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set objet de sa haine; mais lorsqu'il accuse le comte de n'avoir pas agi franchement, en n'attaquant pas les Parisiens, il oublie qu'il avoit dérangé et détruit tous ses projets, par ses ordres exprès, et qu'il lui avoit écrit positivement: « Point d'agression, point de mouvement qui puisse laisser croire que je songe à me venger, même à me défendre. »

Le soin inutile que prirent les chefs du parti populaire, dans l'assemblée, de se justifier des accusations qu'on faisoit contre eux, ne fut guère moins impolitique que le renvoi des causes de cette insurrection devant les tribunaux. Le roi avoit été informé, par les espions, qu'il y avoit eu des repas nocturnes et mystérieux, où on s'étoit occupé de cet objet; on lui avoit même rapporté des conversations particulières qui y avoient eu lieu.

Il est très probable qu'on ait discuté, au Palais-Royal, un sujet qui étoit lié à l'inviolabilité des membres de l'assemblée; mais nous croyons que ces repas mystérieux n'eurent jamais lieu, à moins qu'on ajoute plus de foi

au rapport d'un espion de la cour, qu'au témoignage de plusieurs des prétendus convives cités dans cette lettre, qui nous ont déclaré qu'il n'y avoit jamais eu de pareilles assemblées.

Quoiqu'on puisse en penser, rien ne prouve mieux l'utilité réelle des événemens de ces mémorables journées, que la durée du ressentiment des royalistes à ce sujet. Celui du roi avoit si peu diminué, qu'il étoit disposé à appeler de ce qu'il nomme un jugement inique, Retenu, à cet égard, par son conseil, il prend la résolution « d'en appeler, un jour, au tribunal du peuple; et il ose espérer que le Français alors vengera son roi, et fera punir les assassins. » Appel inutile! Le roi cependant profita de l'avis de son conseil, et ordonna à son ministre de supprimer le projet qu'il lui avoit présenté, pour répondre à ses désirs et à ses vues.

LETTRE X LI

A M. l'archevêque d'Arles.

29 Juin, 1791.

Vous rappelez, M. l'archevêque, pour consoler le plus infortuné des rois, l'exemple de David, obligé de fuir devant son fils Absalom. Monarque abandonné! père malheureux! ce n'est pas la vengeance que David appelle à son aide; ce n'est point la foudre du ciel irrité qu'il sollicite; c'est dans le roi des rois qu'il met toute sa confiance! Il prie pour un fils ingrat; il pardonne au monstre qui le poursuit, et qui paroît avoir soif de son sang. Cet acte de l'amour paternel est sublime. Je me fais gloire d'avoir, avec David, la même conformité de sentimens et d'idées. Des ingrats me persécutent, ils calomnient un tendre père; et je ne songeois, moi, qu'à leurs intérêts, qu'à leur bonheur. C'est aux pieds de la religion que je dépose les injures faites

au monarque. Que le peuple soit heureux, et je suis satisfait. Pour moi, je goûte une douce satisfaction lorsque je puis, dans la solitude, bénir la Providence, me soumettre à ses décrets: c'est alors que tous les maux, toutes les injustices, tous les attentats sont oubliés! Ne suis-je pas trop heureux, M. l'archevêque, et la justice divine peut-elle être satisfaite? Elle vouloit me punir de lui avoir préféré l'insolente philosophie qui m'avoit séduit, et m'a précipité dans un abîme de malheurs! Pour elle j'ai négligé ce culte antique de mes aïeux, si cher à St. Louis, dont je me glorifie de descendre. Vous, M. l'archevêque, dont les vertus religieuses sont admirées, qui les préférez à celles dont la philosophie tire vanité, et qui, vues avec le prisme de la religion, resemblent si fort à des vices; offrez, pour votre roi malheureux, les vœux d'une ame embrasée de l'amour de Dieu; d'un saint évêque que je peux comparer à Ambroise : avec cette différence, que Théodose s'humilioit devant lui, pour avoir châtié cruellement un peuple rebelle; et que je sollicite

le secours de vos prières, pour ramener un peuple qui jamais ne pourra me reprocher d'avoir fait couler ni son sang ni ses larmes.

LOUIS.

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OBSERVATIONS

Sur la quarante-unième lettre.

L'ÉVASION du roi fut un de ces événemens extraordinaires de la révolution, qui décidèrent du sort du Gouvernement constitutionnel, et de celui de Louis XVI, et qui donnèrent lieu de présager les grandes catastrophes qui le suivirent. L'historien de la cour, M. Bertrand de Molleville, ne peut s'empêcher d'avouer que le départ clandestin pour Montmédi, fut, sans contredit, la mesure la plus désastrueuse que le roi pouvoit prendre; et que tous ceux qui ont à se reprocher d'avoir concouru à l'y déterminer, soit par leurs conseils, soit par leurs sollicitations, quels qu'aient

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