, dans les bras du despotisme et de la superstition? On pouvoit se flatter de combattre ces ennemis avec succès; on pouvoit même espérer de les vaincre; mais ne cessons jamais de nous écrier avec Jaffier: «Gardemoi de mes amis ! » (Save me from my friends). (Otway, Venice Preserved.)

L'hommage rendu par le roi à la liberté de la presse, lui fait honneur, quoiqu'il ne paroisse être ici qu'un simple assentiment au principe exprimé dans la remontrance de l'exministre. «< Sans doute, mon cher Malesherbes, >> lui dit le monarque, la liberté de la presse >> agrandit la sphère des connoissances hu>>maines ; et il seroità désirer que les hommes » de lettres pussent manifester toujours leurs >> opinions, sans l'assentiment d'une censure » quelconque. » Jusques-là le roi, et son instructeur philosophe, sont entièrement d'accord; mais quoique nous reconnoissions avec le premier, que les hommes sont enclins à aller au

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